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Le grand invité Afrique

[Bemba acquitté]: M. Koïté Doumbia, du Fonds au profit des victimes de la CPI

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L'ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, acquitté en appel de crimes de guerre et crimes contre l'humanité, est arrivé en fin de semaine dernière en Belgique, dans la commune de Rhode-Saint-Genèse. C'est dans cette localité que l'ancien chef de guerre congolais avait été arrêté le 24 mai 2008 à la demande de la CPI. Bemba acquitté, les victimes centrafricaines ne pourront pas avoir de réparation mais une assistance. C'est le Fonds au profit des victimes, organe de la CPI, qui va mener ce programme d'assistance à Bangui. Cette assistance suffira-t-elle pour calmer la douleur et la colère des victimes et de leurs familles? Mama Koïté Doumbia, vice-présidente du Fonds au profit des victimes, est notre invitée.

Mama Koïté Doumbia, vice-présidente du Fonds au profit des victimes de la CPI (D) et Pieter de Baan (G) directeur du Fond, le 1er mars 2017 à Kampala en Ouganda.
Mama Koïté Doumbia, vice-présidente du Fonds au profit des victimes de la CPI (D) et Pieter de Baan (G) directeur du Fond, le 1er mars 2017 à Kampala en Ouganda. Photo: RFI/Gaël Grilhot
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RFI : Jean-Pierre Bemba en liberté provisoire aujourd’hui, chez lui à Bruxelles, vous le regrettez ?

Mama Koïté Doumbia : Je me penche sur le cas des victimes. Voilà.

Mais vous comprenez le trouble chez les Banguiçois, qui ont souffert ?

Nous comprenons très bien leur situation, nous comprenons très bien leur état d’âme, de frustration et même d’indignation. Cela fait quinze ans qu’elles souffrent dans leur chair et dans leur âme. Et aujourd’hui, avec ce procès qui n’a pas donné de réponse pour les victimes, nous sommes obligés de prendre en charge leur situation. Nous sommes obligés de les aider et nous comprenons leur état d’âme. Nous comprenons leur déception. Nous, on s’attendait à un mandat de réparation. Parce qu’avec la condamnation, le premier verdict est tombé, on pensait qu’il fallait réparer. Mais aujourd’hui, on se trouve devant une situation où il n’y a pas de condamnation, où on a acquitté.

Mais parce que Bemba a été acquitté, il n’y a pas de réparation. Il y a donc assistance.

Il n’y a pas réparation, justement. C’est le paradoxe qui est là. Les victimes sont là, on pense qu’il n’y a pas de responsable, et nous, on est obligés d’intervenir. Quand on acquitte, nous sommes obligés maintenant de prendre en charge la situation des victimes en leur offrant des programmes dans ce sens. Nous avons débloqué rapidement 500 000 euros. C’est un premier pas. Et nous avons écrit aux Etats parties pour leur demander de compléter, justement, le montant qu’on a prévu pour aider les victimes de la RCA. Bemba, en réalité, devait payer le préjudice qu’il a causé avec tous les biens qu’il a.

Comment cet argent sera-t-il distribué, utilisé ? A quoi va-t-il servir ?

Nous ne distribuons pas l’argent. Nous allons recruter des partenaires locaux pour des programmes de réhabilitation civique. Ceux qui sont blessés - gravement blessés -, particulièrement les femmes victimes de violence et de viols. Ensuite, les enfants soldats qui n’avaient pas 15 ans au moment où on les a recrutés. Ce sont ces cas que nous prenons en charge.

Vous évoquez les viols, c’était en 2002-2003, il y a quinze ans ?

Il y a des données qui existent déjà, des victimes qui ont été identifiées, des listes existent. Nous intervenons pour aider les cas les plus graves, les amputés, etc. Il y a encore des victimes psychologiques. Il y a peut-être des folles qui sont là, des fous qui sont là… Nous avons encore des personnes qui sont touchées psychologiquement. Nous prenons aussi en charge des gens qui ont tout perdu ! Et comme je le dis, nous ne distribuons pas, l’argent. L’argent se distribue s’il y a réparation. Mais dans le cas de l’assistance, on ne distribue pas l’argent.

Vous comprenez que la justice internationale puisse désespérer les Banguiçois aujourd’hui et pas qu’eux. Vous-même, vous y croyez toujours à cette justice internationale ?

J’y crois. J’y crois, à cette justice, et je pense que les gens doivent y croire. S’il y a des problèmes de dysfonctionnement dans ce travail, comme je l’ai dit, nous, en tant que Fonds, nous n’avons pas d’avis à donner par rapport aux procédures judiciaires. C’est pourquoi l’intervention que nous faisons c’est justement pour rendre quelque part justice aux victimes. Parce qu’on ne peut pas les laisser à la rade. Et je pense que les victimes doivent croire en nous. On ne fait pas de l’humanitaire. On fait des programmes avec la participation effective de ces victimes. Voilà ce que nous voulons. Dans le cas de la réparation, c’est autre chose. Parce que là c’est une ordonnance et c’est la justice qui nous dit faites comme ça, il y a tant de victimes que vous devez réparer individuellement, il y a tant de victimes, de communautés, que vous devez réparer… Là, c’est les instructions qu’on nous donne après le procès, après la condamnation. Mais ici, il n’y a pas de condamnation. Donc, nous sommes obligés de mettre en place le programme d’assistance avec les partenaires locaux, le plus rapidement possible, avec le soutien du gouvernement. Et je pense qu’il faut accepter que le Fonds puisse intervenir, qu’on puisse continuer à sensibiliser les Etats qui voudront bien nous aider, des fondations qui voudront bien nous aider. Et ce sont des choses qui vraiment vont se mettre en place. Je pense qu’il faut donner de l’espoir. Au lieu d’aller dans la négativité, il faut aller dans la positivité pour aider ces victimes à sortir de ce marasme dans lequel elles sont.

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