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Conditions de travail des femmes: vent de fronde au Vatican

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Les religieuses sortent du silence. Dans le supplément mensuel de L'Osservatore Romano, le très sérieux quotidien du Saint-Siège, une enquête jette la lumière sur leurs conditions de travail. Souvent au service de cardinaux ou évêques, ces religieuses dénoncent des rythmes excessifs de travail domestique sans avoir bien souvent leur mot à dire. Eric Sénanque, c’est un vrai tabou qui est levé au sein du Vatican.

Une religieuse se promène dans le palais apostolique avant une rencontre entre le pape François et le Premier ministre irlandais, le 28 novembre 2016 au Vatican.
Une religieuse se promène dans le palais apostolique avant une rencontre entre le pape François et le Premier ministre irlandais, le 28 novembre 2016 au Vatican. Alessandra Tarantino / POOL / AFP
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L’enquête est signée par une journaliste française, Marie-Lucile Kubacki. Elle a interrogé plusieurs religieuses qui osent mettre des mots sur un phénomène pourtant bien connu au Vatican. « Elles se lèvent aux aurores pour préparer le petit-déjeuner et se couchent une fois que le diner a été servi, la maison remise en ordre, le linge blanchi et repassé », peut-on lire dans ce reportage qui a recueilli plusieurs témoignages anonymes.

Il y a par exemple sœur Marie, qui s’étonne de ne pas être invitée à la table de l’ecclésiastique qu’elle sert depuis des années : « Il pense se faire servir un repas d’une sœur et la laisser manger seule dans la cuisine ? » s’étonne-t-elle, « est-il normal pour une personne consacrée d’être servie de cette façon par une autre consacrée ? »

L’enquête, dont le titre est « Le travail quasi gratuit des sœurs » soulève aussi le problème de la rétribution. De nombreuses religieuses en effet travaillent gratuitement, sans compter leurs heures. Souvent, aucun contrat ou convention n’a été signé pour établir leurs conditions de travail au service d’un évêque ou d’un cardinal. Une précarité qui s’étend d’ailleurs au-delà du Vatican, car dans de nombreux évêchés ou paroisses, dans des établissements hospitaliers aussi, leur situation est bien souvent la même.

Au-delà de ces cas, c’est toute une vision de la femme au Vatican et dans l’Église qui est posée…

Oui, et l’enquête le souligne, « la question économique est l’arbre qui cache la forêt et qui met en évidence un problème bien plus grand, peut-on lire, celui de la reconnaissance. » Beaucoup de religieuses ont le sentiment que l’on fait beaucoup pour revaloriser la vocation masculine dans l’Eglise, mais très peu la vocation féminine. « Derrière tout cela, il y a encore hélas l’idée que la femme vaut moins que l’homme », déplore une religieuse interrogée, que le « prêtre est tout et que la sœur n’est rien ». Toute cette situation crée un sentiment de « forte rébellion intérieure », souligne l’enquête.

Dans de nombreux cas, des religieuses viennent de pays pauvres, d’Afrique ou d’Amérique latine, souvent envoyées à Rome par leur congrégation. Certaines ont des histoires compliquées, des blessures, et bien souvent elles préfèrent se taire, car elles se sentent redevables. D’une certaine manière pour elles, se mettre au service d’un homme d’Eglise, c’est une forme d’ascension sociale et revenir dans leur pays serait un aveu d’échec.

Le paradoxe Eric, c’est que cette enquête est publiée alors que le pape François lui-même plaide pour un meilleur statut des femmes dans l’Eglise…

Oui et on pourrait dire que le calendrier est parfois bien facétieux puisque cette enquête du supplément mensuel de L’Osservatore Romano est parue vendredi dernier, le jour-même où le Vatican rendait publique une lettre que le pape a envoyée à une écrivaine espagnole. María Teresa Compte Grau publie cette semaine un ouvrage intitulé Les dix choses que le pape François propose aux femmes. Dans cette lettre, le souverain pontife ne fait pas mystère de certaines inquiétudes qu’il a concernant la place des femmes dans l’Eglise. « Parfois , s’inquiète-t-il, le rôle des femmes glisse plus vers la servitude que vers le véritable service ».

Le pape a régulièrement plaidé ses dernières années pour une présence plus visible des femmes dans l’Eglise, qu’elles puissent notamment avoir plus de responsabilités pastorales.

Cette enquête inédite en tout cas fait beaucoup de bruit, elle a été reprise par de nombreux journaux dans le monde entier. Est-ce que les lignes bougent ? il est encore trop tôt pour le dire, mais déjà la parole se libère. Et elle semble touchée juste : le portail d’information du Vatican a été prié de retirer de sa page d’accueil l’article publié sur cette enquête.

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