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La semaine de

Sources d’un sous-développement incurable

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La hardiesse des observateurs européens au Gabon fut une agréable surprise pour les Gabonais, pour les Africains. Qui tient, peut-être, à la personnalité du chef de la mission, « la » coriace député Mariya Gabriel.

Jean-Baptiste Placca.
Jean-Baptiste Placca. RFI
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Anthony Lattier: peu à peu, les derniers lampions de 2016 s’éteignent, et il va falloir dresser le bilan de cette année qui s’achève, avec un nombre particulièrement élevé d’élections présidentielles. Que devons-nous en retenir, sur le plan politique, d’abord ?

Jean-Baptiste Placca : Et pourquoi ne pas marquer un certain respect pour tous les chefs d’Etat sortants, qui ont eu la décence de respecter les échéances, en organisant effectivement les élections ! C’est, certes, le minimum que l’on puisse attendre d’eux. Mais lorsque l’on observe la violence et les dizaines de morts que génère le non-respect des échéances dans certains pays, on ne peut que saluer ceux qui comprennent que la base de la démocratie, c’est, justement, le respect du calendrier électoral. L’actualité de cette semaine, vous vous en êtes aperçu, est, une nouvelle fois, très sanglante en République démocratique du Congo. En raison, justement, du mépris du pouvoir en place pour cette primordiale règle du jeu démocratique qui veut que l’on rende au peuple le pouvoir, quand arrive le terme de son mandat. Les Africains – les Congolais – ne doivent pas mourir parce que leurs dirigeants ont oublié de respecter les échéances ! Lorsque vos concitoyens meurent par dizaines, il ne sert à rien de monter sur vos grands chevaux, vous prévalant de votre souveraineté de nation indépendante pour accuser les autres et leur reprocher vos propres manquements. Si l’on additionne les morts des manifestations du mois de septembre à ceux de ce 19 décembre 2016, c’est, au minimum, une centaine de Congolais qui auront perdu la vie, parce que Monsieur Joseph Kabila aura oublié de tenir les élections dans les temps.

Un chef d’Etat respectueux de son peuple ne peut se réveiller, après près de cinq ans de pouvoir, pour réaliser, un matin, que le mandat qui l’a placé à la tête de la nation s’achève à une date précise, et pas à une autre. L’Afrique, tous les pays africains devraient avoir dépassé ce niveau d’impéritie, dont profite le principal responsable pour s’imposer indûment à son peuple.

Que faut-il retenir d’autre, en-dehors du respect des échéances ?

Le respect de la volonté des électeurs, naturellement ! Et là, nous abordons la distinction qui s’impose entre les pays à problèmes et ceux qui avancent, sur ce continent. Dans de plus en plus de pays, le président qui entre ou demeure au palais est celui que les citoyens ont effectivement désigné dans les urnes. Mais il est aussi des pays où, sans jamais gagner d’une manière transparente et convaincante, celui qui est au palais ne perd jamais. Ce sont là les pays à problèmes, où l’on a la désagréable sensation que ceux qui détiennent le pouvoir le confisquent à jamais. Ils organisent les élections ou les font superviser par des institutions aux mains d’hommes ou de femmes à eux totalement soumis. Ils ont aussi la mainmise sur la justice et sur les plus hautes juridictions, qui tranchent systématiquement en leur faveur tous les contentieux électoraux. Ne parlons pas des observateurs, payés pour certifier que les fraudes, dysfonctionnements « manufacturés » et autres éventuelles anomalies sont sans incidence sur le résultat final, toujours favorable au pouvoir.

Il arrive aussi, pourtant, que des observateurs rendent des rapports qui ne soient pas en faveur du pouvoir…

C’est là que les pouvoirs en question s’emportent, mettent en cause la crédibilité et la neutralité des observateurs, s’emmêlent dans les arguments factuels, juridiques et historiques. Pêle-mêle, ils accusent les observateurs d’être sortis du cadre juridique de leur mission, évoquent la souveraineté de leur nation, dénoncent un soi-disant néocolonialisme, même lorsque, à travers les ans, c’est leur propre régime qui a bénéficié dudit néocolonialisme, aux dépens des oppositions.

D’où vient donc cette impression que nous sommes en train de parler du Gabon ?...

Les morveux se moucheront ! Mais nous savons à peu près à quoi nous avons assisté, cette année, dans les différents pays. Et c’est ici le lieu de rappeler que la démocratie ne pourra s’enraciner durablement sur ce continent que si les observateurs occidentaux ou africains savent ne pas sacrifier l’intérêt des peuples au profit de connivences intéressées avec les pouvoirs en place. La véritable question que l’on doit se poser est celle de savoir pourquoi de telles polémiques ne surviennent jamais au Ghana, jamais au Cap-Vert, jamais au Bénin, jamais au Sénégal, jamais en Tanzanie… Lorsque les choses sont claires et limpides, il n’est point besoin de contorsions pour trancher. Tout le reste relève de la confiscation du pouvoir, dont découlent la violence, les morts, et un sous-développement incurable !

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