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Le grand invité Afrique

Congo-Brazzaville: «Le procès du général Mokoko aura lieu dans quelques semaines»

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Au Congo-Brazzaville, voila deux ans que les opposants Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa sont derrière les barreaux sans être jugés. Quant à Paulin Makaya, il reste en prison alors qu'il a purgé sa peine depuis plus de quatre mois ! La longue détention de ces trois opposants ne ternit-elle pas sérieusement l'image du régime du président Sassou Nguesso ? De passage à Paris, son ministre de la Communication et des Médias, Thierry Moungalla, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Thierry Moungalla, le ministre Communication et des Médias du Congo Brazzaville.
Thierry Moungalla, le ministre Communication et des Médias du Congo Brazzaville. DR
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RFI : Thierry Moungalla, quatre mois après la signature d’un cessez-le feu la situation reste toujours très tendue dans le Pool. Le 24 mars dernier un rebelle Ninja a interpellé les délégués de la commission mixte paritaire en leur disant : « Si vous voulez la paix, commencez par libérer nos amis qui sont en prison ».

Thierry Moungalla : Je crois que beaucoup de Congolais et beaucoup d’observateurs étrangers ont été assez surpris de l’accord de cessez-le-feu qui a été conclu le 23 décembre dernier. La situation s’est brusquement débloquée. Pour quelle raison ? Parce qu’il y a eu une volonté politique commune. Celle des autorités, et en tête desquelles le président de la République, et celle du pasteur Ntumi.

Cette étape, qui était essentiellement opérationnelle, avec la cessation des hostilités, la reprise du trafic routier, la reprise attendue dans quelques jours du trafic ferroviaire et le retour progressif des populations. Cette phase est derrière nous. Il y a, à partir d’aujourd’hui, une phase qui est plus politique et qui est incarnée dans la commission paritaire qui a été mise en place, avec à égalité, les représentants du pasteur Ntumi et ceux du gouvernement. Et c’est au cours de cette phase que l’ensemble des questions politiques qui sont pendantes, la situation personnelle du pasteur Ntumi, la réinsertion effective des ex-combattants et les problèmes judiciaires, vont trouver leur solution.

Donc, pas de libération des Ninjas pour l’instant ?

Non. Je dis que c’est un processus dans lequel ce problème sera résolu dans le cadre de la commission mixte.

Dans quelques semaines, dans quelques mois, ils pourront être libérés.

Cela peut prendre quelques semaines. Cela peut prendre quelques mois.

Pas de paix sans le retour des populations du Pool qui se sont réfugiées à Brazzaville. Où en est-on ?

On en est déjà de la volonté de l’Etat, qui, malgré les difficultés financières que vous connaissez, a débloqué des crédits dans le cadre du budget 2018 qui a été voté fin 2017. Et cette somme débloquée, d’un milliard de francs CFA, permet déjà le retour progressif des populations. Il y a aujourd’hui des populations qui repartent dans leur localité d’habitation d’origine.

Oui, mais c’est au compte-gouttes.

C’est sûr que, compte tenu du fait qu’il y a à peu près 100 000 personnes qui ont été déplacées par les événements, c’est un processus long, pour lequel, d’ailleurs, l’Etat a demandé le concours et obtenu le principe de l’aide des Nations unies, lors d’une visite d’un des représentant des Nations unies au président de la République en janvier.

On a l’impression, monsieur le ministre, que pour l’instant on annonce le DDR - le désarmement -, mais que pour l’instant il n’est pas effectif.

Il y a deux aspects dans le DDR. Il y a le ramassage effectif des armes, qui est un processus que le président a annoncé depuis le mois d’octobre, quand il avait rencontré les notables du Pool. C’est-à-dire qu’on remet son arme et on reçoit un petit financement symbolique pour l’arme. Et il y a la seconde étape, qui est en fait l’étape la plus complexe, le financement de cette réinsertion qui nécessitera probablement l’apport de la communauté internationale.

Donc, pour l’instant, faute de moyens financiers, l’Etat n’arrive pas à convaincre les Ninjas de rendre leurs armes ?

Non, ce sont deux aspects différents. L’atmosphère aujourd’hui est à la restitution des armes. Il n’y a absolument plus aucune tension. Si vous voyez les convois de véhicules qui aujourd’hui ont ouvert la voie - comme on dit -, dans le Pool, ils sont mixtes. Ils sont composés de représentants de la force publique, de l’administration et des Ninjas.

A la tête de ces rebelles Ninjas il y a le pasteur Ntumi. D’un côté, la justice congolaise a émis un mandat d’arrêt contre lui, et de l’autre, l’accord de cessez-le-feu du 23 décembre stipule qu’il doit recouvrer ses droits et libertés. Alors, où en est-on ?

