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Le grand invité Afrique

Xavier Hospital: «Les normes de genre influencent beaucoup le succès des filles»

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Qui dit femme, dit jeune femme ou jeune fille, écolière ou étudiante. Encore beaucoup d’entre elles sont fauchées dans leurs études et leurs devenirs professionnels simplement parce qu’elles sont du sexe dit faible : harcèlement sexuel, grossesse précoce non désirée, maladies infectieuses contractées, rejet de la famille, mariage forcé, repli sur soi. Certes, depuis trois décennies, les mentalités évoluent. Mais cela est encore insuffisant. Xavier Hospital, Conseiller régional en éducation pour la santé au Bureau de l’UNESCO à Dakar, répond aux questions de Jean-Jacques Louarn.

Une femme avec le message «Me too» sur la main lors d'un rassemblement contre les violences faites aux femmes à Paris, en octobre 2017.
Une femme avec le message «Me too» sur la main lors d'un rassemblement contre les violences faites aux femmes à Paris, en octobre 2017. AFP/Bertrand Guay
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RFI: Vous êtes un spécialiste du genre, de la santé, de l’éducation. Si on prend le cas du Sénégal, quels sont les facteurs qui peuvent influencer le succès des filles à l’école ?

Xavier Hospital: On sait que l’état de santé et les normes de genre influencent beaucoup le succès des filles. Par exemple, tout simplement, si une fille tombe enceinte pendant son parcours scolaire, il y aura beaucoup de chance pour qu’elle doive abandonner l’école pendant un moment et elle aura beaucoup plus de difficultés à y retourner.

Donc là, on est véritablement au cœur de l’éducation, au cœur de coutumes ?

Oui, on est au cœur des coutumes. Il y a des coutumes, telles que le mariage forcé qui n’est pas si fréquent au Sénégal que dans d’autres pays voisins, mais qui est tout de même une réalité, qui font obstacle à l’éducation. Et puis il y a également les inégalités de genre, les abus et les violences qui font qu’un enfant, une fille en particulier, peuvent ne pas toujours profiter des bienfaits de l’éducation.

Entre l’an 2000 et aujourd’hui, en termes de représentativité parlementaire féminine, le continent africain se hisse juste derrière l’Union européenne, et bien devant l’Asie et les Amériques. C’est un constat encourageant. Est-ce que ces femmes députées ont une prise de conscience effectivement de ces facteurs liés à l’éducation et à la santé au genre ?

Je pense qu’il y a une prise de conscience croissante sur les liens entre le genre, la santé, l’éducation et l’impact que cela peut avoir sur la vie d’une personne. Cette prise de conscience est croissante.

Là, on évoquait la prise de conscience chez les femmes élues, mais du côté des hommes, est-ce qu’il y a cette prise de conscience ?

En tout cas, je pense qu’elle existe au niveau des décideurs politiques, du secteur politique et technicien, du secteur de la santé. Ces décideurs savent très bien qu’un certain nombre de filles sont conduites à abandonner l’école pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les résultats scolaires eux-mêmes, mais plutôt pour des raisons qui sont liées aux coutumes, aux normes de genre, aux violences basées sur le genre ou à la santé des filles.

Diriez-vous que là on touche à des spécificités de l’Afrique de l’Ouest, notamment du Sénégal. Mais je pense aussi au Mali, au Niger, et qu’en Afrique centrale effectivement, il y a une donne différente ?

Les chiffres varient parfois d’un pays à l’autre en termes de grossesse chez les adolescentes, de mariage d’enfants, de mutilations génitales féminines ou d’autres phénomènes. Mais on parle d’un phénomène qui est tout de même assez généralisé en Afrique sub-saharienne en général, même s’il existe des variations.

La religion est-elle un frein pour parler franchement ?

Je pense que la religion a des effets positifs et négatifs. Dans certains pays ou dans certains groupes, la religion est interprétée comme justifiant des pratiques qui sont néfastes ou qui renforcent les inégalités entre l’homme et la femme. Mais je ne pense pas qu’il faudrait en faire une généralité parce que la collaboration avec les leaders religieux s’est avérée très importante pour répondre à ces inégalités.

Pour la sensibilisation ?

Pour la sensibilisation, la prise de décision sur les sujets puisque souvent les religions ont un point important dans les décisions qui sont prises au niveau des systèmes éducatifs, et pour légitimer tout type d’intervention.

Faut-il des mesures coercitives ?

A l’Unesco, on défend une approche selon laquelle l’éducation pour la santé ne devrait pas être coercitive. Bien au contraire, elle devrait doter les enfants et les jeunes de compétences, de connaissances et d’attitudes qui leur permettent d’avoir une vie épanouissante, saine et respectueuse de soi-même et des autres. On n’arrive pas à doter les enfants de ces connaissances, compétences et attitudes par une approche coercitive. Au contraire, il faut leur donner de plus grandes capacités.

Vous croyez, vous, en cette sensibilisation ?

Bien sûr.

Je reviens à ces femmes élues, que ce soit au niveau de l’Assemblée nationale, au niveau des régionales, du monde rural. Est-ce qu’il ne faut pas faire plus de lobbying auprès de ces femmes, qu’elles prennent leurs responsabilités politiques ?

Je pense qu’un certain nombre d’entre elles sont déjà impliquées. Mais il faut également impliquer les hommes car si les femmes seules agissent sur ces sujets, nous n’arriverons pas à d’aussi bons résultats que si tous les parlementaires étaient impliqués.

Vous-mêmes, vous n’avez pas envie parfois de baisser les bras. Ce n’est pas un travail décourageant parfois ?

Non, je n’ai pas envie de baisser les bras. C’est un travail de longue haleine. Mais quand on regarde les progrès qui ont été réalisés au cours des trente dernières années par exemple, on voit tout de suite que cela vaut la peine de continuer à y travailler.

Donc qu’est-ce qu’il faut dire aujourd’hui, quel message passer aux hommes principalement qui détiennent encore la majorité des pouvoirs : remuez-vous ? Quel message passer aux pères, à la famille ?

Que les pères soutiennent l’éducation de leurs enfants, qu’ils permettent à cette éducation de doter les enfants des moyens de faire face aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer, et en termes de santé ou de violence de genre.

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