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Le grand invité Afrique

Soudan du Sud: Jonathan Pedneault de HRW tire la sonnette d'alarme

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Human Rights Watch alerte une fois de plus sur la crise au Soudan du Sud. L’organisation internationale des droits de l’homme vient de rendre public un nouveau rapport intitulé « Les soldats nous prennent pour des rebelles : l’escalade de la violence et des abus dans les Equatorias du Soudan du Sud ». Jonathan Pedneault, chercheur de HRW pour le Soudan du Sud revient de ce pays où il a documenté des violences qui ont poussé à l'exil plus d’un million de personnes en une année. Il répond aux questions d'Esdras Ndikumana.

Le 18 juin 2017, des déplacés sud-soudanais dans le camp de Bentiu, reçoivent des vivres distribués par l'ONU. Au sud du pays, les habitants souffrent de famine.
Le 18 juin 2017, des déplacés sud-soudanais dans le camp de Bentiu, reçoivent des vivres distribués par l'ONU. Au sud du pays, les habitants souffrent de famine. REUTERS/David Lewis
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RFI: Vous revenez du Soudan du Sud. De tout ce que vous avez vu ou entendu, qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

Jonathan Pedneault: Cela fait environ un an et demi que je travaille au Soudan du Sud. Ce qui est très difficile avec ce travail, c’est qu’on entend une succession d’histoires absolument horribles. Des mères qui ont perdu ou ne savent pas où sont leurs enfants ou leur mari, des jeunes filles qui ont été violées, des jeunes hommes aux yeux vides qui viennent tout juste d’être libérés de détention dans les prisons militaires… Et donc, ce qui est très difficile, c’est justement de rassembler toutes ces histoires et de se demander à la fin,  mais à quoi ça sert tout ça ? Où ira cette information ?

Malheureusement, après trois ans et demi de guerre, je pense que les Sud-Soudanais commencent à voir et à comprendre que malheureusement la communauté internationale les a, au final, abandonnés. La communauté internationale n’écoute pas les terribles souffrances de ce peuple qui est sous attaques, non seulement de la part de son gouvernement mais également de gens qui se prétendent de l’opposition. Ce travail au Soudan du Sud est donc extrêmement difficile, ces temps-ci.

Ce rapport a documenté de nombreux cas d’exécutions extra-judiciaires, de disparitions forcées ou de cas de torture. Est-ce que ces crimes relèvent, selon vous, de la Cour pénale internationale ?

Les crimes qui sont commis tomberaient évidemment sur la juridiction de la Cour pénale internationale si jamais le gouvernement du Soudan du Sud en venait à se joindre au statut de Rome ou bien si le Conseil de sécurité en venait à référer la situation, au Sud-Soudan, à la Cour pénale. Evidemment dans un cas comme dans l’autre, nous n’en sommes pas là pour l’instant.

Il y a eu un accord de paix qui a été signé en août 2015 et qui prévoit la création d’une Cour hybride qui serait en partie composée de juges de divers pays africains pour juger justement les crimes internationaux qui ont été commis au Soudan du Sud depuis décembre 2013. Mais pour l’instant, l’Union africaine tarde toujours à instaurer cette Cour. Evidemment, avec ces délais, ce sera beaucoup plus difficile de rassembler les preuves nécessaires à l’établissement de cas concrets à l’encontre des responsables de ces abus.

Human Rights Watch demande, dans son rapport, que les principaux responsables de ce pays, à commencer par le président, Salva Kiir, et son rival, Riek Machar, soient sanctionnés. Avez-vous des preuves de leurs responsabilités dans ces crimes ?

A la base, ces deux individus, de par leur position de pouvoir, leur charge officielle ainsi que leur contrôle effectif sur les troupes qu’ils dirigent - les troupes d’opposition ou les troupes du gouvernement - portent une responsabilité que l’on appelle la « responsabilité de commandement » par rapport aux abus qui ont été commis par ces troupes-là.

Cela fait maintenant trois ans et demi que ces crimes sont publiquement documentés. Malheureusement, on tarde toujours un peu des enquêtes en cours et on n’a toujours pas de mesures strictes qui aient été mises en place par le gouvernement ou par l’opposition pour prévenir ou punir ces abus. Ceci démontre bien la faillite justement de ces deux leaders et des autres à mettre fin à ces abus.

Est-ce que Human Rights Watch espère réellement obtenir des sanctions alors que tout le monde sait que le Conseil de sécurité est divisé sur ce sujet ? On l’a vu récemment, notamment sur la question d’un embargo sur les armes.

On espère que les acteurs internationaux prendront leurs responsabilités par rapport à ces deux leaders qui, de manière répétée, ont démontré qu’ils ne se préoccupent ni des populations civiles, ni de leurs promesses de mettre fin aux abus. A un certain moment, il est important que les dénonciations viennent avec des conséquences, au-delà de quoi, on a simplement une situation et une impunité qui perdurent.

Les chefs de guerre du Soudan du Sud ont amassé des grandes fortunes et ont réinvesti dans certains pays voisins tels que le Kenya, l’Ouganda ou l’Ethiopie. Ces pays font également de bonnes affaires au Soudan du Sud. Qui a intérêt, aujourd’hui, dans la région, à ce que cette guerre s’arrête ?

(Rires) Ça, c’est une grande question à laquelle je ne peux pas vraiment… On n’a pas de position, vraiment, sur cette question-là. Je suis désolé.

Il y a, au Soudan du Sud, une mission de paix de l’Onu – la Minuss – avec quelques 17 000 casques bleus et 2 000 policiers. Que fait-elle pour protéger la population ?

La Minuss fait face à d’importants challenges en termes de mobilité et d’actions au sein du pays parce que les forces gouvernementales et les forces de l’opposition, de manière assez systématique, s’opposent justement à leur déploiement ou bien à leurs patrouilles. Il est donc évident que la Minuss a des capacités extrêmement limitées pour protéger les populations civiles et que ces dernières sont, par conséquent, très souvent laissées à elles-mêmes pour faire face à ces forces qui les abusent.

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