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La semaine de

Contre les offenses et le mépris…

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Le destin des peuples africains aurait sans doute été moins… terne, et les Africains n’en seraient peut-être pas à subir la condescendance d’un Donald Trump, si les pères du panafricanisme, en mai 1963, étaient parvenus à créer les Etats-Unis d’Afrique, au lieu de l’OUA, devenue par la suite l'Union africaine.

Jean-Baptiste Placca.
Jean-Baptiste Placca. (Photo : Claudia Mimifir)
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►Magali Lagrange : Au sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, qui se tient en cette fin de semaine à Addis-Abeba, les propos méprisants du président des Etats-Unis sont à nouveau à l’ordre du jour. Avec des condamnations unanimes, que vont peut-être atténuer les salutations chaleureuses, que Donald Trump, croisé à Davos, a chargé le Rwandais Paul Kagame de transmettre aux dirigeants africains. Peut-on dire que la crise se dénoue ?

►Jean-Baptiste Placca : Y a-t-il véritablement eu crise ? Personne, jusqu’ici, ne semblait s’émouvoir des protestations des Africains. Même si ce sommet, effectivement, est le premier conseil de famille des Africains, après les injures du grand monsieur de la Maison Blanche … Et l’occasion devrait être saisie par les dirigeants africains pour, entre eux, s’interroger sur les comportements qui autorisent des personnes comme Donald Trump à confondre indistinctement, dans le même mépris, les Etats et les peuples de toute l’Afrique, sans nuance aucune. Pourquoi donc tant de gens cèdent aussi facilement à la tentation de rassembler toute l’Afrique, cinquante-quatre ou cinquante-cinq pays, et plus d’un milliard d’habitants, dans des jugements rapides, approximatifs et toujours plus méprisants ?

Vous pensez donc que les Africains devraient, à leur niveau, s’organiser pour échapper à ce mépris et à ces amalgames ?

Depuis la nuit des temps, la partie la plus éclairée de l’opinion africaine sait et déplore la déconcertante facilité avec laquelle certains, y compris parmi les dirigeants de grandes nations, portent sur le continent des jugements sans nuance, parlant de l’Afrique sans jamais prendre en compte les réalités multiples que recouvre cette terminologie unique.

Si, encore, le continent avait réussi cette unité dont rêvaient Marcus Garvey, George Padmore et autres Kwame Nkrumah, les pères du panafricanisme... Avec la naissance de l’Organisation de l’unité africaine, le 25 mai 1963, le rêve d’une Afrique une et indivisible était mort. Il faut le déplorer, mais aussi en tirer toutes les conséquences.

La première étant que le continent évolue à plusieurs vitesses, avec des leaderships différents, dont certains sont, effectivement, déconcertants et nourrissent la mauvaise réputation du continent. Mais les plus sérieux ne peuvent courir sans cesse après des personnalités comme Donald Trump, qui enferment le continent dans des approximations hasardeuses, pour leur expliquer que tout le monde n’est pas pareil dans cette vaste Afrique.

Les offenses et les injures étant adressées globalement à l’Afrique, que doivent faire les plus sérieux ?

Ils ont le devoir de rappeler à tous qu’ils ont, en commun, une réputation à préserver. Et le travail des ministres puis des chefs d’Etat, à Addis-Abeba, serait incomplet si tous se contentaient de montrer, encore une fois, qu’ils sont tout juste bons à s’indigner et dénoncer les offenses et le mépris. Le temps est venu de s’interroger sur les fondements de ces offenses et de ce mépris.

Ce n’est pas parce que Donald Trump est ce qu’il est que l’on ne devrait pas s’interroger sur ce qu’il peut y avoir de vrai dans les jugements hâtifs qu’il porte sur les nations africaines ou sur les amalgames à bon marché qu’il s’autorise à propos des peuples. Ce qu’il dit sans élégance ne revient-il pas, au fond, un peu à ce que disait le cardinal Laurent Mosengwo, une semaine plus tôt, à propos de son propre pays, lorsqu’il dénonçait les médiocres, en les invitant à s’effacer ? Il faut nécessairement une certaine médiocrité pour faire des nations africaines des pays de… ce que dit le président des Etats-Unis.

Les dirigeants réunis à Addis-Abeba devraient, mais ils ne le feraient pas, commencer à rappeler à ceux d’entre eux qui déshonorent le continent qu’il est temps, pour eux, de cesser de salir ce nom, que leurs peuples ont en commun. Ce n’est pas une question de richesse ou de pauvreté, car il est, en Afrique, des peuples dignes et debout, même dans la misère. Dans la famille de l’organisation panafricaine, c’est le déshonneur de quelques-uns qui ternit perpétuellement l’image de tout le continent. Dieu seul sait ce que coûte aux Etats ce discrédit collectif ! Ils devraient, d’ailleurs, songer à évaluer le volume des capitaux qui préfèrent prendre d’autres destinations, parce que l’Afrique, globalement, n’est pas attrayante.

Le type d’amalgames dont se délecte Donald Trump se nourrit des élections frauduleuses ; des gaz lacrymogènes dont on abreuve systématiquement les manifestants pacifiques dans certains pays ; de la confiscation du pouvoir par un clan, une famille. Et aussi des élections volées, et tant d’autres comportements, que dénoncent régulièrement les populations, les défenseurs des droits de l’homme, les Eglises, parfois…

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