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Le grand invité Afrique

Mushobekwa (RDC): il n'y a pas «de femmes séquestrées comme otages sexuels»

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Y a-t-il des esclaves sexuelles au Kasaï détenues depuis plus un an? C'est ce qu'affirment l'ONU et la société civile à Tshikapa. Elles sont au moins une soixantaine, selon l'ONU, au moins 80 selon la société civile. Des femmes et surtout des filles de l'ethnie luba qui auraient été kidnappées en avril 2017 par les milices Bana Mura, des milices pro-gouvernementales accusées de crimes de guerre et crimes contre l'humanité dans la province du Kasaï et qui seraient détenues depuis dans des fermes à quelques dizaines de kilomètres à Tshikapa. L'ONU assurait avoir envoyé ces informations depuis décembre aux autorités et se plaignait de l'absence de réaction. Pour la ministre des Droits de l'homme, Marie-Ange Mushobekwa, ces informations sont fausses. Elle est l'invitée de RFI.

Marie-Ange Mushobekwa, ministre des Droits de l'homme de la RD Congo.
Marie-Ange Mushobekwa, ministre des Droits de l'homme de la RD Congo. Michael Ali/Monusco/wikimedia.org
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RFI : Que répondez-vous aux Nations unies qui parlent d’une soixantaine d’esclaves sexuelles au Kasaï et qui disent que les autorités locales n’ont pas donné suite à la transmission d’informations et n’ont pas cherché à les faire libérer ?

Marie-Ange Mushobekwa : De cette affaire, on en parle depuis le début du mois de mai. Lorsque l’équipe d’experts internationaux des Nations unies dépêchée dans le Kasaï par le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme m’a fait part de cette situation, j’ai été prise de panique. A ce moment-là, le groupe d’experts parlait de 300 femmes. Vous, vous parlez de 60. Aussitôt, j’en ai informé mon collègue ministre de la Défense, qui m’a dit qu’il n’était pas au courant et qu’il allait vérifier pour voir dans quelle mesure les faire libérer. J’ai également informé le président de la République, qui, aussitôt qu’il l’a appris, a convoqué une réunion de crise. Il m’a demandé d’appeler le directeur du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme pour avoir toutes les précisions, afin que l’armée aille libérer ces femmes dans les 72 heures qui suivaient. J’ai rappelé le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme. On m’a dit qu’on allait me transmettre tous les détails dont on avait besoin. Jusqu’au moment où je vous parle, je n’ai jamais eu de suite.

Pourtant, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme dit qu’il a fourni ces informations non pas en mai, mais que lui - Bureau conjoint -, c’est-à-dire pas les experts sur le Kasaï, en ont parlé aux autorités dès décembre 2017 et cette situation dure depuis avril 2017.

Vous parlez des autorités provinciales. Moi, je vous dis qu’au niveau de Kinshasa, j’ai été informée par les experts internationaux de l’ONU fin avril-début mai. Jusqu’au moment où je vous parle, personne n’a donné de précisions quant à l’existence de ces femmes séquestrées comme otages sexuels.

Mais il y a une trentaine de rescapées. Pourquoi ne pas les interroger vous-même ? Ces femmes donnent des localités.

Vous pouvez imaginer qu’avant d’être ministre, je suis moi-même femme et que donc je ne peux pas rester insensible face à une telle situation. Tout le gouvernement a le devoir de libérer ces femmes, si elles existaient. Je ne suis pas en train de vous dire que lors des atrocités du Kasaï, il n’y a pas eu de violences sexuelles. Il y en a eu beaucoup de commises par les terroristes de Kamuina Nsapu, mais il y a également quelques éléments des forces de l’ordre qui se sont rendus coupables de violences sexuelles. Là, on est en train de parler de femmes séquestrées comme otages sexuels. Ces femmes n’existent pas. Au début, on nous a parlé de 300. Après, on nous parlé de 100. Aujourd’hui, vous parlez de 60. Je repose la même question. Qu’on nous dise où se trouvent ces femmes. On va les libérer. L’ONU est incapable de nous dire où se trouvent ces femmes. La vérité c’est qu’il y a eu quelques femmes lubas qui avaient été mariées à quelques hommes chokwes à ma connaissance il y en avait 3. Elles se sont disputées avec leur mari parce qu’il y avait des conflits entre les Chokwes et les Lubas.Et sur la route, ces femmes ont croisé les éléments de la Monusco, elles ont relaté ce qui s’est passé et la Monusco a amplifié cette histoire.

Mais pourquoi ne pas interroger celles qui se présentent comme des victimes ? On nous parle d’une trentaine de femmes et de petites filles.

