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Revue de presse des hebdomadaires français

A la Une: la banalité du mal

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Une femme porte une pancarte « Ensemble, brisons le silence » lors de la manifestation contre le harcèlement et les violences sexuelles à Paris, le 29 octobre 2017.
Une femme porte une pancarte « Ensemble, brisons le silence » lors de la manifestation contre le harcèlement et les violences sexuelles à Paris, le 29 octobre 2017. AFP/Franck Pennant
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A orthographier comme il vous semble le plus approprié. Mal ou mâle. A vous de juger. Ce mal que l’on pensait cantonner à un milieu, celui de l’argent, du spectacle, notoirement, forcément vicié et vicieux. Du moins le croyait-on quand au début du mois a éclaté l’affaire Harvey Weinstein. Les hastag #balancetonporc ou #meetoo qui ont fleuri sont venus nous prouver le contraire. Nous rappeler comme l’écrit ce matinLibération dans son éditorial que « la déviance est en réalité commune, limite banale. Tous les milieux professionnels sont concernés. On peut croiser des avatars de l’épouvantail Weinstein au coin de bien des services. »

Outre ces visages que l’on a pu mettre sur des tweets, les manifestations d’hier dans toute la France ont aussi donné de la chair aux chiffres officiels, souvent abstraits, et pourtant stupéfiants. 128 000 femmes sont victimes chaque année en France d’agressions sexuelles, de viols ou de tentatives de viol dans le cadre de leur travail. Etude de 2016 que l’on imagine sans aucun doute, largement sous-estimée, tant le milieu professionnel est l’espace où « les violences sexuelles sont les moins déclarées » nous rappelle une sociologue dans les colonnes de Libération qui donne la parole donc ce matin à toutes celles qui ont dû faire du harcèlement leur quotidien professionnel. La banalité du mal.

Il y a Sandrine par exemple. 43 ans. Commandante d’un commissariat de police qui subit les réflexions d’un collègue, toujours le même, ces réflexions qui usent au quotidien, du style : « Je vais te le foutre dans la bouche comme ça tu fermeras ta gueule ». Jusqu’au jour où il se présente dans son bureau et déboutonne son pantalon. Sandrine dénonce. Rien ne bouge. Puis elle flanche. Arrêt maladie. Dépression. Et sa bête noire dans tout ça. « Il s’est posé en victime », explique la policière. Dans ce milieu où si tu parles tu es une balance, Sandrine a été mise à l’écart, ostracisée par des collègues qui au mieux trouvent qu’elle exagère. Au pire qu’elle est « cinglée ».

Il y a Carole aussi. 24 ans quand elle débute dans une grande banque française à Hong Kong. Son chef débarque dans son bureau : « je veux une fellation ». Il y aura aussi un « n’hésite pas à te masturber devant moi quand je te parle. Allez touche toi ». Quand Carole dénonce elle aussi et évoque la possibilité de prendre un avocat, on lui répond qu’il est préférable de régler les choses en interne.

Comment alors accompagner les victimes ? « Peut-être en mettant en place des aides financières pour les femmes qui dénoncent le harcèlement, des aides qui couvriraient les frais de justice et les pertes de salaire... » explique une sociologue, spécialiste de la question, toujours dans Libération. « Si une femme sait qu’elle va avoir un soutien financier, il lui sera plus simple de parler, explique-t-elle. Le principal frein est là. »

Les réseaux sociaux ont tout de même permis déjà de libérer la parole. #balancetonporc a été le déclic pour beaucoup. Un effet loupe démesuré ? se demande Le Midi Libre. Sûrement pas. « Et quand bien même, écrit l’éditorialiste du quotidien régional. Tant pis si la grivoiserie franco-française s’en trouve un brin recadrée. Notre culture s’en remettra ».