Tout est entre les mains de la commission mixte dont j’ai parlé. Je crois qu’il faut inscrire l’ensemble des questions d’ordre juridique, y compris la situation personnelle du pasteur Ntumi, dans le cadre des discussions qui sont en cours, qui ne cessent pas. Je peux comprendre l’impatience, notamment du pasteur Ntumi et de ses partisans les plus proches. On le comprend. Mais les choses sont sur la bonne voie et elles devraient se résoudre dans les prochaines semaines et les prochains mois.

Oui, mais en pratique il est toujours poursuivi en ce moment par la justice.

Je crois que la poursuite a totalement cessé sur un plan opérationnel. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, le pasteur Ntumi n’est, ni traqué, ni recherché.

Etes-vous en contact avec lui ?

Certainement de la part des autorités qui sont en discussion directe avec ses représentants.

Une amnistie est-elle possible ?

Tout est possible. Et je crois que tout est possible.

Le 30 décembre dernier, dans son message sur l’état de la nation, le président Denis Sassou-Nguesso a annoncé que les procès des opposants Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa s’ouvriraient d’ici le 31 mars. Rien ne s’est passé. Pourquoi ?

Il faut distinguer les deux situations rapidement. L’instruction du dossier concernant le ministre Okombi Salissa n’est pas encore arrivée à son terme. Donc, l’instruction se poursuit. Pour ce qui concerne le général Mokoko, vous avez dû entendre il y a quelques jours le renvoi qui a été effectué de son dossier vers la cour criminelle. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, sauf s’il exerce un recours, c’est-à-dire la possibilité de demander que ce renvoi soit annulé, dans les quelques semaines qui viendront, il y aura le procès du général Mokoko.

Ces deux prisonniers emblématiques ont exercé - exercent -, toutes les voies de recours. Donc, plus on conteste une procédure et une instruction et plus elle ralentit. Donc, les deux ans que nous venons de passer s’expliquent par le fait que l’instruction a été à la fois sérieuse de la part du magistrat instructeur et suffisamment ouverte et respectueuse des droits de monsieur Mokoko, puisqu’il a exercé à chaque étape les garanties que lui fournit la loi.

Selon l’un de ses avocats, le général Mokoko ne peut pas être poursuivi devant les juridictions de droit commun, du fait de son élévation à la dignité de Grand officier de l’Ordre du Mérite congolais.

Là, je ne rentre pas dans le débat juridique, qui est complexe, et je dis que ses conditions d’incarcération sont tout à fait normales, sur le fait qu’il s’agirait d’une infraction politique, je viens de vous dire que le Code pénal prévoit l’incrimination d’atteinte à la sécurité intérieure. Il n’y a donc, du point de vue de l’Etat, aucun élément qui justifie cette volonté de décrédibiliser le procès à venir.

Autre opposant politique en prison, Paulin Makaya. Il y est depuis octobre 2015. Et depuis le 1er décembre 2017 il a purgé sa peine. Et pourtant, il est toujours derrière les barreaux. N’est-ce pas un scandale judiciaire ?

Non. Il a purgé sa peine, effectivement. Simplement, il y a aujourd’hui une incrimination qui pèse sur monsieur Paulin Makaya. C’est que, fin décembre 2016, il y a eu une tentative d’évasion dans laquelle il a été impliqué et pour laquelle il a été de nouveau inculpé par le parquet. Et de nouveau, parce que dans quelques semaines il y aura certainement ce procès également, de nouveau conduit à s’expliquer devant la Cour criminelle.

Pour l’avocat de Paulin Makaya, l’ordonnance de renvoi pour tentative d’évasion est un moyen de maintenir en prison son client.

Son avocat le défend. Je comprends qu’il essaie de trouver tous les subterfuges. Simplement, je vous rappelle qu’il y a eu mort d’homme. Il y a deux agents de la force publique - deux gendarmes en l’occurrence -, qui ont trouvé la mort lors de ces événements.

Jean-Marie Michel Mokoko, André Okombi Salissa, Paulin Makaya… Avez-vous conscience que, tous ces prisonniers politiques font beaucoup de mal à l’image de votre pays à l’étranger ?

Je crois qu’un Etat - un Etat organisé -, qui constate des infractions de droit commun – je le rappelle, de droit commun –, il a deux options. Soit la faiblesse : considérer que tout est dans tout et on peut se permettre de faire que l’Etat se délite. Soit, de poursuivre conformément à la loi. La qualité d’homme politique ne donne aucune immunité pour commettre des crimes ou des délits de droit commun.

Trois opposants politiques en prison cela ne fait pas beaucoup ?

Il y en a des centaines, des milliers d’autres, qui ne sont pas en prison et qui exercent leurs activités d’opposants.

Mais vous savez bien que Mokoko, Okombi et Makaya ne sont pas n’importe qui.

