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Le monde en questions

Kiev s’est-elle discréditée en organisant la fausse mort du journaliste Babtchenko?

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Comme chaque vendredi, nous retrouvons la chronique de Bruno Daroux, Le Monde en Questions. On revient cette semaine sur cette histoire incroyable, celle du journaliste russe Arkadi Babtchenko, réfugié à Kiev, annoncé mort mercredi  par les autorités ukrainiennes, avant que ces dernières n’annoncent qu’en fait il était vivant, et que ce scénario digne d’un film d’espionnage avait été décidé pour empêcher les services russes de le supprimer. Et la question que l’on se pose : l’Ukraine s’est-il discrédité avec cette mise en scène rocambolesque ?

Le journaliste russe Arkadi Babtchenko est apparu face à la presse à Kiev, mercredi 30 mai, 24h après l'annonce de son assassinat.
Le journaliste russe Arkadi Babtchenko est apparu face à la presse à Kiev, mercredi 30 mai, 24h après l'annonce de son assassinat. REUTERS/Valentyn Ogirenko
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La réponse est : « oui, malheureusement. »

Avec cette incroyable fabrication d’une fausse nouvelle, d’une « fake news » comme on dit, par un gouvernement, au vu et au su de tous, Kiev a pris un risque considérable.

Certes les autorités ukrainiennes se justifient. Elles disent que cette manipulation sans précédent a permis de sauver une vie, celle du journaliste Arkadi Babtchenko, opposant résolu et très critique de Vladimir Poutine, menacé dans son pays, et qui, comme d’autres, a dû se réfugier en Ukraine.

Selon Kiev, les services secrets ukrainiens ont appris que leurs homologues russes avaient reçu instruction d‘éliminer Babtchenko.

Et c’est pour les en empêcher que les autorités de Kiev ont en quelque sorte pris les devants en mettant en scène l’annonce du meurtre du journaliste. Venant d’une source aussi officielle et au vu de la nature de l’information, les médias du monde entier ont estimé que cette mort était réelle et ont donc diffusé la nouvelle plusieurs heures durant, avant que les autorités ne révèlent que tout ceci n’était que mensonges, et que Babtchenko ne réapparaisse pour une conférence de presse surréaliste.

Le calcul, c’est qu’avec une telle médiatisation accompagnée de l’allégation

-sans preuves, malheureusement- sur la volonté de la Russie de tuer Babtchenko pour crime de lèse-Poutine, ce dernier échappait à la mort, non seulement dans l’immédiat, mais aussi à l’avenir.

Calcul risqué et peut-être contre-productif.

Car… Que nous dit cette histoire au-delà de son aspect « film d’espionnage » ?

D’abord que l’Ukraine est dans une position de faiblesse vis-à-vis du grand voisin russe. Pour protéger les opposants de Poutine, elle doit recourir à ce genre de procédés, indignes d’un pays qui se présente comme une démocratie.

Du coup, c’est la première fois qu’un gouvernement assume aussi ouvertement la fabrication et la circulation d’une « fake news ». Mais en voulant se jouer de Moscou, l’Ukraine se discrédite sur la scène internationale. Pire : on voit Moscou accuser Kiev d’être un propagandiste éhonté – ce qui ne manque pas de sel quand on sait qu’en la matière, le gouvernement russe n’est pas un petit joueur. Mais avec du métier, ne se découvrant jamais et niant toujours tout. Moscou aura beau jeu désormais de décrédibiliser toute parole de Kiev- qui se retrouve un peu dans la situation de l’arroseur arrosé.

Cette histoire, au final pathétique, nous dit ensuite que Kiev, en organisant ce navrant naufrage de l’information, n’a pas rendu service aux journalistes précisément qui doivent déjà, au quotidien, lutter contre tous les « fakeurs » de la terre.

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