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La semaine de

Etienne Tshisekedi: pour la démocratie, pour son peuple…

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L’on n’a rien compris au personnage du défunt leader politique congolais, si l’on ne prend pas en compte le fait que, dans une vie antérieure, il avait été ministre de Mobutu.

Jean-Baptiste Placca.
Jean-Baptiste Placca. RFI
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Magali Lagrange : Etienne Tshisekedi est donc décédé, le 1er février à Bruxelles, et c’est toute la RDC qui semble en deuil. Peut-on dire que, dans la vie politique congolaise, le leader de l’UDPS représentait bien plus que le simple chef de file de l’opposition qu’il était…

Etienne Tshisekedi Wa Mulumba était un opposant flamboyant ! Et si tout son peuple le pleure aussi sincèrement, c’est parce qu’il a, jusqu’au bout, incarné la soif de liberté des Zaïrois, hier, et des Congolais, aujourd’hui. Hors de la RDC, il aura aussi incarné, d’une certaine manière, l’opposant africain, dans toutes ses souffrances, dans son dénuement, dans toute sa fragilité. Il a, connu toutes les humiliations d’une vie d’opposant, mais est un des rares opposants de sa trempe à n’avoir jamais eu le privilège d’accéder à la magistrature suprême. D’où la petite tristesse que l’on peut ressentir pour lui. Peu d’opposants africains se sont autant battus et ont autant souffert que lui pour, finalement, quitter la terre sans réaliser leur rêve. La vie d’Etienne Tshisekedi illustre, à l’extrême, l’ingratitude de la vie d’opposant. C’est un peu comme si Abdoulaye Wade avait fini sa vie sans jamais devenir président. Ou alors Alpha Condé, ou même Laurent Gbagbo.

Une lutte politique ne débouche pas systématiquement sur le pouvoir. Ce serait trop facile, sinon…

Il se trouve que ceux qui se sont battus aussi durement et aussi longtemps que lui ont eu, pour la plupart, le privilège de voir leur lutte les mener au sommet de l’Etat. Il a, lui, payé cher son combat pour la démocratie, essuyé toutes les humiliations, souffert toutes les brimades qui sont le lot quotidien de ceux qui se battent, surtout face à un régime dur et impitoyable, pour obtenir la démocratie pour leur peuple.
Etre opposant, dans un pays peu démocratique, c’est la garantie d’une paupérisation sans nom, à laquelle le pouvoir vous accule, en espérant ainsi vous asphyxier. La démocratie n’est pas financée à l’intérieur des Etats. Et, souvent, les opposants sont obligés de sillonner les capitales africaines, à la recherche d’hypothétiques bienfaiteurs. Ils passent des jours et des semaines dans des chambres d’hôtel, attendant d’être reçus par un chef d’Etat ou ses collaborateurs. Et, parfois, ils ne repartent qu’avec une dégradante aumône… Autrefois, il y avait quelques généreux financiers, tels Omar Bongo, ou Mouammar Kadhafi, qui acceptaient de miser sur quelques opposants prometteurs. Ils étaient rares, hier. Ils sont tout simplement introuvables, aujourd’hui. Et cela explique pourquoi, dans de nombreux pays, ce sont, de plus en plus, les hommes d’affaires qui ont le vent en poupe.

Les pleurs que l’on entend depuis la mort de Tshisekedi sont-ils alors tous sincères ?

La plupart le sont. Mais il faut aussi compter avec les larmes de crocodiles de ceux qui, à un moment ou à un autre, ont fait partie de ceux qui le persécutaient franchement, pour ce qu’il est, pour ce qu’il incarnait pour son peuple. Il n’empêche ! L’homme avait pris, ces derniers mois, une dimension telle, que l’on s’attendait à le voir jouer un rôle d’arbitre, au-dessus, y compris, du chef de l’Etat, à la tête du Conseil national de transition, aux termes de l’accord politique global et inclusif conclu au tout début de cette année.

Comme si tous avaient intégré le fait qu’il n’aurait jamais à accéder à la magistrature suprême, les protagonistes de l’Accord politique global et inclusif semblaient s’être entendus pour lui offrir cette présidence du Conseil national de transition comme une symbolique super-présidence, le plus grand honneur de sa vie.

En ayant conscience qu’à l’épreuve des faits, cela pouvait générer des tensions, et même quelques crises…

Oui, parce que Tshisekedi n’était pas homme à transiger sur ce qu’il concevait comme le droit de son peuple, comme son devoir. L’on se souvient de l’impossible cohabitation entre le président Mobutu et lui, entre août 1992 et mars 1993…Il s’arc-boutait tellement sur ses prérogatives de Premier ministre de la transition qu’il en avait fini par oublier les subtilités politiques et diplomatiques, vitales à ce niveau. Dans l’épreuve de force engagée alors contre Mobutu, il avait fini par se faire éjecter par le dictateur. Certains analystes en déduiront que Etienne Tshisekedi manquait de tact, car il aurait pu, aurait dû, subtilement, dépouiller Mobutu du pouvoir et organiser l’élection présidentielle, que Mobutu ne pouvait que perdre. C’est en cela que beaucoup, depuis, sont demeurés convaincus que le pire ennemi du leader de l’UDPS était son impulsivité.

Mais comment dire cela, sans prendre en compte le fait que, dans une vie antérieure, Tshisekedi avait été ministre de Mobutu.

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