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Économie

Liban: pourquoi les banques sont-elles prises pour cible par des manifestants?

La crise sociale s’envenime au Liban. Depuis quelques jours, les banques sont prises pour cible par des manifestants dans un contexte de restrictions draconiennes imposées sur les retraits financiers. Analyse de Samir Aita, économiste syrien, président du Cercle des économistes arabes.

La police anti-émeute libanaise passe devant la succursale d'une banque qui a été vandalisée par des manifestants anti-gouvernementaux dans la capitale Beyrouth dans la nuit du 16 janvier 2020.
La police anti-émeute libanaise passe devant la succursale d'une banque qui a été vandalisée par des manifestants anti-gouvernementaux dans la capitale Beyrouth dans la nuit du 16 janvier 2020. ANWAR AMRO / AFP
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RFI : Pourquoi les banques sont-elles ainsi attaquées au Liban ?

Samir Aita : Les banques ont appliqué en toute illégalité une procédure où les gens ne peuvent pas retirer leur argent. Ce qui équivaut à une déclaration de faillite des banques. Les autorités disent : ça ne nous regarde pas. Et les gens sont limités à prendre, suivant leur banque, entre 200 et 400 dollars par semaine alors qu’ils ont leurs avoirs et qu’ils ont beaucoup de dépôts en dollars dans les banques. De plus, le taux de change du dollar est passé de 1 500 à 3 000 livres par dollar. C’est une situation où les gens paniquent sur la valeur de leurs avoirs et sur la façon dont ils vont pouvoir vivre avec des biens ou de l’argent qu’ils possèdent et que les banques refusent de leur donner.

Que peuvent faire les Libanais qui se sentent trahis ?

D’un point de vue légal, normalement vous pouvez aller chez un juge et, si la banque ne vous délivre pas votre argent, déclarer la faillite de la banque. Mais aucun juge n’essaie ou n’ose le faire parce que les autorités judiciaires au Liban ne sont pas indépendantes. Ce sont les gens normaux qui paient la crise financière au Liban alors qu’ils entendent des bruits ou informations à travers les médias et réseaux sociaux selon lesquels les grands déposants qui constituent 70% des dépôts libanais arrivent à retirer leur argent et à le faire fuir en Suisse ou ailleurs.

Quelles peuvent être les conséquences pour l’économie libanaise à partir du moment où les gens ne peuvent pas retirer d’argent et donc ne peuvent plus consommer ?

C’est une chute de l’activité économique et donc une perte de Produit intérieur brut (PIB) dont on ne connaît pas l’amplitude. Ça dure depuis le mois d’octobre. Mais au-delà de ça, c’est la faillite du système bancaire que les autorités à la fois de la Banque centrale et du gouvernement n’arrivent pas à gérer. On sait que certaines banques sont à la limite de la faillite ou techniquement en faillite, ce que le système économique libanais ne peut pas supporter. Il y a beaucoup de banques au Liban, ils voulaient faire des fusions pour pouvoir absorber les déficits, mais rien n’est fait. On reste avec un système complètement illégal. On mange l’épargne des petits épargnants ou même les salaires des gens qui n’arrivent pas à retirer.

Peut-il y avoir des conséquences plus régionales dues à cette crise sociale et financière au Liban ?

Oui, il y a une conséquence très immédiate sur la Syrie. On estime qu’un tiers des dépôts dans des banques libanaises sont des dépôts syriens. En Syrie, il y a les sanctions américaines. Le Liban était le seul poumon à travers lequel les Syriens et même des agences de l’ONU achetaient les biens de première nécessité. Or aujourd’hui, les importations des Syriens et les aides que donnent les Nations unies sont quasiment à l’arrêt. Cette situation signifie que les Libanais vont se serrer la ceinture, mais il risque aussi d’y avoir une famine en Syrie à cause de ça.

Propos recueillis par Bruno Faure

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