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La semaine de

Une déception quasi nationale…

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Un film documentaire d’une évidente actualité, pour immortaliser la lutte de la jeunesse kinoise pour les élections, pour l’état de droit, pour la démocratie. « Pour montrer à ceux qui viendront demain que, face à la situation d’injustice que vivaient les Congolais, vous n’êtes pas restés les bras croisés ».

Le réalisateur congolais Dieudo Hamadi, auteur du documentaire «Kinshasa Makambo».
Le réalisateur congolais Dieudo Hamadi, auteur du documentaire «Kinshasa Makambo». © Dieudo Hamadi
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Kinshasa Makambo, c’est le titre du dernier documentaire du Congolais Dieudo Hamadi, sélectionné à la Berlinale. Il était l’invité Culture, jeudi 22 février, sur RFI. Lorsque Sophie Torlotin lui demande ce que veut dire « Makambo », il répond : « casse-tête ». Ainsi commence cette interview, dont vous dites qu’elle est un condensé de la réalité de tout le continent africain…

Vous ne pouvez imaginer à quel point ! Lorsque Sophie Torlotin lui demande pour quoi : « Casse-tête », Dieudo Hamadi répond que c’est le casse-tête kinois, le casse-tête politique, que l’on observe actuellement au Congo, où la situation semble bloquée.

Il a pris sa caméra, en 2015, pour tourner ce documentaire, « dans la perspective des élections de 2016 que l’on attendait tous, dit-il, pour leur côté historique ». Ç’aurait été la première fois, dans l’histoire de ce pays, que deux présidents, en vie, se seraient passé le flambeau du pouvoir… Dès cet instant, nous réalisons, en effet, que ce film parle de toute l’Afrique, et pas seulement de la RD Congo, de l’Afrique dans ce qu’elle a de plus dramatique, sur le plan politique.

En quoi le film parle-t-il tant que cela de toute l’Afrique ?

Pensez donc à tous les citoyens du continent, qui ne peuvent vous dire combien de fois un chef d’État sortant a transmis de manière pacifique le pouvoir à son successeur élu, dans leur pays. Nous ne parlons pas des chefs d’État intérimaires, qui auraient préservé le pouvoir pour un camp, un clan, pendant un semblant de transition, après la mort d’un dirigeant au pouvoir. Les Gabonais n’ont jamais connu ce type de transmission du pouvoir. Les Togolais, jamais ! Les Tchadiens, pas davantage. Pareil pour les Centrafricains, les Congolais (de Brazzaville), si l’on excepte la première défaite de Denis Sassou Nguesso. Mais, la fois d’après, ils ont eu droit à une guerre, meurtrière. Comme les Ivoiriens, en 2010. Bref, pour ne pas nous épuiser à citer tous ceux qui n’ont pas connu une transmission pacifique du pouvoir entre deux chefs d’État élus, nous ferions mieux de citer ceux qui l’ont connu. Et là, nous retrouvons une multitude de pays anglophones et quelques lusophones, Tanzanie, Zambie, Ghana, Nigeria, Liberia, Sierra Leone, Sao Tomé & Principe, Mozambique, Cap-Vert, etc. Ce film parle de la RD Congo, mais comme il parle d’Afrique ! De toute l’Afrique !

Le tournage commence en 2015 et, un an plus tard, au lieu de l’événement historique « c’est la déception quasi nationale », dit Dieudo Hamadi, parce que l’élection n’a pas eu lieu…

Mais l’histoire, tout au long du film, est africaine. Les trois jeunes activistes, qui en sont les héros, n’ont-ils pas tout à fait le même avis sur ce qu’il faut faire ? « C’est là, un peu le problème de tous les mouvements idéalistes qui naissent, pour changer les choses », dit le documentariste, pour qui il était, aussi, important de montrer ces contradictions, la difficulté, la complexité à mettre les idées ensemble, pour regarder dans la même direction et obtenir les avancées politiques dont rêvent les peuples.

Lui-même a-t-il pris des risques personnels ? « Il était important de les prendre, dit-il. Comme j’étais un inconnu, il fallait que je leur prouve que je serais avec eux, que je prendrais les mêmes risques qu’eux ». Et lorsqu’il parle de la police, renforcée par l’armée, qui semble avoir été autorisée à tirer à balles réelles sur les populations, on se croirait… à Lomé, par exemple.

Et lorsque Sophie Torlotin fait observer qu’il y a des morts, et se demande si ce sont ses propres photos, Dieudo Hamadi répond que ce n’est pas un jeu…

Et il précise que ces jeunes sont conscients de ce qui les attend, lorsqu’ils sortent, aujourd’hui, dans la rue, pour réclamer des élections, l’état de droit, la démocratie.

« Notre pays, dit-il, souffre d’absence de mémoire. Même pendant la longue dictature de Mobutu, beaucoup de gens se sont battus, et sont morts, pour les mêmes causes. Mais on n’est pas capable, aujourd’hui, d’en citer un seul ». Il a donc convaincu ses interlocuteurs d’accepter d’être filmés, pour ne pas tomber dans l’oubli.

Et c’est ici qu’apparaît le repère absolu !

« Le seul repère à peu près crédible que tous les jeunes ont, c’est Lumumba, mort il y a plus de quarante ans », dit Dieudo Hamadi. Mais Patrice Emery Lumumba n’est pas le repère à peu près crédible que pour les seuls jeunes Congolais. Il est un des deux ou trois repères crédibles pour toute la jeunesse africaine. Et les autres repères crédibles sont Thomas Sankara et Nelson Mandela.

Il a proposé aux trois jeunes activistes kinois d’immortaliser leur combat, non seulement pour eux, mais aussi pour ceux qui viendront, demain : « pour leur montrer, dit-il, que vous n’êtes pas restés les bras croisés, face à la situation d’injustice que vivait le pays ».

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