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Le grand invité Afrique

Arnauld Akodjenou (ONU): «Plus de 63% des réfugiés sud-soudanais sont des enfants»

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Le Soudan du Sud se dirige peut-être vers un nouvel accord de paix. Il y a une semaine, un texte provisoire a été approuvé par le président Salva Kiir et son principal opposant Riek Machar. Mais plusieurs mouvements d'opposition n'ont pas signé. Le dialogue se poursuit et un accord définitif est prévu pour le 5 août à Khartoum. En attendant, la situation humanitaire est catastrophique : deux millions et demi de réfugiés, près de deux millions de déplacés, pour 12 millions d'habitants. Arnauld Akodjenou, conseiller spécial du HCR sur la situation au Soudan du Sud et coordinateur régional des Nations-Unies pour les réfugiés sud-soudanais, répond aux questions de Sébastien Németh.

Arnauld Akodjenou, coordinateur régional des Nations unies pour les réfugiés sud-soudanais le 24 juillet 2017 à Khartoum, la capitale soudanaise.
Arnauld Akodjenou, coordinateur régional des Nations unies pour les réfugiés sud-soudanais le 24 juillet 2017 à Khartoum, la capitale soudanaise. AFP/Ashraf Shazly
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RFI: Un accord de paix définitif est prévu le 5 août. Est-ce que vous y croyez ?

Arnauld Akodjenou: Un accord définitif ? Je ne crois pas. Tout a été fait pour que cela le soit, mais j’en doute pour deux raisons. La première, c’est qu’il y a encore des points litigieux. Il y a eu des progrès en termes d’arrangements sécuritaires - nous avons moins de violence sur le terrain - mais à part le partage des positions tant au niveau du cabinet qu’au niveau de l’Assemblée nationale, il reste encore à définir au niveau des Etats car vous avez le clan national et vous avez les Etats. C’est là où le bât blesse.

Est-ce que ces négociations, cet accord provisoire, vous donnent l’impression qu’il y a des gens qui sont en train de se partager un gâteau ?

Je vous laisse cette expression. Elle est forte mais nous avons affaire à une situation inédite. Les hommes politiques mettent de côté les souffrances du moment, tout ce qui touche aux hommes et femmes qui, après des décades de souffrance de ce qu’on a appelé « une guerre de libération » se retrouvent encore ou réfugiés ou personnes déplacées internes ou encore totalement marginalisées dans un processus qui les concerne. On ne peut pas diriger un pays sans l’implication des hommes et des femmes parce que leur avis compte et leur avis comptera. Je prends le cas des réfugiés. Comment pourrions-nous un jour rétablir le processus que nous appelons « retour », « rapatriement volontaire » sans que ces hommes et ces femmes aient eu leur mot dans ce que les hommes politiques auront conçu pour eux ? Comment pourrions-nous leur demander de faire confiance ? Et sans eux, il n’y aura pas d’Etat.

Le texte prévoit un partage du pouvoir entre Salva Kiir, le président, et son opposant, Riek Machar, qui redeviendrait Premier vice-président. C’est la même configuration qu’en 2013 lorsque la guerre a éclaté. Est-ce que cela peut marcher, aujourd’hui ?

C’est même encore plus compliqué parce que, à cette configuration, il faut ajouter la présence d’un autre parti, une alliance. Il faut ajouter aussi ceux que l'on appelle « les détenus » lors de la guerre de libération et il faut également ajouter les petits partis, l’opposition. C’est en cela d’ailleurs que nous avons, aujourd’hui, des blocages.

Vous savez qu’il y aura, en plus du président, 5 vice-présidents et, pour l’Assemblée nationale, nous passerons de 330 à 550. Je connais bien l’Assemblée nationale du Sud-Soudan ; j’y suis allé à plusieurs reprises. Rien que le bâtiment, ce dernier a été conçu pour 150 députés. Mais là où le problème devient plus compliqué, c’est au niveau des Etats. Il y a 10 Etats au Sud-Soudan. Le gouvernement de transition en demande 32, certainement pour en répartir le plus possible à des hommes politiques, ici et là. Cela suppose qu’il y aura 32 gouverneurs. Avec 32 gouvernorats, 550 députés, des suppléants, c’est toute une équipe et c’est un coût très élevé. J’ai beaucoup de peine à croire que cela marchera alors que, dans le même temps, le débit en termes de pétrole n’atteint pas les niveaux espérés par les uns et les autres.

Où en est-on au niveau du cessez-le-feu, signé il y a un peu plus d’un mois, violé quelques heures après. Est-ce qu’il tient toujours ?

Il tient. Il a été certes violé et il continue de l’être ici et là mais, en gros, il tient. Cela se voit dans les pays voisins. Ces derniers reçoivent moins de réfugiés.

Justement, comment décririez-vous la situation humanitaire actuelle ?

Elle est dramatique. Vous avez des pays tels que l’Ouganda, l’Ethiopie, le Soudan, voire le Kenya qui reçoivent un nombre de réfugiés très important et, dans le même temps, le haut-commissaire qui a lancé un appel d’un milliard et demi et qui n’a pas, jusqu’à aujourd’hui, les moyens de son programme à cause de contributions faibles. Cela a un impact énorme parce que la plupart de ces réfugiés vivent dans les communautés nationales et les infrastructures n’ont pas été faites pour cela. Le drame, c’est que plus de 63 % des réfugiés sont des enfants qui doivent aller à l’école et il y a des enfants qui n’ont pas vu un tableau noir depuis deux, voire trois ans.

Où en est-on au niveau de cet appel de fonds, un milliard et demi de dollars jusqu’à la fin de l’année ? Qu’est-ce qui a été retenu pour l’instant ?

Très peu. Nous n’avons reçu que 12 %. Les raisons sont multiples. Certes, il y a beaucoup d’autres crises mais la particularité de la crise sud-soudanaise, c’est qu’on ne va pas l’appeler une crise oubliée. Elle n’est pas oubliée parce qu’elle n’est pas connue. A travers mes contacts, j’ai réalisé que cette crise est totalement invisible. Est-ce que c’est lié à la déception de ceux qui, à un moment ou à un autre, ont poussé à la naissance de cet Etat ou ceux qui ont cru à sa naissance et à sa justification et qui n’arrivent pas à utiliser les pressions nécessaires afin que les hommes politiques se retrouvent et dégagent un consensus de gouvernement ? C’est possible mais le fait est que, aujourd’hui, le haut-commissaire est obligé de racler dans ses compartiments financiers afin de joindre les deux bouts et de réduire l’impact.

Que se passera-t-il si cet objectif financier, justement, n’est pas atteint ? Quelles seront les conséquences sur les actions humanitaires ?

Les conséquences sont énormes. Le Programme alimentaire mondial a dû réduire, en termes de ration, ici et là. Je vous ai parlé de l’abri de toutes ces populations dans les pays tels que l’Ouganda où il y a des endroits où il y a plus de réfugiés que de nationaux. L’eau, l’assainissement, les infrastructures de santé… Le drame, c’est que cette population est jeune. Si elle ne grandit pas dans de bonnes conditions, les conséquences sont énormes.

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