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La semaine de

Election d'Emmanuel Macron: les espoirs africains

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Emmanuel Macron et le président sortant François Hollande lors de la cérémonie de l’abolition de l’esclavage le 10 mai 2017 à Paris.
Emmanuel Macron et le président sortant François Hollande lors de la cérémonie de l’abolition de l’esclavage le 10 mai 2017 à Paris. REUTERS/Eric Feferberg/Pool
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Xavier Besson : Dans nombre de pays africains, le dénouement de l’élection présidentielle, en France, a été vécu comme un réel soulagement. Mais les attentes des populations vis-à-vis du président élu, Emmanuel Macron, elles, demeurent encore un peu vagues et, surtout, très nombreuses. Que peut, que doit espérer l’Afrique, selon vous, du changement de locataire, à l’Elysée ?

Rien, et ce ne serait pas plus mal, ainsi. Après tout, dans les anciennes colonies portugaises ou britanniques, les populations ne se sentent pas concernées outre mesure par chaque échéance électorale majeure au Portugal ou en Grande-Bretagne. Il serait temps qu’il en soit de même entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique. Ceci dit, il demeure des réalités, des interconnexions qui sont telles, que les Etats ont encore un peu de mal à couper le cordon ombilical. Mais, de gré ou de force, ils devront assumer pleinement leur indépendance, et cela pourrait même intervenir plus vite que ne l’imaginent certains.

Et comment pouvez-vous le savoir ?

Parce que les pays diversifient leurs relations et se tournent, de plus en plus, vers des partenaires autres que l’ancienne métropole. Autrefois, lorsqu’ils avaient des difficultés de fin du mois, ils appelaient naturellement Paris qui volait à leur secours. D’autant plus spontanément qu’il y avait, déjà, ce fameux compte d’opération, qui fait du Trésor français la caisse d’épargne de toutes ces nations.

Mais il y a eu une première défection, durant la deuxième cohabitation en France. Avec, à Matignon, un Premier ministre, Edouard Balladur, qui ne se sentait nullement concerné par les aspects affectifs de cette monnaie, le franc CFA. Parce que le compte d’opération n’était plus suffisamment garni, à son goût, ces aides budgétaires systématiques ne se justifiaient plus, pour Edouard Balladur, qui renvoyait tous les gouvernements de la zone franc qui le sollicitaient vers le FMI.

C’est ainsi que Michel Camdessus, directeur général dudit FMI, a été encouragé à suggérer aux Etats concernés une dévaluation du franc CFA. Ce fut la grande désillusion ! Et un grand moment d’humiliation ! Le 13 janvier 1994, les chefs d’Etat africains, enfermés depuis des heures avec Michel Roussin, le ministre français de la Coopération, finiront par accoucher de cette dévaluation. En une nuit, le franc CFA a perdu la moitié de sa valeur. Ce fut une ablation. De la chirurgie lourde.

Mais les liens, depuis, se sont resserrés, n’est-ce pas ?

Au contraire, ils se sont peu à peu distendus. Il faut dire que tous ces Etats ont appris à s’ouvrir vers d’autres horizons, à ne plus mettre tous leurs œufs dans le même plat. A un point, tel, que, ces dernières années, certains Etats de la zone franc se sentaient libres. Suffisamment, en tout cas, pour concéder à d’autres pays le rang de premier partenaire économique, qui était, jusque-là, le privilège exclusif de la France.

En revanche, lorsqu’à l’occasion, ils ont besoin de petits coups de main en fin de mois, leurs interlocuteurs, à Paris, ne se privent pas de leur rappeler qu’il y a, à cette générosité que l’on appelle aide budgétaire, une contrepartie, en l’occurrence, la préférence aux entreprises françaises dans l’attribution de certains marchés.
Il faut rappeler que les détracteurs du franc CFA insistent, souvent, sur le fait que la parité fixe, avec le franc français, hier, et avec l’euro, aujourd’hui, ne sert pas à favoriser l’économie des nations africaines, mais plutôt à faciliter le rapatriement, en France, de ce que ces entreprises françaises gagnent dans ces Etats africains.

En quoi cette dépendance est-elle différente de celle qui peut exister entre les Etats africains hors zone franc et leurs anciens colonisateurs ?

D’abord, et nous l’avons déjà souligné ici, le Ghana, par exemple, au pire de ses difficultés économiques, ne pouvait nullement s’adresser au chancelier de l’Echiquier, au Royaume-Uni, pour boucler ses fins de mois. Ainsi, dans les années 80, les Ghanéens buvaient jusqu’à la lie la coupe de leurs erreurs. Dans les critiques qu’ils émettent sur la zone franc, les détracteurs du franc CFA sous-entendent que cette monnaie est une « monnaie de riche », mais qu’elle induit une certaine forme d’irresponsabilité, en ce sens que les erreurs commises par les Etats ne sont jamais sanctionnées par le marché.

Emmanuel Macron n’a rien promis pour ou contre le franc CFA. Il laisse aux Etats la décision, souveraine, sur leur monnaie. Donc, avec lui rien ne changera ?

A partir du moment où ils cèdent les parties les plus juteuses de leur économie au Maroc, à la Turquie, ou à la Chine, ces Etats savent devoir apprendre à ne plus compter sur la France pour boucler leurs fins de mois. L’indépendance véritable a un prix. Et les peuples seraient prêts à le payer, dès lors que leur destin est entre les mains de leaders qu’ils ont véritablement choisi. Un peu comme viennent de le faire les Français.

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