Parfait Kolélas n’est pas n’importe qui, il est libre. Tsaty Mabiala à la tête du premier parti de l’opposition confère les dernières élections législatives, n’est pas n’importe qui non plus. Madame Munari, que vous recevez souvent sur vos antennes, n’est pas n’importe qui. Charles Zacharie Bowao n’est pas n’importe qui. Vous voyez que l’on peut ne pas se limiter à trois exceptions qui confirment une règle. C’est que, au Congo, on est en emprisonné quand on commet un crime ou un délit de droit commun.

Ceux qui sont en prison sont ceux qui sont le plus radicaux dans leur opposition et qui ont notamment refusé de reconnaître les résultats de la dernière présidentielle. Est-ce seulement un hasard ?

Non. Monsieur Mokoko avait lancé des appels à l’insurrection. Après cette fameuse histoire de vidéo dont tout le monde a entendu parler, il y a eu, juste après la proclamation des résultats ou juste avant - je ne sais plus -, un appel public à l’insurrection. Vous voyez que l’on est dans une autre logique. Vous parlez de radicalité. Je crois que, quand vous recevez monsieur Bowao ou madame Munari qui ne reconnaissent pas les institutions, ils le disent et ils le proclament tous les jours. Ils ne sont pas poursuivis. Ils sont libres.

Le 13 décembre dernier le président Denis Sassou-Nguesso est venu à Paris pour un sommet climat. Il a souhaité rencontrer son homologue français Emmanuel Macron. Mais finalement il n’a pu rencontrer que le ministre de l’Economie et des Finances. N’est-ce pas le signe que votre régime est tenu à distance ?

Je ne suis pas dans les méandres protocolaires, j’étais membre de la délégation. Je n’ai pas entendu dire que le président de la République souhaitait rencontrer le président Macron. Je vous rappelle qu’ils se sont rencontrés dans le cadre du sommet.

Il n’y a pas eu tête à tête ?

Il n’a pas eu de tête à tête non plus avec les dizaines de chefs d’Etat qui étaient arrivés ce jour-là pour ce sommet.

Le président Sassou ne souhaitait pas rencontrer le président Macron ?

C’est vous qui le dites. Moi, je vous dis simplement que le président a participé à un sommet multilatéral, que, comme tous les autres chefs d’Etat, il a pu pleinement faire part de la position du Congo sur les questions de climat et il était venu pour cela. Par contre, il y a eu un entretien, qui lui, était spécifique à la situation financière du Congo avec le ministre des Finances Bruno Le Maire.

Mais vous n’y avez pas vu tout de même une mauvaise manière de la part du président Macron ?

C’est vous qui spéculez.

Cette rencontre avec Bruno Le Maire, en effet, c’était sur la situation financière de votre pays qui est très difficile. Sa dette est de 120 % du Produit intérieur brut. Et il y a six mois, le FMI a confirmé l’information de RFI, qui révélait que la moitié de cette dette avait été dissimulée. Est-ce que vous ne craignez pas que vos partenaires ne vous fassent plus confiance ?

Un pays en difficulté financière est un pays qui ne dissimule pas. C’est un pays qui, par la multiplicité des créanciers, peut avoir – ça peut arriver aussi à une personne privée – besoin d’un peu de temps pour rassembler l’ensemble des informations à mettre à disposition du FMI. C’est ce qui a été fait. Et aujourd’hui, nous pensons que l’ensemble des éléments sont sur la table. D’ailleurs, une mission du FMI est actuellement à Brazzaville. Elle est en train d’achever sa mission et nous venons de passer une étape essentielle qui était celle de la détermination des termes de référence. Il fallait que nous parlions le même langage avec le FMI - c’est fait -, sur les questions essentielles, la gouvernance, la restructuration de la dette.

Sur la gouvernance il y a un accord qui a été établi sur la base d’un mémorandum lié à la gouvernance économique et financière, dont les termes de référence de base. Ce document est un document commun aujourd’hui. Et pour ce qui concerne la restructuration de la dette il y a eu le recrutement courant mars du cabinet Ernst & Young, qui aujourd’hui est à pied d’œuvre et va nous permettre d’avancer le plus vite possible.

Ce que nous pouvons dire, c’est que cette phase étant terminée, nous entrons dans une phase un peu plus technique, qui consiste à ce qu’en interne le FMI examine et fasse son miel de toutes les données recueillies et propose à l’Etat congolais ou indique à l’Etat congolais le moment où le dossier passera en Conseil d’administration du FMI pour l’accord final. Donc, toute la phase antérieure aujourd’hui est terminée. Et il y a un accord global satisfaisant pour les deux parties.

Et vous souhaitez passer, évidemment, devant un Conseil d’administration dans pas trop longtemps ?

Ce serait le souhait.

C’est à dire ?

Je crois que le prochain est en juin. Croisons les doigts.

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