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La semaine de

Des vérités qui dérangent pour la France

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Résolument en mode «—confidences et révélations—», le chef de l’Etat tchadien livre des secrets traditionnellement cachés aux peuples, des vérités presqu’aussi dérangeantes, pour la France, que les dossiers que la revue—XXI, dans sa dernière livraison, rassemble, sous le titre «—Nos crimes en Afrique—». Les temps changent.

Jean-Baptiste Placca
Jean-Baptiste Placca RFI
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Céline Pellarin : Tout d’abord, quelques-uns de vos « devoirs de vacances ». Il s’agit de sujets de l’actualité immédiate, dans lesquels vous dites picorer aujourd’hui, mais qui doivent, malgré tout, continuer à nourrir la réflexion, durant vos vacances, en juillet et en août. Et, pour commencer, la dernière sortie médiatique du chef de l’Etat tchadien. Pourquoi ?

Parce que quelques-uns des sujets abordés, dimanche dernier, par le président Idriss Déby Itno dans l’émission Internationales, sur RFI et TV5 Monde, sont non seulement des scoops, mais aussi des révélations de portée historique, et d’une rare gravité, pour certains. Comme, par exemple, lorsqu’il soutient qu’en 2006, la France de Jacques Chirac l’a obligé à rester, malgré lui, au pouvoir, alors qu’il s’était engagé, en 2002, à rendre son tablier. Paris serait allé jusqu’à pourvoir au juriste qui devait produire le texte indispensable pour habiller la manœuvre. « Je ne connais même pas le nom du constitutionnaliste qu’ils ont envoyé pour cela. J’aurais dû m’arrêter, comme je l’avais promis », dit-il.

Dans la politique africaine, selon lui, la France intervient souvent. « Pour l’histoire, j’ai refusé, poursuit-il, la main sur le cœur. Ils sont passés par leurs arcanes habituelles, pour arriver à leurs fins, laisse-t-il entendre, avant de citer le témoin de cette pression : en l’occurrence, Omar Bongo   “Bongo père” », précise-t-il. Et de conclure : « C’est toujours la France qui fait, et c’est toujours la France qui critique, ensuite ».

Et c’est au nom de la guerre que Paris l’aurait amicalement contraint à rester au pouvoir…

Sauf que la guerre, depuis, continue, sous une forme ou sous une autre. Et lorsque les journalistes lui demandent s’il peut, lui-même, vraiment, se passer de la guerre, il prend son ton le plus attendrissant, pour faire cette révélation : « Je ne suis pas un homme heureux, je n’ai jamais été un homme heureux, parce que je n’ai pas eu une jeunesse comme tout le monde. Ma jeunesse, je l’ai passée dans la guerre. Et, au sortir de la guerre, j’ai eu cette responsabilité de chef d’Etat, à 38 ans ».

« J’ai perdu dix-sept de mes frères, dans la guerre. Tous des Déby, se lamente-t-il. Dans la guerre contre la Libye, d’abord, puis dans la guerre entre les factions politico-militaires tchadiennes, ensuite. Je ne suis pas un aventurier, je ne suis pas un guerrier ».

Autre révélation du chef de l’Etat tchadien : si les pays francophones vont si mal en Afrique, c’est à cause de leurs liens avec la France…

C’est, en tout cas, ce que leur répèteraient leurs homologues anglophones, lusophones et arabophones d’Afrique. A la chute de Mobutu, lors d’une gigantesque manifestation dans l’enceinte du mythique stade Tata-Raphaël, à Kinshasa, Yoweri Museveni, s’adressant à ceux qui étaient encore des Zaïrois, dira, littéralement, excusez la trivialité de l’expression, de « lui foutre la paix » avec les histoires de francophones et d’anglophones. Et que lui, Museveni, était tout simplement un… bantouphone ! En clair, un Bantou, qui ne se définit pas par rapport à la langue oubliée par le colonisateur, dans sa fuite.

Alors, oui, Idriss Déby n’invente probablement pas cette réflexion qu’il prête à ses pairs anglophones, et qui leur disent que les malheurs de notre Afrique viennent des relations trop… consanguines avec la France. Il y aurait sujet à méditation.

La chance de l’Afrique - et de la France, quelque part - est que les dernières élections, dans l’Hexagone, ouvrent la fenêtre à l’écriture d’une histoire autre. Mais, en matière d’histoire, tout est question de fenêtre de tir, d’alignement des planètes. Lorsque l’on laisse passer une bonne occasion, il faut, ensuite, attendre des décennies, sans être certain de rien.

Le président Déby, décidément en mode confidences historiques, dit des choses tout aussi fortes sur le franc CFA.

Vous partez en vacances, mais vous partez, aussi, avec la revue XXI

En effet, le dernier numéro de la revue XXI, paru cette semaine, aborde trois sujets graves de ces relations tourmentées que l’Afrique entretient avec la France. D’abord, le jeu, « trouble », de Paris dans la guerre du Biafra   et, ici aussi, il s’agit de vérités que la partie éclairée de l’opinion africaine connaît et a pu déplorer. Des vérités que les généraux nigérians gardent en travers de la gorge. Avec une dent contre Félix Houphouët-Boigny, qui se serait servi de cette guerre pour impulser à « sa » Côte d’Ivoire, un rôle de leader, auquel rien ne le destinait naturellement en Afrique de l’Ouest. La revue XXI revient aussi sur le massacre camouflé de décembre 1944, au Camp Thiaroye, au Sénégal.

Surtout, la revue XXI ouvre, avec des témoignages aussi définitifs que troublants, la plaie du génocide rwandais. Des témoignages aussi définitifs que troublants sur l’agenda caché de l’opération Turquoise. Opération qui aurait servi de sauf-conduit pour des génocidaires et pour des armes, avec des noms, des précisions. Voilà qui devrait, au minimum, raviver le débat sur les responsabilités de Paris dans le génocide.

Reprise de ce programme le samedi 2 septembre 2017

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