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Cinéma / Lettonie

«Oleg», le drame européen d’un garçon boucher letton

Un Letton sans-papiers, un « alien », travaille dans une usine de viande en Belgique et tombe dans les mains d’un mafieux polonais. Avec « Oleg », le cinéaste letton Juris Kursietis raconte une histoire profondément européenne, où les grands espoirs et la descente en enfer s’entrechoquent. Des images percutantes sorties d’une réalité terrifiante.

Valentin Novopolskij dans « Oleg » du réalisateur letton Juris Kursietis qui sort mercredi 30 octobre dans les salles en France.
Valentin Novopolskij dans « Oleg » du réalisateur letton Juris Kursietis qui sort mercredi 30 octobre dans les salles en France. © Arizona
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Pour une fois, le migrant à l’écran ne vient pas d’Afrique, d’Asie ou de l’Orient, il vient de l’Europe elle-même. Il ne prend pas la pirogue, ne marche pas des centaines de kilomètres, mais embarque tout simplement à bord d’un avion pour tenter d’échapper à la misère et aux dettes accumulées dans son pays, la Lettonie.

Quand l’Europe devient une usine de viande

Comment créer des images au cinéma sans abîmer la vérité de la terreur ? Pour raconter son histoire dans l’Europe aujourd’hui, Juris Kursietis, 36 ans, alterne des images métaphoriques, voire bibliques, et de longues séquences ultra-réalistes. Oleg, son antihéros, se retrouve tour à tour sous la glace d’un lac gelé entouré de forêts enneigées, transformé en agneau sacrificiel et jeté comme un ouvrier gladiateur dans l’arène d’une usine de viande près de Bruxelles.

Basé sur des faits réels et loin d’être anecdotiques, le destin d’Oleg bascule quand il part de Riga pour travailler comme garçon boucher à Bruxelles. L’usine de viande devient vite une métaphore pour sa condition inhumaine, privée de tout droit et de toute citoyenneté européenne véritable. Il fait partie des « aliens », ces citoyens non-citoyens fabriqués en Lettonie à l’époque soviétique quand des étrangers sont venus travailler sans devenir des citoyens à part entière.

À lire aussi : notre webdoc « Les Aliens de Lettonie »

Un passeport d’« alien »

Oleg atterrit donc avec son passeport d’« alien » à Bruxelles. Très vite, il s’aperçoit de devenir à son tour une marchandise coupée en tranches selon les règles du marché. Quand un collègue l’accuse à tort de l’avoir blessé, il perd son job. Le piège se ferme. Oleg sera la proie d’un mafieux polonais, condamné à devenir un esclave moderne dans une société aux libertés et aux droits à géométrie variable.

La mise en scène frappe par son réalisme impressionnant, incarné par le jeu incroyablement intuitif de Valentin Novopolskij, encore renforcé par le format d’image carré utilisé et les gros plans sur l’acteur. La façon de filmer l’enfermement psychique et physique d’Oleg fait penser à la minutie cinématographique d’unKen Loach et à la manière desfrères Dardennes de restituer sans faille la pression et la défaillance sociale. Juris Kursietis filme caméra à l’épaule. Sans distance et sans filtre, il nous met face au désarroi de l’homme, à la lumière blanchâtre de l’abattoir, à l’ambiance bleutée des univers parallèles.

« Je suis un éternel étranger »

Oleg, qui vient de remporter le Grand prix du Festival du film d’Europe centrale et orientale (CinEast) au Luxembourg, est une histoire européenne venue de Lettonie, petit pays baltique de 2 millions d’habitants, État membre de l’Union européenne depuis 2004. Après les enquêtes de Kursietis à Bruxelles sur des Lettons employés dans des usines de viande en Belgique et exploités par des mafieux polonais, l’Institut du film polonais a finalement refusé de cofinancer le film. En réalisant Oleg, cette fresque sur le thème de l’éternel étranger, le cinéaste letton nous inflige avec son deuxième long métrage une leçon cinématographique et citoyenne sur une réalité volontairement cachée de nos sociétés européennes. Lui, il se contente de montrer cette tour de Babel sociale (une sorte de réactualisation de Metropolis de Fritz Lang). À nous de décider, entre fléchir, réfléchir et agir.

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