Ce que je suis en train de vous expliquer c’est que j’ai envoyé des équipes du ministère des Droits humains au Kasaï au mois de juin, à Tshikapa et à Kananga. Vous ne savez peut-être pas que moi-même je suis allée à Kananga où j’ai passé plusieurs jours. Je suis en train de vous dire des choses pour lesquelles j’ai enquêté.

Comment vous expliquez qu’il n’y ait pas beaucoup de procédures judiciaires à ce stade, dans le cadre des différents crimes contre l’humanité et crimes de guerre documentés sur le Kasaï ? Il n’y a notamment aucune procédure contre ces milices Bana Mura, qui sont accusées de détenir les otages sexuels dont parle l’ONU. Est-ce qu’il n’y a pas deux poids et deux mesures entre les milices qui sont accusées d’être proches de certaines autorités locales ou de certains commandants FARDC et les milices Kamuina Nsapu qui se sont érigées contre l’autorité de l’Etat ?

Par rapport à la sanction, j’estime que toutes les atrocités qui ont été commises au Kasaï ne doivent pas rester impunies. Le président de la République l’avait dit. C’est vrai qu’il faut la réconciliation au Kasaï, mais qu’il n’y aurait pas de vraie réconciliation, qu’il n’y aurait pas de paix, sans justice. Certaines personnes avaient déjà commencé à être jugées. Les procès avaient été interrompus à la demande du secrétaire général des Nations unies, qui voulait que les enquêtes que le gouvernement menait conjointement avec les experts de l’ONU s’achèvent, pour rétablir les responsabilités afin de permettre qu’il y ait des procès équitables.

Mais votre gouvernement passe son temps à dénoncer les ingérences de la communauté internationale. Est-ce que ce n’est pas en priorité de la responsabilité du gouvernement de mener ces enquêtes et de les faire aboutir ?

Bien sûr que c’est de la responsabilité du gouvernement.

Mais deux ans après, aucune fosse commune à ce jour n’a été ouverte et donc on ne sait toujours pas quelles sont les victimes qui sont dans ces fosses communes ?

Les gens sont en train de travailler à Kananga. Vous n’avez pas l’information ?

Comment se fait-il qu'il y ait encore des manifestations qui soient réprimées quand vous aviez vous-même annoncé la levée de la mesure générale d'interdiction de manifester il y a plusieurs mois ?

Je ne me l'explique pas, la mesure a été levée. Je vous le confirme encore une fois que les manifestations peuvent se tenir. Je n'ai pas besoin de vous préciser que nous sommes en plein processus électoral. Le dépôt de candidature (pour la présidentielle, NDLR) s'achève le 8 août prochain. Et nous ne concevons pas qu'il y ait campagne électorale sans liberté de manifester. Ceux qui répriment les manifestations publiques doivent être sanctionnés.

Le ministre de la Justice l'a dit clairement pour dire qu'il n'y aurait pas de nouvelles libérations de prisonniers politiques. L'ONU en dénombre encore près de 100, et notamment pas les figures emblématiques, Jean-Claude Muyambo, Franck Diongo et Eugène Diomi Ndongala, que ces libérations n'étaient pas à l'ordre du jour.

Vous parlez du ministre de la Justice. Moi, je suis ministre des Droits humains.

Mais le fait que ces mesures de décrispation ne soient pas mises en application, ça ne vous inquiète pas. On a vu la semaine dernière les membres du conseil de sécurité s'inquiéter du retard dans l'application de ces mesures à cinq mois des élections ?

Je ne suis pas ministre de la Justice, je parle des choses qui sont de ma compétence.

Comment vous expliquez que des jeunes activistes comme Carbone Beni et ses quatre collègues de Filimbi aient passé plusieurs mois en détention à l'ANR, l'Agence nationale des renseignements, sans accès à leurs avocats, ils sont aujourd'hui devant la justice. Comment expliquez-vous qu'il n'y ait pas de remise en cause des conditions de cette détention quand cela dépasse le cadre légal qui existe en RDC ?

Ecoutez, Carbone Beni et compagnie étaient détenus à l'ANR. Je pense qu'à l'époque où vous m'aviez interviewé, je vous avais dit que les services de renseignements n'avaient pas le devoir de me transmettre ce dossier. Mais ce que j'ai demandé en tant que ministre des Droits humains, dans mes prérogatives, je suis censée veiller sur la régularité de la détention. J'ai estimé que quatre mois, c'était trop pour continuer de détenir Carbone Beni et compagnie. J'avais demandé à ce que ces derniers soient transférés devant des instances judiciaires compétentes, enfin qu'ils aient le droit de se défendre. Cela a été fait, donc cela ne dépend plus de moi. Cela relève du ministère de la Justice.

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