Jean-Pierre Lacroix: «Nous avons un projet pour faire évoluer le maintien de la paix»
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Jean-Pierre Lacroix est le nouveau Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix à l’ONU, il a pris ses fonctions le 3 avril dernier. De passage à Bruxelles pour rencontrer les autorités européennes, de l’Otan et de la Belgique, il a établi, pour RFI, un état des lieux des principales opérations en cours, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud et au Mali. Notre correspondante lui a aussi demandé comment l’ONU comptait faire face à la menace des Américains de réduire leur contribution aux opérations de maintien de la paix, qui correspond à près d’un tiers des financements.
RFI: Comment comptez-vous faire face à la menace des Américains de réduire leur contribution aux opérations de maintien de la paix qui correspond à près d’un tiers des financements ?
Jean-Pierre Lacroix: Nous avons, de toute façon, quoi qu’il arrive, un projet pour faire évoluer le maintien de la paix et ce projet inclut aussi la perspective, à terme rapproché, de fermer des opérations qui ont atteint leur objectif - l’opération en Côte d’Ivoire, l’opération en Liberia – ainsi que celle de transformer, parfois assez profondément, les opérations qui ont besoin d’être transformées. Cela va générer des économies.
Nous sommes aussi dans une logique plus générale qui est celle de rechercher, partout où c’est possible, la meilleure optimisation de nos ressources. Ainsi, sur le transport aérien qui est un chapitre de dépenses majeures pour les opérations de maintien de la paix, c’est un effort que nous devons faire et que nous ferons.
Sur la Monusco, en République démocratique du Congo, les tensions sont palpables dans un contexte préélectoral. Comment la Monusco se prépare-t-elle à la sécurisation du processus ?
Il y a un danger, on le sent bien, c’est que, en l’absence d’application de bonne foi de l’accord du 31 décembre, les tensions s’accroissent potentiellement et dégénèrent. C’est ce que nous voulons éviter. Les Nations unies ont déjà organisé et soutenu des élections – en RDC d’ailleurs mais aussi ailleurs – ce qui représente une combinaison de soutiens. Il s’agit en effet d’apporter un soutien sécuritaire, logistique - très lourd d’ailleurs, particulièrement dans ce pays – un soutien à tout ce qui est la préparation des modalités de l’élection ou encore un soutien aux commissions qui sont chargées de cette tâche. Les modalités, elles, ne sont évidemment jamais faciles à mettre en œuvre, mais elles suivront. Ce qui compte, c’est la dynamique politique de bonne foi qui doit nous engager et nous entraîner dans cette direction.
L’un des éléments de tension, c’est aussi le retour de la dépouille de l’opposant congolais, Etienne Tshisekedi, prévu pour le 12 mai. Qu’avez-vous prévu, là encore, pour sécuriser ce retour ?
Nous prendrons les mesures. Elles sont d’ailleurs déjà prévues pour que les choses se passent le mieux possible.
Quelles mesures ?
Ce sont des mesures qui ont trait au redéploiement de nos moyens. Il ne faut pas oublier que la Monusco a des moyens qui sont certes considérables, mais à l’échelle du pays, à l’échelle de la population de Kinshasa et à l’échelle de la population de l’ensemble de la République démocratique du Congo, ces moyens sont quand même relativement limités. Nous cherchons donc à optimiser ce que nous pouvons faire, selon les conditions.
Sur le Soudan du Sud et l’opération Minus, nous avons un peu le sentiment que la Minus est débordée, qu’elle n’arrive pas à juguler la crise. Comment cela peut évoluer ?
Dans les conditions où nous nous trouvons actuellement, au Soudan du Sud, nous avons fait le maximum. Mais on fait le maximum dans des conditions. D'abord, les parties, encore une fois, font prévaloir la logique des affrontements, ce qui rend évidemment notre mission encore plus compliquée pour aider les populations. Ensuite, nous faisons face tout le temps, tous les jours, à un défaut de coopération. Il y a, en effet, des obstacles mis à l’accès, des obstacles qui portent sur tous les domaines comme l’accès de nos moyens, les visas, tout ce que vous pouvez imaginer. Mais, au-delà de ce manque de coopération, parfois nos personnels ou encore les personnels humanitaires font face aussi directement à des attaques. Il y en a qui ont été assassinés. Je trouve que les personnels de la Minus font un travail exemplaire mais il faut mesurer à quel point c’est rendu difficile par la prévalence de cette approche militaire.
Quelque 400 soldats britanniques sont en train d’y être déployés. A quoi doivent-ils être affectés, en priorité ?
On a besoin, presque partout au Soudan du Sud, d’avoir justement cette capacité dans des conditions logistiques qui sont catastrophiques. Encore une fois, il n’y a quasiment pas de routes. Avec les moyens que vont nous apporter les Britanniques, on va pouvoir essayer d’améliorer notre capacité d’accès et notre capacité aussi de créer des conditions pour mieux répondre aux besoins de la population.
Au Mali, là aussi, le processus de paix n’avance pas. Là aussi, les tensions sont palpables. On l’a vu avec l’attaque du camp de la mission de l’ONU mercredi 3 mai à Tombouctou. Quel ajustement du mandat de la mission prévoyez-vous ? De l’équipement, peut-être ? Est-ce qu’il faut que cette mission soit plus offensive, comme le demandent notamment les Américains ?
Nous avons des échéances importantes. Dans quelques semaines, il y aura la discussion au Conseil de sécurité sur l’extension du mandat de la Minusma. C’est un mandat qui en soi est suffisant. Il est très robuste, comme mandat mais ce qui fait encore défaut à notre opération, ce sont notamment les moyens. Les Sénégalais ont accepté de déployer une force de réaction rapide dans le centre du pays. Nous sommes en discussion avec eux pour faire en sorte que ce déploiement intervienne au plus vite.
Nous avons d’autres contributeurs qui devraient nous rejoindre prochainement, notamment pour nous aider dans une mission importante qui est la protection des convois, ce qui permettra de libérer des moyens à nos contingents pour qu’ils puissent davantage faire des patrouilles, être sur le terrain et être en contact.
Vous demandez donc davantage de véhicules blindés par exemple ?
Concernant les véhicules blindés, c’est une capacité qui manque à beaucoup de nos contingents. Comme on dit en anglais, « Il n’y a aucune pierre qu’on ne retourne pas pour trouver des solutions ». Nous avons quelques pistes qui sont encourageantes. Il y a eu quelques progrès d’ailleurs, dans l’année écoulée. Certains contingents, en effet, ont eu davantage d’équipements. Nous sommes aussi en contact, très régulier, avec des partenaires de l’Union européenne qui peuvent faire beaucoup pour nous aider à remplir des déficits de capacité - critiques, s’agissant notamment des hélicoptères - mais également dans d’autres domaines comme la reconnaissance, la surveillance, etc.
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