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Le grand invité Afrique

Noël Tshiani: «Au sommet de l'Etat, nous avons besoin de leaders légitimes»

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Un « plan Marshall » pour la République démocratique du Congo (RDC) : voilà le nom du programme développé par l’économiste Noël Tshiani. Ancien responsable de la Banque mondiale en Afrique, il est aujourd’hui candidat à la future élection présidentielle. Il pose un constat sévère sur la manière dont le pays a été administré ces deux dernières décennies : alors que le Congo a le potentiel pour être un pays prospère, des années de mauvaise gestion l’ont conduit au bord de la faillite. Noël Tshiani expose un plan de long terme pour sortir du marasme : il faudrait, d’après lui, quinze ans pour que le pays renoue avec une économie solide. Ce qu'il explique au micro d’Édouard du Penhoat.

Noël Tshiani veut un «plan Marshall» pour la RDC.
Noël Tshiani veut un «plan Marshall» pour la RDC. Facebook Noël K Tshiani Muadiamvita
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RFI: A la tribune de l’ONU, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, le président Joseph Kabila a promis que des élections seraient bien organisées en République démocratique du Congo, d’après ce que l’accord de la Saint-Sylvestre prévoit. Simplement, il n’a pas donné de date. Aujourd’hui, quel est votre sentiment ? Quelle est votre réaction face à l’impasse politique dans laquelle se trouve votre pays ?

Noël Tshiani: La promesse que le président de la République, Joseph Kabila, a faite devant la tribune des Nations unies n’est pas nouvelle. Il a toujours indiqué, dans le passé, que les élections auraient lieu. Nous, nous attendions à ce qu’il puisse dire exactement quand car l’accord de la Saint-Sylvestre prévoit une alternance démocratique, au sommet de l’Etat, au plus tard le 31 décembre 2017. Donc les élections doivent avoir lieu bien avant la fin cette année 2017. Nous sommes déçus qu’il n’y ait pas de clarté ni de précision sur la date de la tenue des élections.

Vous-même, vous êtes candidat pour cette future élection à la présidence de la République. Vous avez déclaré votre candidature, il y a un plus d’un an, déjà. A l’époque, vous proposiez un programme que vous avez nommé le « plan Marshall » pour la RDC, en référence au plan qui a été mis en place, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Avec la dégradation de la situation économique en RDC, votre plan tient-il toujours et votre constat est-il toujours le même ?

La proposition du plan que j’ai faite, je viens de la reconfirmer car je viens de rentrer de la République démocratique du Congo. J’ai passé pratiquement deux semaines sur le terrain et j’ai vu que, depuis deux ans, la situation s’est empirée davantage. Quelle est cette situation aujourd’hui ? 85 % de la population active congolaise est au chômage. Il n’y a pas d’emploi pour la population. Les infrastructures de base, c’est-à-dire l’eau, l’électricité, les routes, les autoroutes,  et les aéroports sont complètement dégradés. Par ailleurs, nous avons aujourd’hui, une situation d’insécurité généralisée à travers le pays. Comme vous le savez, les Congolais sont massacrés tous les jours, sans que le gouvernement, l’armée, la police ou le chef de l’Etat ne disent un seul mot.

Je propose un « plan Marshall » pour la République démocratique du Congo afin de faire face à ces défis de développement qui sont de nature telle qu’on ne peut pas régler ces problèmes avec des petites réformes cosmétiques que nous avons donc l’habitude de faire.

Un « plan Marshall », c’est un plan sur plusieurs années. Vous-même, vous prévoyez 15 ans pour que ce plan puisse porter ses fruits. Quelles seraient les grandes mesures, les grandes lignes ? Que préconisez-vous de mettre en place rapidement dans ce pays ?

Nous allons mettre l’accent sur la promotion de la bonne gouvernance et sur l’utilisation efficiente des ressources publiques. Comme vous le savez, le Congo génère beaucoup de revenus à l’interne. Le problème, c’est que ces revenus disparaissent dans les poches des privés.

Parlez-vous du potentiel géologique, du sous-sol de la RDC ?

Exactement. Le potentiel géologique est énorme. Le Congo regorge à peu près de 1 100 minerais et métaux précieux différents, d’une valeur estimée à 38 000 milliards de dollars.

La caractéristique de notre économie, aujourd’hui, c’est que l’on extrait ces matières premières à l’état brut et on les envoie à l’extérieur, laissant le chômage au Congo et créant des emplois à l’étranger. Ce que nous allons faire, c’est inverser la tendance, c’est-à-dire que nous allons transformer ces matières premières en produits semi-finis et produits finis à l’intérieur de la République démocratique du Congo, à travers une politique d’industrialisation accélérée de la RDC. De ce fait, nous allons aussi créer des emplois pour les Congolais à l’intérieur du Congo.

Néanmoins et cela étant, nous allons aussi créer des emplois pour le reste de la communauté internationale car la transformation de ces matières premières en produits semi-finis et produits finis nécessite le déploiement d’une expertise pointue, de la technologie de pointe et des équipements que nous ne pouvons obtenir que des pays européens ou des pays des Etats-Unis d’Amérique ou encore du monde industrialisé.

Un autre symptôme de cette crise économique, c’est la chute du franc congolais. Il faut pratiquement 940 francs pour faire un dollar. Quelles sont les conséquences de cette chute ? Comment fait-on pour enrayer ce mouvement ?

Cette chute de la valeur de la monnaie nationale entraîne, par conséquent, la perte du pouvoir d’achat de la population. Cette dernière est complètement sacrifiée et n’a pas de pouvoir d’achat parce que les autorités monétaires et politiques n’ont pas réussi à gérer correctement l’économie et à gérer la monnaie comme il se doit.

Que faut-il faire pour arriver à stabiliser la monnaie ? Moi, je pense que les réformes politiques doivent précéder les réformes monétaires économiques. Nous avons besoin, au sommet de l’Etat, d’avoir des leaders qui ont la légitimité du pouvoir passé par les élections.

Une fois que nous aurons passé cette étape-là, nous mettrons en place un système de gouvernance qui permettra de capter toutes les ressources publiques et de les mettre dans le budget de l’Etat. Nous les utiliserons alors pour financer le développement ainsi que les différents projets de développement.

Après cette étape, nous donnerons l’indépendance à la Banque centrale pour qu’elle puisse concevoir et mettre en œuvre une politique monétaire crédible mais qui devra s’appuyer sur une économie fonctionnelle. C’est seulement à ce moment-là que nous pourrons dégager, de là, une monnaie qui conserve de la valeur et qui puisse être aussi bonne que le dollar ou bien l’euro.

Vous êtes en train de dire que ce seront des réformes de long terme et que l’on ne pourra pas, du jour au lendemain, résoudre le problème du pouvoir d’achat des Congolais et de cette dégringolade du franc congolais. Tout cela nécessite d’abord plusieurs mois, voire plusieurs années, de réformes politiques ?

Effectivement. Je ne crois pas aux réformes cosmétiques pour dire que l’on a stabilisé la monnaie pendant deux semaines, trois semaines. Au bout de deux mois, on recommence à zéro et le franc commence à perdre de la valeur. Ce qu’il nous faut, c’est avoir un plan d’action bien clair et une vision de développement à long terme. Par contre, dire que nous allons juste sauter d’une étape à une autre pour avoir un franc congolais qui sera stable dans le long terme, je ne crois à ce genre de réformes cosmétiques.

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