Mafia: le parrain des parrains de Cosa nostra libéré pour raisons de santé?

Surnommé «le fauve» en raison de sa cruauté, Totò Riina, 86 ans, arrêté en 1993 après 23 ans de cavale est actuellement placé dans une cellule de haute sécurité à Parme. en Émilie-Romagne. Le chef de Cosa nostra, la mafia sicilienne, purge une peine à perpétuité pour avoir commis ou commandité, des centaines de meurtres. Mais il pourrait être assigné à résidence car il est atteint notamment de deux cancers. C’est ce qu’a demandé la Cour de cassation le 5 juin. En attendant le réexamen de son cas par un tribunal de Bologne, l’idée même d’un allègement de ses conditions de détention provoque l’indignation générale.

Salvatore Riina, dit Totò Riina, la plus importante figure de la mafia sicilienne en train d'être conduit au tribunal de Palerme après 23 ans de cavale. Palerme, Italie, le 4 mars 1993. Photo : Franco Origlia/Getty Images

de notre correspondante à Rome

Le nom de Totò Riina est aussi étroitement associé à son village natal sicilien Corleone qu’aux atrocités de Cosa nostra. Il commence sa vie de meurtrier très jeune, à 19 ans, puis il entre dans la clandestinité à la fin des années 60. Mais le « fauve » continue, bien sûr, de faire sa loi. Dans les années 80, il prend la tête de la « coupole », autrement dit : le conseil de direction de Cosa nostra.

C’est à cette époque qu’éclate une guerre entre le clan des Corléonais et celui des Palermitains qui fera, à elle seule, 200 morts. Au total, on estime à près de 500 le nombre de meurtres que Totò Riina a commis ou commandité dont ceux de représentants de l’État. Il a été condamné 17 fois à la réclusion à perpétuité. Mais ce n’est que le 15 janvier 1993 - soit quelques mois après l’assassinat du juge Giovanni Falcone puis celui du juge Paolo Borsselino- qu’il sera capturé. Non pas au bout du monde. Mais à Palerme, distante de 58 km de Corleone !

Un pouvoir de nuisance encore sensible

Depuis son arrestation Totò Riina est placé sous un régime de détention carcéral particulièrement strict, ce qui devrait l’empêcher de nuire, mais les magistrats antimafia estiment qu’il garde un certain pouvoir.

D’abord Totò Riina ne s’est jamais repenti. Ensuite, un chef mafieux de son gabarit trouve toujours des moyens pour communiquer, lors d’audiences au tribunal, par exemple. Donc même s’il est très malade, d’après les déclarations du procureur national anti-mafia, Franco Roberti, « il n’a rien perdu de ses facultés mentales et présente une dangerosité indiscutable ». C’est pourquoi, tant les familles et associations de victimes que les juges anti-mafia se révoltent à l’idée même que le chef de Cosa nostra puisse bénéficier d’une remise de peine ou de l’assignation à résidence, comme le demande la Cour de cassation.

Sur quels éléments se sont fondés les juges pour ouvrir la voie à sa sortie de prison ?

On ne connait pas encore le texte de motivation de la décision de la Cour suprême- qui a donc annulé l’ordonnance du tribunal de Bologne, lequel avait rejeté, en 2016, la demande de remise de peine ou d’assignation à résidence, présentée par les avocats de Totò Riina. Mais tout tourne autour du droit de mourir dignement. Reste maintenant à savoir ce que décidera le tribunal de surveillance de Bologne, chargé de réexaminer le cas. L’audience est fixée au 7 juillet prochain. Et nous reviendrons certainement sur cette affaire qui suscite vraiment beaucoup de perplexité et de douleur pour les familles des victimes de Cosa nostra.