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Le grand invité Afrique

Seydou Guèye: à Dakar, «ce qui est en jeu, ce sont des questions de probité morale»

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Au Sénégal, le maire de Dakar, Khalifa Sall, qui est accusé de détournement de biens publics, vient de passer sa troisième nuit en prison. La société civile sénégalaise, l’Association internationale des maires francophones et de plus en plus de voix s’élèvent pour sa libération. Est-il en prison parce que le président Macky Sall veut se débarrasser d’un adversaire avant la présidentielle de 2019 ? En ligne de Dakar, Seydou Guèye, le ministre, porte-parole du gouvernement sénégalais, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Seydou Guèye, ministre, porte-parole du gouvernement sénégalais.
Seydou Guèye, ministre, porte-parole du gouvernement sénégalais. https://www.youtube.com
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Il y a beaucoup d’émotion à Dakar et dans le monde depuis l’arrestation de Khalifa Sall. Est-ce qu’il n’est pas en prison parce qu’il veut probablement se présenter à la présidentielle de 2019 ?

Seydou Guèye : Absolument pas. Monsieur le maire de Dakar a été mis en détention préventive suite au dossier qui porte sur la reddition des comptes. Aujourd’hui on ne peut pas nous faire un procès d’acharnement politique puisque, même en France, vous voyez, c’est la question qui est à l’ordre du jour. Non, il s’agit de faits avérés, de fausses factures, et les procédures ont été enclenchées. Donc loin de nous une préoccupation de rendre la vie difficile à un adversaire politique. Je considère d’ailleurs que nous avons affaire à un parti qui s’appelle le Parti socialiste. Et une structure comme l’Internationale socialiste ne s’est pas épanchée dans la presse pour apporter un quelconque soutien.

C’est vrai que l’Internationale socialiste n’a toujours pas réagi. En revanche, l’Association internationale des maires francophones, présidée par Anne Hidalgo, la maire de Paris, se mobilise pour la libération de Khalifa Sall ?

Je pense que ce n’est pas une bonne attitude puisque ce qui est en jeu, ce n’est pas des solidarités affectives. C’est des questions de probité morale. Et aujourd’hui, le Sénégal, avec le président Macky Sall, applique toutes les mesures pour consolider cette option de bonne gouvernance qui est une exigence citoyenne. Personne n’est contre le secours aux pauvres. Mais le problème qui se pose, ce n’est pas la destination, c’est la procédure qui a été détournée sans pouvoir établir les justificatifs.

Il y a en effet ce problème de présumé détournement de fonds publics. Mais pourquoi le mettre en prison, il suffisait de demander une information judiciaire?

La justice a sa propre rationalité. Ce qui me semble évident, c’est que nous avons besoin que la loi soit au-dessus de tout le monde.

Tous les décaissements de la ville de Dakar sont visés par un percepteur et aujourd’hui le percepteur impliqué est l’objet d’une information judiciaire, mais il reste en liberté. Pourquoi ce percepteur est libre, et pourquoi le maire est en prison ?

Ça, c’est la justice. Le percepteur a été mis en examen. Il est inculpé au même titre. Mais vous savez, il y a des degrés de responsabilités dans une chaîne de complicité.

Khalifa Sall est en prison avant même que le juge ait commencé son instruction. Est-ce que le procureur n’a pas eu la main lourde ?

Absolument pas. Le procureur a, comme la loi le lui permet, présenté un certain nombre de cas. Dans tous les cas, on fait de faux procès contre l’Etat du Sénégal qui exerce sa mission.

A l’origine de l’affaire, il y a un rapport de l’Inspection générale d’Etat (IGE). Mais pourquoi ce rapport reste-t-il confidentiel ?

C’est le statut de la loi. Il appartient au président de la République de prendre un décret pour le déclassifier.

Vous dites que le président peut déclassifier sur décret. Est-ce qu’il va le faire ?

Je ne peux pas vous donner la réponse puisque, vous savez, ça c’est le domaine du président de la République.

Mais vu la gravité de l’affaire, est-ce que ce ne serait pas mieux qu’il y ait transparence ?

Non, ce n’est pas une affaire grave. Il s’agit d’une simple affaire de détournement de deniers publics, comme nous en connaissons tous les jours.

Mais Dakar est l’une des plus grandes villes du monde, une des plus célèbres. Et son maire est en prison ?

Son maire est en prison par des faits que la loi réprouve et que la morale réprouve.

C’est une affaire grave tout de même ?

C’est une affaire qui doit nous valoir de montrer notre détermination à mettre en œuvre une politique efficace de bonne gouvernance, de transparence et de reddition des comptes. Et aujourd’hui, vous avez monsieur Macron qui risque d’être interrogé pour un voyage à Las Vegas. Vous avez des candidats, monsieur Fillon, madame Le Pen qui sont concernés par des histoires de rapport entre l’argent et la vie publique. Et vous voulez que la France développe une politique efficace et que nous, nous restions une justice bananière. Non, on ne peut pas accepter ça.

L’IGE est sous l’autorité directe du président de la République. Et à chaque fois qu’il reçoit un rapport de cette IGE sur son bureau, le chef de l’Etat décide quel rapport est mis au fond d’un tiroir ou quel rapport est transmis au procureur. Est-ce que ce pouvoir discrétionnaire ne lui permet pas d’instrumentaliser les rapports de l’IGE à des fins politiques ?

Non, je ne le crois pas. Le président de la République, le président Macky Sall en l’occurrence, a une haute conscience de sa responsabilité et de sa mission. On ne peut pas lui faire le procès de la discrimination. Le président de la République, qui est le président du Conseil supérieur de la magistrature, ne peut pas demander à nos juges de ne pas faire le travail.

Ce que disent beaucoup de gens, c’est que si Khalifa Sall était encore dans la majorité présidentielle, ce rapport n’aurait pas été transmis à la justice ?

Khalifa Sall est membre du Parti socialiste qui est une formation politique majeure de notre coalition. Non, ça c’est loin de notre préoccupation.

Il est membre du PS, mais il est frondeur. C’est un dissident de la majorité présidentielle. Et il ne le cache pas, il veut conduire une liste autonome aux législatives de juillet 2017. Au lieu d’être une reddition des comptes, est-ce que ce n’est pas un règlement de comptes ?

Non, non. Est-ce que vous allez vous accepter qu’on dise que par rapport à Fillon, par rapport à Macron, il s’agit d’un règlement de comptes en France ? Non. Nous sommes une démocratie aujourd’hui modèle et nous travaillons à consolider cela.

Est-ce que Khalifa Sall n’est pas un adversaire probable du président Macky Sall à la présidentielle de 2019 ? Est-ce qu’il ne fait pas peur ?

Absolument pas. Comment voulez-vous avoir peur de quelqu’un que vous avez battu à toutes les élections, sauf à une seule, les élections législatives. Khalifa Sall était directeur de campagne en 2012. Et si vous faites le bilan de toutes nos élections, il n’a jamais gagné lorsqu’il s’est agi de suffrage universel direct.

Donc le président se représentera en 2019 ?

Oui, nous travaillons pour son second mandat en 2019. Et nous travaillons pour lui donner une très large majorité à l’occasion des prochaines élections législatives. Et on a les moyens d’élargir et d’amplifier la majorité que nous avons au niveau de l’Assemblée nationale.

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