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La semaine de

Le meilleur et le pire, dans la quête démocratique du continent africain

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Pour avoir préféré s’éclipser, plutôt que de se voir congédié par les électeurs François Hollande devrait être une source d’inspiration pour ses pairs africains. Au rang desquels ne figure plus Yahya Jammeh, désavoué dans les urnes, mais qui sort avec les honneurs, en félicitant le vainqueur.

Jean-Baptiste Placca.
Jean-Baptiste Placca. (Photo : Claudia Mimifir)
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Au réveil, hier, vendredi 2 décembre, l’on se demandait quelles leçons l’Afrique – les chefs d’Etat africains – pouvait tirer de la non-candidature de François Hollande à la présidentielle, en France. Au lever du soleil, à Banjul, c’est Yahya Jammeh qui surgit, pour s’imposer, une dernière fois, d’une manière, dites-vous, aussi inattendue qu’agréable et historique. Qu’entendez-vous par là ?

Nous suivons tous, depuis hier, les reportages de Guillaume Thibault depuis la capitale gambienne. Ils sont suffisamment vivants, et donc assez éloquents pour nous faire vivre, par procuration, ces moments que l’on ne peut que qualifier d’historiques. C’est en des circonstances comme celle-ci que nous cédons à la tentation de penser que l’Afrique, décidément, est le continent du meilleur et du pire. Ce meilleur qui, parfois, surgit lorsque l’on s’attend au pire du pire…

Que Yahya Jammeh puisse être battu dans la course à la magistrature suprême n’est, en soi, pas étonnant. Peut-être même l’a-t-il été par le passé. Mais, qu’il reconnaisse sa défaite et félicite le vainqueur, oui, cela est non seulement surprenant, mais historique. Il se serait proclamé vainqueur que l’Afrique s’en serait accommodé, car c’est ce que le continent attend généralement de dirigeants comme lui, comme d’un désespérant fait accompli, que personne, jamais, n’ose dénoncer. A l’Union Africaine ou à la CEDEAO…

Faut-il donc, dans ces conditions, féliciter Yahya Jammeh ?

Son régime était, jusqu’à ce vendredi 2 décembre, considéré comme l’une des deux anomalies politiques majeures en Afrique de l’Ouest : aucune limitation des mandats et, surtout, une… implacable constance à tout faire pour ne jamais perdre une élection présidentielle, quoi que veuillent les peuples, quel qu’ait été le vote des électeurs. Yahya Jammeh a coutume de dire que Dieu lui parle. Il faut croire que Allah, le Tout-Puissant, a décidé d’arracher le peuple gambien des griffes de ce président qui était bien un tyran. Qu’il soit béni ! Et très sincèrement glorifié ! Car, pour le peuple gambien, Dieu qui murmure à l’oreille de Yahya Jammeh mérite plus que jamais d’être qualifié de bon et miséricordieux, et par les musulmans et par les chrétiens.

Et pourtant, dans l’allégresse qu’affichent tous les Gambiens, l’on entend des voix qui exigent que Yahya Jammeh soit jugé. Est-ce inévitable ?

Il n’est pas simple, pour un peuple qui a subi une tyrannie comme celle dont l’on créditait Yahrya Jammeh, d’oublier les blessures et les meurtrissures. Et c’est un débat éternel, que chaque peuple tranche à sa manière, en fonction de son histoire. Nelson Mandela a donné à l’humanité une leçon, un modèle : il s’agit de la vérité, par une confession publique des crimes commis, avant que vienne le pardon, puis la réconciliation, tout en laissant la justice faire sa part, en fonction de la gravité des crimes. Il faut convenir qu’aucun autre peuple n’a jamais pu s’appliquer textuellement, depuis, le modèle sud-africain. Mais la question de fond est celle de savoir si le courage qu’il a fallu au tyran pour accepter de rendre les armes mérite que l’on lui pardonne ses crimes passés. Au Liberia, Charles Taylor a accepté d’abandonner le pouvoir parce qu’il lui avait été promis sinon l’oubli, en tout cas la liberté. Il a, malgré tout, fini devant la CPI, avec une condamnation à un demi-siècle de prison. Autant dire la perpétuité. A Yahya Jammeh, personne n’a rien promis. Il veut aller cultiver son champ, dans son village. Toute la question est de savoir si la Gambie peut, doit risquer la déstabilisation de la liberté retrouvée, pour assouvir la soif de justice des uns, ou l’envie de vengeance des autres. Il faut, parfois, savoir faire la distinction entre ce qui est essentiel et indispensable dans l’instant, et ce qui l’est moins ou qui peut attendre.

Surtout lorsque ce qui est en jeu est la paix d’une nation…

Dans l’histoire récente du continent, des guerres civiles ont été déclenchées par les tenants d’un régime déchu, simplement parce qu’ils n’acceptaient pas de devoir rendre des comptes pour leurs crimes passés. Pour reprendre la belle formule de la Grande Royale, dans « L’aventure ambiguë » de Cheick Amidou Kane, il faut juste se demander si ce que l’on gagnerait à vouloir faire rendre gorge à Yahya Jammeh vaut mieux que la paix et la stabilité que ce pays et ce peuple perdraient, si l’ex-président prenait les armes pour s’éviter la peine capitale ou des condamnations à de lourdes peines de prison…

Un mot de la non-candidature de François Hollande…

Comme dit le chansonnier, il faut savoir quitter la table, lorsque l’amour est desservi. L’Histoire fera la part du bon et du moins bon dans son mandat. Peut-être, alors, sera-t-il quelque peu réhabilité. Partir avant d’être congédié est forcément une preuve de courage et de dignité.

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