Des hashtags qui ont poussé Henda Ayari à parler

Et a nommé celui qu’elle accuse : le célèbre et controversé théologien Tariq Ramadan. Henda Ayari, ex-salafiste, s’exprime ce matin dans Le Parisien. « Je dois aussi dénoncer ce qui m’arrive » se dit-elle quand #balancetonporc apparait. Et elle aussi a dû faire face à l’avalanche d’insultes et de menaces. Certains l’accusant d’attaquer l’Islam.

Récit glaçant de celle qui assume au grand jour une procédure pénale. Henda Ayari évoque d’abord les échanges religieux avec l’islamologie, puis les rendez-vous acceptés selon elle sous l’emprise psychologique et religieuse. « Pour lui, soit vous êtes voilée. Soit vous êtes violée » dit-elle.

Tariq Ramadan crie au complot, à la cabale. Entre gêne et déni, les milieux musulmans ont eux bien du mal à réagir. Les communiqués promis ne viennent finalement pas. Et certains de ses alliés s’ils ne préfèrent pas garder le silence, évoquent un « complot sioniste » nous rappelle Libération. Mais sans doute « il n’est déjà plus question de théorie ou de religion dans cette affaire. Juste de l’histoire sordide d’un homme qui aurait profité de son pouvoir pour assouvir ses pulsions » écrit Le Parisien dans son éditorial.

Abus de pouvoir en Espagne, c’est l’autre titre dont se fait encore écho la presse ce matin

Le pouvoir de Madrid qui a mis ses menaces à exécution et placé la Catalogne sous tutelle. Les indépendantistes qui ont déclaré leur indépendance. Résultat : un dialogue rompu. « Un pari perdant perdant, d’après l’Humanité tandis que pour La Croix, “tout démontre que les stratégies de repli ne mènent nulle part. Mais la revendication catalane ne peut pas être balayée d’un revers de main méprisant. Il faut donc, de part et d’autre, commencer à refroidir le front”, écrit le quotidien catholique. “Match nul. Zéro partout. La balle au centre. Il faudra pourtant sortir de l’impasse. Les sept semaines qui nous séparent du scrutin du 21 décembre vont donc rester très délicates. Mais en convoquant des élections, Madrid est sorti des cordes dans lesquelles les indépendantistes voulaient l’enfermer. Une vraie élection, estime Ouest France, et non pas un faux référendum, tranchera.

Et à l’université, qui tranchera ?

C’est la question du jour. La plateforme APB, qui a mis sur le carreau des centaines de bacheliers, va être remplacée par une nouvelle formule. Levée de rideau ce lundi. Des pistes ont été données afin d’en finir avec les 60 % d’échec en 1ere année de fac. La grande question est de savoir qui aura le dernier mot : l’étudiant qui pourra intégrer n’importe quelle filière de son choix ou l’université qui pourra choisir les élèves qu’elle veut dans ses amphis. Comme nous le rappelle la Charente Libre, “un récent sondage a montré que deux tiers des Français, y compris les jeunes, ne voient plus d’objection de principe à l’introduction d’une sélection longtemps considérée taboue et politiquement suicidaire.” Mais elle fait encore bondir les syndicats étudiants. On devrait donc assister aujourd’hui à “un difficile exercice d’équilibriste qui consiste à ne pas prononcer les mots qui fâchent. Pas de sélection. Pas de prérequis.” Bref une occasion manquée pour Le Figaro qui raille en manchette la reculade du gouvernement, frappé à son tour par “la peur panique de la révolte étudiante qui tétanise l’action politique”. Il y a ainsi fort à parier écrit l’éditorialiste du journal que les défenseurs du droit aux études pour tous pleureront encore la sélection par l’échec.

Peut-être alors faudrait-il se demander ce qu’on veut faire de l’université. Une autoroute vers l’emploi, ou un lieu qui valorise le savoir, et l’intelligence. Malheureusement, conclut l’Eclair des Pyrénées, ce débat, personne, semble-t-il, ne souhaite le mener.

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