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Le grand invité Afrique

Inza Koné: «Les primates jouent un rôle extrêmement important pour les écosystèmes»

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Les primatologues tirent la sonnette d’alarme… Notre cousin le singe est en danger : 60 % des espèces de primates pourraient disparaître d’ici 25 à 50 ans. 75 % connaissent déjà un déclin de leur population, selon une étude publiée cette semaine dans la revue américaine Science Advances. La disparition des singes pourrait avoir de graves conséquences pour la planète. La trentaine de scientifiques qui ont participé à l’étude appellent donc les pays concernés - et plus généralement la communauté internationale - à prendre des mesures pour inverser la tendance. Parmi eux : Inza Koné, primatologue à l’université de Cocody-Abidjan et au Centre suisse de recherche scientifique en Côte d’Ivoire.

Un singe vervet, au parc Kruger.
Un singe vervet, au parc Kruger. RFI/Elisa Drago
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RFI: Si les primates venaient à être beaucoup moins nombreux qu’actuellement, qu’est-ce que cela ferait pour la planète ?

Inza Koné : Ce serait une catastrophe vu le rôle que les primates jouent pour les écosystèmes forestiers dont le maintien de la vie sur terre en dépend étroitement, vu le rôle que les primates jouent pour le maintien des repères culturels pour beaucoup de peuples africains, asiatiques et dans d’autres régions du monde et vu, également, le rôle que les primates peuvent jouer dans l’avancée de la science, la médecine, entre autres. Oui, ce serait simplement une catastrophe.

Pour les écosystèmes, pour commencer, que font les primates ?

Les primates jouent un rôle extrêmement important dans et pour les écosystèmes. D’abord en tant que pollinisateurs et en tant qu’agents disperseurs de graines. Les primates participent beaucoup à la régénération des forêts. Aussi, sans primates, beaucoup d’espèces végétales ne pourraient pas se reproduire, et beaucoup de forêts seraient vouées simplement à une mort certaine. Des forêts qui sont, par exemple, frappées par le syndrome de la forêt vide - les arbres sont là, visibles, mais il n’y a pas d’animaux - meurent plus rapidement que les forêts qui contiennent encore des animaux, notamment des agents qui jouent le rôle de pollinisateurs et de disperseurs de graines, comme les primates.

Les primates jouent aussi un rôle dans l’équilibre des écosystèmes de par le rôle qu’ils jouent dans les chaines alimentaires. Ce sont, en effet, des prédateurs pour un certain nombre d’animaux mais aussi des proies pour un certain nombre d’autres animaux. Tout cela participe donc à un équilibre à maintenir sur le long terme.

Si les primates sont menacés, est-ce à cause de l’homme, et uniquement de l’homme ?

Pas uniquement de l’homme, mais l’homme est effectivement le facteur central du déclin des primates, aujourd’hui. L’homme va intervenir en détruisant l’habitat des primates ou en les tuant directement, à travers le braconnage, pour différentes raisons. D’autres facteurs naturels, comme les changements climatiques, peuvent aussi avoir un impact. Dans tous les cas, l’homme est un facteur aggravant des changements climatiques et donc oui, on considère que l’homme est effectivement au cœur de toutes les menaces qui pèsent aujourd’hui sur les primates.

L’homme et son activité industrielle ?

Oui. Le fait est que, au fil des ans, l’homme a changé progressivement et négativement son rapport avec la nature. On aurait pu vivre de façon harmonieuse avec la nature comme nos ancêtres l’ont fait pendant des milliers d’années, mais à partir d’un certain moment - beaucoup sont d’accord pour dire que cela a peut-être commencé avec ce qu’on appelle la révolution industrielle - l’homme a donc changé ses rapports avec la nature et il a cherché à la dompter. Il a cherché à créer des richesses et tout cela, au détriment de la nature.

Finalement, au lieu de considérer la nature comme un capital, l’homme est en train d’en faire une victime. Il a de quoi s’interroger sur ce que sera le pilier du développement demain. En réalité, il n’y aura plus rien parce que ces capteurs naturels sur lesquels on a basé, jusqu’à présent, nos schémas de développement, seront inexistants dans quelques années.

Est-ce qu’il existe des solutions pour inverser la tendance ?

Oui, il existe des solutions. Certains diront que certaines solutions paraissent idéalistes, quand on dit, par exemple, qu’il faut cesser ces modes de consommation que nous avons aujourd’hui. On consomme des choses dont on n’a pas vraiment besoin. En disant qu’il faut changer cela, cela implique un changement de mentalité à grande échelle et cela peut paraitre utopique. Ceci étant, il y a des solutions plus pragmatiques comme le fait d’adopter des modes de développement qui soient plus en harmonie avec la préservation de la nature. Au niveau de l’agriculture par exemple, on peut faire une agriculture qui se réconcilie avec la forêt.

Il y a aussi le fait que, lorsque l’on regarde les causes sous-jacentes de l’agression des forêts ou bien des animaux, la pauvreté occupe une place très importante. Il faut donc lutter contre la pauvreté. Il faut promouvoir également l’éducation car elle joue aussi un rôle très important. Plusieurs études ont démontré que plus les gens ont conscience de l’impact de leurs relations avec la nature, plus ils font attention. C’est à travers l’éducation que les gens prennent conscience du rôle de la nature, comment les éléments de la nature peuvent impacter sur leur quotidien et comment leur propre survie dépend de la nature.

Je vais prendre un contre-exemple, celui des gorilles de montagne. La population des gorilles de montagne, il me semble, augmente. Pourquoi ?

Il y a beaucoup d’efforts qui ont été faits, au plan international, pour conserver ces espèces que l’on considère comme étant des espèces charismatiques. C’est pour cela que la conservation des gorilles a fait l’objet de beaucoup de mobilisations de fonds et de ressources humaines. Nous sommes ravis que ce genre d’initiative donne des résultats, aujourd’hui. Cela veut dire que si on essaie d’étendre cela à d’autres espèces, à d’autres régions, le succès peut se dessiner tout de suite. Il faut y croire. Ce n’est pas impossible. Si on a bien inversé la tendance pour les gorilles des montagnes, on peut le faire pour des espèces qui, jusque-là, ont été négligées.

Est-ce qu’il est encore temps de réagir pour sauver les primates ?

Oui. Je ne pense pas que l’article ait été publié pour être alarmiste. L’article a été publié justement pour que l'on prenne conscience qu’il y a des choses à faire et que ces choses ne peuvent pas attendre.

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