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Le grand invité Afrique

Brigi Rafini: «Problème civilisationnel, c’est un peu trop fort quand même»

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Le Premier ministre du Niger accepte de s’exprimer sur tous les sujets sensibles: la recherche des 39 otages de Boko Haram, le projet du président français Emmanuel Macron de bloquer les migrants au Nord-Niger et la polémique sur la démographie galopante en Afrique.

Le premier ministre du Niger Brigi Rafini le 30 juin 2015.
Le premier ministre du Niger Brigi Rafini le 30 juin 2015. AFP PHOTO / SIA KAMBOU
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RFI : Le 2 juillet dernier, 33 femmes et 6 enfants ont été enlevés par Boko Haram à Ngalewa dans le sud-est du Niger. Avez-vous des nouvelles de ces 39 otages ?

Brigi Rafini : Hélas, nous n’avons pas de nouvelles précises. Nous sommes effectivement dans une grande tristesse pour ces compatriotes, pour la plupart des femmes et des enfants, et nos forces de défense et de sécurité sont en train de tout faire pour repérer et retrouver ces personnes.

Avez-vous eu des signes de vie de ces 39 personnes ?

Non. A ma connaissance pas encore.

Plusieurs organisations féminines de la région de Nguigmi, dans le sud-est, disent leur colère et leur indignation face à ce qu’elles appellent le faible niveau d’engagement des autorités en vue de la libération de ces otages...

Nous comprenons leur réaction. Mais je pense que c’est méconnaître les efforts qui sont déployés jour et nuit par les autorités compétentes. Nous souhaitons simplement que nous puissions avoir la possibilité de retrouver ces personnes saines et sauves. La zone dans laquelle se déroulent ces événements est assez complexe et pour ne pas mettre en danger la vie de ces personnes, nous devons agir avec méthode.

Depuis un an et demi, on parlait d'un « affaiblissement » de Boko Haram. Faut-il parler aujourd’hui d’un retour en force de cette organisation terroriste ?

A mon avis, il s’agit d’actions d’éclat. Avec le dispositif qui est actuellement déployé dans cette zone, il me paraît difficile qu’ils aient encore les capacités qu’ils avaient pendant un certain temps.

Autre menace terroriste, celle venue du nord du Mali. Le 2 Juillet à Bamako les cinq pays formant le G5 Sahel [Mali, Tchad, Niger, Mauritanie et Burkina Faso] ont décidé de créer une force conjointe. Où en est-on aujourd’hui ?

En tout cas c'est en très bonne voie. Je pense que les choses se mettent en place progressivement. Ce n’est pas une question de course ou de vitesse, c’est un dispositif qui va se mettre en place, pour que dans la durée nous puissions avoir des résultats durables.

Sur le plan financier, c’est une force qui va coûter très cher. On parle de 423 millions d’euros...

Oui. Ce n’est pas une tâche facile et vous le savez. Nos États – les cinq États du Sahel – ont besoin de l’aide de la communauté internationale. Et nous sommes en tout cas sûrs que nos amis nous aideront à boucler ce financement.

Et que représentera la contribution du Niger ?

La contribution du Niger, comme celle des autres États du G5, a été ajoutée et chacun des Etats est en train de s’employer à mettre en place cette contribution sans aucun atermoiement.

On parle de 10 millions d’euros par pays sahélien. C’est cela ? Vous confirmez ?

Oui, c’est un minimum, parce que, par exemple, au Niger, nous sommes déjà engagés au Mali.

Monsieur le Premier ministre, face au problème des migrants, le président français Emmanuel Macron veut installer des centres d’examen avancés - ce que l’on appelle des « hot-spots » - dans trois pays sahéliens, dont le vôtre. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Nous avons entendu l’annonce. Les modalités sont certainement actuellement à l’étude. Nous allons aviser, le moment venu.

Mais a priori, êtes vous pour ou contre ?

Avant d’avoir abordé la question dans sa profondeur je ne saurais me prononcer.

Avez-vous été surpris par cette déclaration du président français ?

Pour nous, ce n’est pas une surprise parce que, sur la question migratoire, nous comprenons bien que la France cherche des solutions à travers des mécanismes à mettre en place dans les pays de transit. Mais il faut que les modalités soient soigneusement étudiées par les parties prenantes.

Et pour l’instant, ce n’est pas le cas ? Vous n’avez pas été consulté ?

Nous sommes informés, mais nous n’avons pas encore approché la question de manière appropriée et conséquente.

Mais très concrètement, Brigi Rafini, peut-on imaginer que l’OFRA (Office français de protection des réfugiés et des apatrides), s’installe sur le territoire du Niger ?

N’allons pas trop vite en besogne. Je crois que tout doit être étudié, examiné à la loupe. On n’a pas à se précipiter.

Il y a un mois, le président français Emmanuel Macron a fait sensation quand il a déclaré : « Quand des pays ont encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros, vous ne stabiliserez rien ». Visiblement, il pensait très fort à votre pays, le Niger. Qu’en pensez-vous ?

La démographie au Niger constitue une vraie préoccupation, et j’ai trouvé des éléments justifiés dans ce qu’il a dénoncé. Mais nous sommes là dans un domaine où l'on peut faire des annonces qui peuvent… Disons que c’est un domaine assez particulier pour nous. Nous préférons l’aborder dans le contexte qui est le nôtre. Parce que je pense qu’il est difficile que, de loin, on puisse savoir exactement comment les choses vont évoluer. Nous avons, ici, nous-mêmes pris conscience de cette préoccupation et nous sommes en train de lui chercher des solutions localement.

Et quand il a ajouté que cette question était un problème « civilisationnel », qu’en avez-vous pensé ?

Je pense que nous avons une perception différente, peut-être, de ce point de vue. C’est vrai que nous avons un travail important d’information et de sensibilisation - que nous sommes en train de mener -, mais de là à le qualifier de « problème civilisationnel », je pense que c’est un peu trop fort quand même.

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