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Aujourd'hui l'économie, le portrait

Francis Rougier, capitaine d’industrie d’un autre temps ?

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Héritier d'une dynastie de province, Francis Rougier a bâti un empire forestier en Afrique centrale et repris du service à 70 ans pour tenter de sauver le géant français du bois tropical, très endetté.

Le groupe Rougier gère des zones forestières en Afrique mais s'occupe aussi de l'export du bois.
Le groupe Rougier gère des zones forestières en Afrique mais s'occupe aussi de l'export du bois. Flickr.com CC BY-NC 2.0 jbdodane
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« Nous avons 8 à 10 millions d’euros bloqués actuellement dans les Etats, qui sont aussi indigents les uns que les autres suite à la problématique de la baisse des prix du pétrole…», expliquait Francis Rougier à la presse à l’issue d’une audience au tribunal de commerce en mars dernier.

Une communication étonnante puisqu’elle reportait la responsabilité de l’endettement du groupe sur les problèmes budgétaires des Etats pétroliers d’Afrique. Mais une communication affable, pleine de douceur.

Toujours courtois

Francis Rougier, crinière poivre et sel encore bien fournie, a toujours, même s’il habite Paris, le charme discret de la bourgeoisie de Niort, dans l'ouest de la France, où il est né et où son grand-père a fondé l'entreprise familiale en 1923. Francis Rougier y retourne de temps en temps pour une partie de chasse ou de pêche avec son ami Joël Coué, président du conseil de surveillance du club de foot local, les Chamois niortais. « C'est un homme toujours courtois, témoigne ce dernier, avec une éducation irréprochable, qui pouvait ne pas être d'accord, mais qui est dans le consensuel, et qui sait expliquer les choses clairement. Je pense que dans sa vie professionnelle ce devait être ça aussi. »

Ambitieux mais peu innovant

Dans sa vie professionnelle, l'entregent de Francis Rougier lui a ouvert les portes des responsables africains. Mais il a trop étendu son empire aux yeux des experts du secteur : 2 millions et demi d'hectares de forêts au Cameroun, au Gabon, au Congo et en Centrafrique. Il a certes accepté de faire certifier «durable» certaines de ces concessions forestières, mais pas assez innové, selon Alain Karsenty. Cet expert du bois tropical se souvient d'une conversation avec Francis Rougier. « Il s’était un peu opposé à cette logique d’avoir une gouvernance conjointe, en reconnaissant les droits des populations, partageant les bénéfices, cartographiant les finages [parcelles NDLR] et allant vers une exploitation multi-ressources. Francis Rougier m’avait dit 'bon écoutez à mon âge je ne vais pas me transformer en agro-forestier, je suis un forestier avant tout'. Je trouve que c’était révélateur de quelqu’un qui savait bien faire ce qui était le cœur du travail du groupe, c’est-à-dire exploiter la forêt, [mais] beaucoup moins efficace du point de vue industriel, et de ce point de vue probablement pas très innovant. »

Attentes déçues en Afrique

A l’arrêt au Cameroun, au Congo et en Centrafrique, les activités de Rougier se poursuivent au Gabon. A l‘heure du bilan, cinquante ans après le virage africain opéré par Francis Rougier, l’amertume est palpable chez certains anciens salariés, ou dans la population civile. « On aurait aimé que Rougier laisse aux jeunes générations une école gabonaise de transformation du bois, déclareMarc Ona Essangui, le secrétaire exécutif de l'ONG gabonaise Brainforest. On aurait aimé que Rougier laisse un immeuble avec une architecture en bois. Leroy Merlin est alimenté en France par le bois de Rougier… » Marc Ona Essangui dit aussi, et c'est tout le paradoxe, qu'il craint la disparition progressive de l'empire du Français Rougier, au profit de sociétés forestières asiatiques, qui feront peu de cas de la légalité du bois.

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