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Le grand invité Afrique

Jules-Armand Aniambossou: «Nous sommes les hussards bénévoles d’Emmanuel Macron»

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Est-ce une nouvelle cellule Afrique ou une simple amicale de jeunes entrepreneurs macronistes ? A Paris, le Conseil présidentiel pour l’Afrique, le CPA, fait beaucoup fantasmer. Quelle est la vraie influence politique de ses dix membres issus du monde des affaires et de la société civile ? Le Franco-Béninois Jules-Armand Aniambossou est le coordonnateur du CPA. Sa parole est rare. A l’occasion de la première année à la présidence d'Emmanuel Macron, cet ancien haut fonctionnaire français, compagnon de promotion du président à l'ENA et actuellement directeur général Afrique du groupe Duval, répond aux questions de RFI. Il n’hésite pas à parler des « hussards bénévoles ».

Jules-Armand Aniambossou, Directeur général Afrique du groupe Duval est le coordonnateur du CPA (Conseil présidentiel pour l’Afrique).
Jules-Armand Aniambossou, Directeur général Afrique du groupe Duval est le coordonnateur du CPA (Conseil présidentiel pour l’Afrique). groupeduval.com
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RFI : Jules-Armand Aniambossou, un ancien conseiller de François Hollande nous dit : « Avec Emmanuel Macron il y a des inflexions, des additions, mais il n’y a pas de changement dans la politique africaine de la France ». Qu’est-ce que vous en pensez ?

Jules-Armand Aniambossou : Notre président est cordial. Mais il dit ce qu’il pense. Il fait part avec franchise de la position de la France. C’est une approche à la fois respectueuse et réaliste. Mais Emmanuel Macron souhaite également nouer un contact plus direct avec les acteurs de la société civile, les entrepreneurs, les étudiants notamment. Et en cela, cela constitue un changement profond.

RFI : Ce contact direct, on l’a bien vu le 28 novembre, lors de sa rencontre avec les 800 étudiants de l’amphithéâtre d’Ouagadougou. Mais est-ce que ça fait une politique ?

Jules-Armand Aniambossou : Ce rapport direct est un élément d’une politique, en ce sens qu’il est désireux de sentir des choses sur le terrain et de sortir des sentiers battus.

RFI : Dans cette relation directe il y a un nouvel acteur à Paris, c’est le CPA, le Conseil présidentiel pour l’Afrique dont vous êtes le coordonnateur. Est-ce une nouvelle cellule Afrique ou est-ce tout à fait autre chose ?

Jules-Armand Aniambossou : Le président de la République Emmanuel Macron ne veut pas s’enfermer dans le conformisme, dans des relations très formelles ou trop institutionnelles. C’est, d’ailleurs, pour rapprocher le président de cette société civile africaine qu’Emmanuel Macron a créé le Conseil présidentiel pour l’Afrique.

RFI : Le nouveau rôle accordé aux diasporas africaines afin qu’elles participent au développement de leur continent d’origine, c’est une proposition qui vient de vous, du CPA. Mais est-ce que ce n’est pas un travail de titan ?

Jules-Armand Aniambossou : Non. Assigner aux diasporas un rôle incontournable dans la coproduction de nouvelles relations entre l’Afrique et la France ne relève aucunement du travail de Sisyphe. Emmanuel Macron s’appuie beaucoup sur les diasporas, en témoigne la composition du Conseil présidentiel pour l’Afrique. D’autre part, la mise en avant de jeunes députés français ayant des racines africaines, la nomination de la Franco-Marocaine Leïla Slimani comme représentante personnelle du président de la République pour la Francophonie. Les diasporas doivent être les vecteurs principaux de cette nouvelle relation décomplexée et dynamique.

Par ailleurs, le président Macron souhaite augmenter nettement le nombre de jeunes volontaires français en Afrique, en favorisant ceux qui parlent ou apprennent des langues africaines. À cet égard, les jeunes issus de la diaspora qui parlent des langues africaines ont un avantage comparatif à faire valoir.

J’ajoute que, pour être à la hauteur des enjeux, les diasporas doivent mieux s’organiser, se rassembler. Point de place aux initiatives individuelles. C’est tout le sens du travail que conduit le CPA, avec de nombreux acteurs, dont les Journées nationales des diasporas africaines à Bordeaux, qui font un travail tout à fait remarquable.

