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La semaine de

Emmanuel Macron: pour une autre politique africaine

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Vingt ans après la disparition de Jacques Foccart, la mauvaise réputation de la Françafrique demeure telle que le chef de l’Etat français, instinctivement, estime devoir s’en distinguer, en proclamant qu’il n’y avait «plus de politique africaine de la France». Et si l’on passait, tout simplement, à une «plus saine» politique africaine de la France ?

Jean-Baptiste Placca.
Jean-Baptiste Placca. (Photo : Claudia Mimifir)
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« Il n’y a plus de politique africaine de la France », a affirmé, mardi 28 novembre, à Ouagadougou, le président Emmanuel Macron. Est-ce une bonne nouvelle ? Faut-il s’en réjouir ?

Au fond, pour les Africains, le problème n’est pas tant qu’il y ait ou pas une politique africaine de la France. Mais, s’il y en a une, à quoi elle tient, et ce qu’elle implique pour le continent. Et, de fait, c’est bel et bien l’architecture d’une politique africaine qu’il a esquissée, dans cet amphithéâtre de l’université Joseph Ki-Zerbo.

Toute la question est de savoir si ce que l’on va recevoir vaut mieux que ce que l’on rejetait. Le chef de l’Etat français a raison sur le constat : depuis le deuxième mandat de Jacques Chirac, la France n’avait plus de politique africaine. En ce sens qu’il n’y avait plus, en France, d’endroit où se pensait une stratégie pour faire prévaloir les intérêts français, au moins dans ce que l’on appelait naguère le « pré-carré français ».

A l’origine, cette politique, sous le général de Gaulle, se concevait dans le bureau de Jacques Foccart, le maître d’œuvre de ce que Félix Houphouët-Boigny, un jour de grande inspiration, a appelé « la Françafrique ». Le cœur de la Françafrique a longtemps été partout où se trouvait Foccart. A l’Elysée et, plus tard, dans son manoir de Luzarches, dans le nord de Paris. Dans son esprit, cette Françafrique devait être le lieu où les intérêts de la métropole devaient se confondre avec ceux de ses anciennes colonies. Sauf que, dans les faits, les intérêts de certains réseaux se sont, peu à peu, juxtaposés à ceux de l’Etat français, pour donner naissance à ce que l’on appelait alors les réseaux Foccart, et prendre radicalement le dessus sur les intérêts des peuples africains. Certains dirigeants y trouvaient leurs comptes. Mais ceux qui ne jouaient pas le jeu étaient soit marginalisés, comme le Guinéen Sékou Touré, ou écrasés, ou même, tout simplement, éliminés, comme le Togolais Sylvanus Olympio. Ou comme Ruben Um Nyobe, le leader de l’Union des populations du Kamerun, car un sort identique était réservé aux opposants les plus radicaux aux régimes soutenus par les réseaux Foccart.

Mais ni Foccart, ni ses réseaux, encore moins la Françafrique n’ont jamais revendiqué l’élimination d’un homme politique africain…

C’est exact ! Et Jacques Foccart ne s’est non plus jamais reconnu dans aucun de ces réseaux qui lui étaient prêtés en Afrique. Pour le reste, Um Nyobe ne s’est pas suicidé. Sylvanus Olympio non plus… Et, s’il faut en croire ceux qui se présentent comme les derniers héritiers de la Françafrique, cette auguste machine savait casser, au propre comme au figuré, ceux qui osaient lui résister ou, a fortiori, s’opposer à elle.

Alors, quelle serait, aujourd’hui, une bonne politique africaine de la France ?

C’est un peu à cet exercice que s’est essayé Emmanuel Macron, à Ouagadougou. Elle pourrait se résumer en quelques phrases. Aucun Africain ne demanderait à la France de renoncer à protéger ses intérêts en Afrique. Mais tous attendent de la France qu’elle respecte aussi les intérêts des peuples africains. Ce qui signifie que la protection des intérêts de la France en Afrique ne peut, par exemple, consister à imposer aux peuples africains des dirigeants indignes. Car, lorsque l’on comptabilise les cinquante ans des Bongo, père et fils, au Gabon, ou des Gnassingbé, père et fils, au Togo, lorsque l’on dénonce plus de trois décennies de Biya au Cameroun ou de Sassou Nguesso au Congo Brazzaville, nul ne doit oublier qu’une large part de ces longues années a été couverte, soutenue par la France, pour protéger des intérêts français dans ces pays.

Voilà sans doute une des raisons pour lesquelles la jeunesse de ces pays demande à la France d’intervenir pour aider à mettre fin à ces longs règnes, y compris lorsqu’ils sont héréditaires. Ali Bongo aussi pourrait, comme Faure Gnassingbé, faire prévaloir les services rendus à la France par le père, pour demander la protection de Paris, histoire de perdurer encore un peu. Et, face aux manifestations des populations pour le départ de ces deux héritiers d’un siècle de règne familial, le silence de Paris peut, justement, être perçu comme un soutien tacite de la France à la prolongation. Soutien certes gêné, mais soutien quand même. C’est dire que, dans certains cas, une bonne politique africaine ne peut se contenter de silence, ou même de condamnations allusives à l’emphytéose.

Mais, avec ou sans le soutien du chef de l’Etat français, c’est aux peuples qu’il appartient d’arracher leur liberté à ceux qui les leur confisquent. S’il avait fallu, au peuple du Burkina, le soutien ou le feu vert de Paris pour en finir avec le régime de Blaise Compaoré, Emmanuel Macron aurait sans doute été dans l’embarras, pour trouver une capitale portant les symboles qu’il souhaitait, pour tenir ce discours qu’il espère sans doute secrètement voir entrer dans l’Histoire.

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