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La semaine de

Une réunification totalement intéressée

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Si les politiques aiment tant les engagements lointains, c'est pour tirer un profit immédiat des avantages, en reportant à plus tard, les inconvénients…

Jean-Baptiste Placca.
Jean-Baptiste Placca. (Photo : Claudia Mimifir)
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« Nous irons aux sénatoriales sous la bannière du RHDP », déclarait, mercredi, sur RFI, Mamadou Touré, secrétaire d’Etat, dans le gouvernement ivoirien, et porte-parole du RDR, le parti du président Alassane Ouattara. « Nous, PDCI, nous aurons notre candidat pour la présidentielle de 2020 », lui rétorquait, le lendemain à la même heure, sur cette même antenne, Jean-Louis Billon, ancien ministre et porte-parole du parti d’Henri Konan Bédié. La guerre est-elle déclarée entre les deux principales formations qui gouvernent la Côte d’Ivoire ?

A l’évidence, les militants du PDCI, agacés par ce qu’ils vivent comme une ambiguïté du camp du président Ouattara, et sans doute avec la bénédiction de leur président, ont décidé de s’inscrire dans la logique d’un respect scrupuleux de ce qu’ils considèrent comme la parole donnée, à Daoukro. Le risque, évident, est celui d’un éclatement de l’alliance qui gouverne la Côte d’Ivoire. Mais Alassane Ouattara sait, comme Henri Konan Bédié, que ce qui les unit est bien plus important que ce qui peut les opposer.

Lorsque les intentions sont claires, le discours l’est aussi. Sur le plateau de la RTI (la Télévision nationale), le président Ouattara, à qui un journaliste demandait, au lendemain de sa réélection, s’il allait ou pas, en 2020, faire la passe au PDCI, a répondu à peu près ceci : « Je suis d’accord avec l’appel de Daoukro. Nous devons faire un parti unifié, c’est cela, l’objectif. Les questions de personnes ne m’intéressent pas. Le parti doit être unifié, et c’est cela qui fera la stabilité de la Côte d’Ivoire. Si l’on parle d’alternance aujourd’hui, c’est parce que nous avons encore le PDCI, le RDR et les autres…

Il y aura une alternance. Elle est certaine. Mais par rapport à ma personne. Parce que moi, je ne serai pas candidat en 2020. Mais, à partir de là, le parti unifié verra le mécanisme par lequel il devra choisir la meilleure personne pour aller aux élections ».

A Daoukro, son village natal, l’ancien président de la République avait appelé son parti à renoncer à présenter un candidat à la présidentielle, pour laisser place au président Ouattara. La décision devait être entérinée, lors d’un congrès du PDCI, le 28 février 2015, à Abidjan. Dans tous les discours, on soulignait alors l’engagement pris par Alassane Ouattara pour une alternance, en 2020, en faveur d’un militant du PDCI. Tout cela paraissait clair, sans équivoque.

Lorsque les intentions sont claires, le discours est d’une limpidité à toute épreuve. Mais, si les politiques aiment tant prendre des engagements lointains, c’est souvent pour les bénéfices immédiats qu’ils en tirent, reportant à plus tard les inconvénients. C’est alors que les discours deviennent vacillants, que l’on se perd dans les contorsions, pour se laisser la possibilité de faire autrement que ce qui était si clair, à l’époque des engagements.

Aujourd’hui, les prétendants potentiels au fauteuil présidentiel sont légion, au RDR…

Justement ! Et ils peinent à se faire à l’idée de devoir attendre, non pas cinq, mais dix ans, pour gagner le droit d’être candidats.

Aussi préféreraient-ils achever au plutôt l’unification, pour pouvoir, au nom cette formation nouvelle, briguer la magistrature suprême, sans risquer de se voir accuser de trahir le pacte annoncé à Daoukro.

Il est malaisé de se mouvoir dans une telle atmosphère. A ceux qui ont un peu de mémoire, cela ressemble à l’époque où, Félix Houphouët-Boigny, mourant, les partisans d’Alassane Ouattara avaient introduit un débat sur l’article de la Constitution qui faisait du président de l’Assemblée nationale le dauphin constitutionnel du chef de l’Etat. Il s’agissait, à l’époque, de savoir si le président de l’Assemblée nationale, Henri Konan Bédié, terminait le mandat en cours, ou si la loi fondamentale laissait au Premier ministre, Alassane Ouattara, quelque chance de se glisser dans la course à la succession du « Vieux ».

Et ce spectacle, aux yeux des Ivoiriens, paraît pitoyable, surtout lorsque le porte-parole du RDR tente de dénier à Jean-Louis Billon le droit de s’exprimer au nom d’Henri Konan Bédié, le président de son parti. L’ancien président a risqué sa crédibilité, pour convaincre les siens de renoncer à présenter un candidat en 2015, et la seule chose qu’il avait alors à leur offrir était ce renvoi d’ascenseur, en 2020. Il perdrait la face aux yeux de toute la Côte d’Ivoire, s’il s’avisait de conclure un arrangement qui obligerait le PDCI à renoncer une seconde fois à la compétition. Et l’intéressé, sans doute le plus politique des hommes politiques ivoiriens, ne le sait que trop bien.

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