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Le grand invité Afrique

Mathias Hounkpé: «Tous les Libériens devraient être satisfaits aujourd'hui»

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C’est aujourd’hui que George Weah, l’ex-footballeur de légende, sera investi président du Liberia. Son arrivée au pouvoir ravive les attentes et les espoirs que sa victoire a soulevé, surtout chez les jeunes. Pendant la campagne présidentielle, le président élu a mis l’accent sur la lutte contre la corruption. Michel Arseneault fait le point avec le chercheur Mathias Hounkpé de Osiwa, un groupe de réflexion de la fondation Open Society, à Dakar.

Le président du Liberia, George Weah.
Le président du Liberia, George Weah. REUTERS/Thierry Gouegnon
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RFI : Qu’est-ce qui va changer avec l’arrivée au pouvoir de George Weah ?

Mathias Hounkpé : Déjà la première chose sur laquelle il faut insister, c’est la manière dont le pouvoir est transféré. Il y a un comité conjoint qui a été mis en place pour permettre le transfert propre de tous les dossiers de l’Etat du gouvernement sortant au gouvernement entrant. Pour moi, c’est déjà quelque chose de nouveau. La deuxième chose la plus importante, c’est déjà la personnalité, le parcours de Weah. Moi, je m’attendrais à beaucoup plus de pragmatisme de la part de Weah comparé au gouvernement sortant dirigé comme vous le savez par des gens de très haut niveau d’éducation, qui ont travaillé dans de grandes institutions. Donc je m’attendrais à beaucoup plus de pragmatisme.

Après son élection, George Weah a remercié la présidente Ellen Johnson Sirleaf très chaleureusement. Qu’est-ce qu’il faut en penser ?

Cela pourrait conforter ceux qui pensaient que subtilement, elle l’avait soutenu pendant la période de campagne. Mais je pense que le président Weah essaie d’éviter de prendre en main un pays qui partirait sur la division de la classe politique.

La nouvelle vice-présidente du Liberia, Jewel Howard Taylor, l’ex-femme de Charles Taylor, l’ancien président du Liberia. Est-ce que George Weah doit quelque chose au camp Taylor ?

Je ne dirais pas oui parce qu’ils ont été clairs sur le fait qu’il n’y avait pas de lien entre eux. Et je ne crois pas que dans les investigations dans le cadre de la commission réconciliation au Liberia, elle ait été épinglée pour quoi que ce soit comme ayant été mêlée à quoi que ce soit. De mon point de vue, le président Weah ne doit directement rien à l’ancien président Charles Taylor. Et cela ne devrait pas être un handicap pour lui dans la gestion des affaires du pays.

La Commission vérité et réconciliation a épinglé quelqu’un d’autre, le sénateur Prince Johnson, qui a apporté son soutien à George Weah entre les deux tours de la présidentielle. Est-ce que cela veut dire qu’il n’y aura jamais de procès pour crimes de guerre au Liberia sous le président Weah ?

Je crains que la réponse ne soit oui. Au Liberia, l’un des prix que peut-être les Libériens ont accepté de payer pour la paix, c’est de ne pas chercher à poursuivre tous ceux qui sont connus et qui étaient impliqués, et ont joué leur rôle de premier plan dans la crise que le pays a connue pendant au moins une décennie. Je ne suis pas sûr que George Weah se permettrait de vouloir rouvrir cette plaie aujourd’hui. Surtout que la plupart des personnalités dont on parle occupent des positions importantes.

George Weah a beaucoup parlé pendant la campagne de lutte anticorruption, mais il est resté vague. A quoi peut-on s’attendre dans ce domaine ?

Cela va être très difficile, mais je crains qu’il n’ait pas le choix. C’est très difficile en Afrique de lutter contre la corruption et de maintenir des coalitions politiques parce qu’en réalité, la politique se fait essentiellement sur la base des ressources publiques qu’on divertit. Donc c’est très difficile lorsque vous voulez lutter contre la corruption de maintenir des coalitions qui vous portent au pouvoir. Mais à mon humble avis, le président Weah n’aura pas le choix, par exemple d’appliquer la loi anticorruption, de donner plus de moyens à l’Agence nationale de lutte contre la corruption qui a été mise en place, qui n’avait pas de moyens jusque-là. Je pense qu’il y a des actes qu’il faut poser pour permettre au moins que le pays respire un petit peu sur le front de la lutte contre la corruption.

Mais peut-il s’attaquer à la corruption sans s’attaquer à ceux qui l’ont soutenu ?

C’est la quadrature du cercle qu’il faudra que le président Weah résolve. Et ce n’est pas lui tout seul, ce n’est pas que ça. C’est le problème auquel la plupart des pays africains sont confrontés. C’est très difficile de maintenir les coalitions qui vous portent au pouvoir, si vous voulez sincèrement lutter contre la corruption. Mais il n’aura pas le choix, sinon il ne pourra à mon humble avis atteindre aucun des objectifs qu’il se fixe et ne pourra pas aider les Libériens qui l’attendent et qui nourrissent beaucoup d’espoir.

Les attentes sont très élevées, surtout chez les jeunes. Ce ne serait pas une épée de Damoclès au-dessus de la tête de George Weah ce soutien massif de la jeunesse ?

Absolument. Parce que la jeunesse s’est sentie incomprise par le gouvernement sortant, parce que la jeunesse a pensé que George Weah à cause de son origine, de son parcours, comprendrait mieux leurs préoccupations et aurait peut-être mieux à cœur la recherche de solutions à leurs problèmes. Donc la jeunesse risque d’être la première déçue si jamais George Weah ne réalisait les promesses qu’il a faites pendant la campagne.

Qui pourrait être les premiers satisfaits ?

Je pense que d’une certaine manière, la population libérienne serait d’abord contente d’avoir assisté pour la première fois à une passation de charges pacifique entre un président élu et un autre. Tous les Libériens devraient être satisfaits aujourd’hui.

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