RFI : Oui, vous parlez des JNDA, les Journées nationales des Diasporas africaines qu’anime à Bordeaux depuis plusieurs années Pierre de Gaétan Njikam, le conseiller municipal proche d’Alain Juppé.

C’est exactement cela.

« Il n’y a plus de politique africaine de la France », a déclaré Emmanuel Macron à Ouagadougou. Sous-entendu, la France agit en Afrique comme en Amérique latine. Est-ce à dire que la France doit se désengager du continent et notamment retirer ses troupes du Sahel ?

Je ne suis pas le porte-parole du président de la République ni le porte-parole du gouvernement français. Je reste, en tant que membre coordonnateur du CPA, convaincu que la France dans cette partie du monde doit continuer d’articuler les deux versants : la sécurité et le développement.

A Ouagadougou, en novembre, on a entendu de la part du président français des phrases fortes sur les grands sujets de société, mais beaucoup moins sur la démocratie. Est-ce à dire qu’Emmanuel Macron se désintéresse de pays en crise politique, comme le Congo Kinshasa ou le Togo ?

Certainement pas. Vous savez, dans les situations de crise, il revient d’abord aux pays concernés d’œuvrer à trouver les meilleures solutions. D’aucuns reprochent à la France sa prudence, mais la prudence peut être une vertu…

Un peu d’indifférence ou d’effacement, peut-être ?

Non, ni indifférence, ni effacement. Le chef de l’État parle à tous ses homologues. Ce que les présidents se disent entre eux, nous on n’est pas censé le savoir. Donc, la diplomatie française appuie la résolution des crises africaines prioritairement par les Africains. Mais lorsque la France est sollicitée et qu’elle peut avoir une valeur ajoutée particulière, comme c’est le cas dans la lutte contre le terrorisme international, la France s’est toujours sentie concernée et a toujours été au rendez-vous. Donc, il n’y a ni indifférence, ni prudence excessive.

Oui, mais cette volonté du président de ne pas être en première ligne sur ces questions, cela suscite des débats, y compris au sein du Conseil présidentiel pour l’Afrique, où on trouve peut-être qu’il y a trop de prudence de la part du chef de l’État sur des pays en crise, comme le Congo Kinshasa ou le Tchad, non ?

Parmi les missions essentielles du Conseil présidentiel pour l’Afrique, il y a le travail qui consiste à faire remonter au chef de l’État la perception que les cibles prioritaires du CPA que sont les jeunes, les sociétés civiles, les étudiants, les entrepreneurs, peuvent avoir. Et dans ce cadre, nous avons des échanges, des discussions, voire même des débats sur des situations de crise dans un certain nombre de pays africains et nous n’hésitons pas à faire remonter au chef de l’État. Nous sommes dans notre rôle, nous sommes missionnés sans filtre pour lui faire remonter, encore une fois, ce qui nous provient de nos cibles respectives.

Le Conseil présidentiel n’est pas un club d’amis du président de la République. C’est un système neuf, composé de gens neufs, aux idées neuves, qui travaillent bénévolement et qui surtout ne sont pas dans une posture de chercher à plaire ou à ne pas dire des choses – non pas désobligeantes, on doit tout le respect au chef de l’État –, mais nous n’hésitons pas à lui faire remonter ce qui nous remonte du terrain ou que nous allons capter sur le terrain, parce que nous considérons qu’il est de notre devoir qu’il en soit directement informé.

Oui, en fait, le CPA c’est un système d’alerte de la part de gens qui ne sont pas payés par l’État.

Ce n’est pas qu’un système d’alerte. Mais notre rôle ici consiste – parce que nous sommes présents sur le terrain, parce que nous sommes, certes, des bénévoles, mais des bénévoles hussards, des bénévoles engagés à capter les signaux faibles, comme on dit –, à aller chercher de l’info que les autres institutions aujourd’hui ne savent plus aller chercher ou n’ont jamais su aller chercher, afin que le chef de l’Etat dans sa réflexion, puisse prendre les meilleures décisions dans la relation entre la France et le continent africain.

►La version longue de cet entretien est à écouter en audio en cliquant sur l'image en haut de l'article. 

►A lire également notre article: Macron et l'Afrique (5/5): que devient le Conseil présidentiel pour l’Afrique?

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