Hassane Kouyaté: «Les Francophonies à Limoges étaient un choc positif pour moi»
Un nouveau nom, un nouveau lieu, un nouveau directeur… Le Festival « Francophonies en Limousin », l’un des événements artistiques majeurs de la francophonie, ouvre ce mercredi 25 septembre ses portes à Limoges, en France, avec une nouvelle identité : « Les Zébrures d’automne ». Entretien avec Hassane Kassi Kouyaté, 55 ans, auteur, acteur, conteur et metteur en scène burkinabè, désormais à la tête des « Francophonies – des écritures à la scène », l’institution nommée pôle de référence nationale pour la francophonie.
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RFI : Rituels vagabonds, la création participative de la chorégraphe martiniquaise Josiane Antourel ouvre le Festival Les Zébrures d’automne. Est-ce que cela signifie un nouveau rôle pour le public ?
Hassane Kassi Kouyaté : Oui. Pour moi, chaque Festival Les Zébrures d’automne commencera par un spectacle participatif, commandé à un créateur. Il travaillera avec les associations de la ville, du département, de la région, et des amateurs. Pour créer un spectacle qui fédère les âges et les publics différents.
Pour la première fois dans l’histoire de ce festival, il ne s’appelle plus Les Francophonies en Limousin, mais Les Zébrures d’automne. Quelle est votre priorité dans ce changement ?
Il était important pour moi de faire deux festivals : Les Zébrures d’automne, dédié essentiellement à la création de spectacles sur scène, et Les Zébrures du printemps mettant un accent sur les auteurs et les écritures théâtrales et les autres écritures. Le projet dans son ensemble s’appelle maintenant Les Francophonies, pour parler de la pluralité des francophonies, et Des écritures à la scène pour mettre en avant tout le processus.
Vous êtes le nouveau directeur de cette manifestation majeure de la francophonie. Souvenez-vous encore de votre première venue à Limoges en tant qu’artiste ?
Je suis venu la première fois en 1986. Il se trouve que mes parents étaient comédiens et metteurs en scène [son père Sotigui Kouyaté était l’acteur fétiche de Peter Brook, ndlr]. Il y avait un spectacle de mon père que j’ai accompagné. En 1987, je suis revenu en tant que conteur avec mon propre spectacle. Après, je suis revenu à Limoges plus de vingt fois en tant qu’artiste.
Le premier voyage ici était un choc pour moi, un choc positif. Un choc déterminant pour le reste de ma carrière. Moi, qui venais du Burkina Faso, c’est à Limoges que j’ai rencontré pour la première fois des Congolais, des Québécois, des Suisses-Romands, des Belges, des Camerounais… Au Burkina, je ne les avais jamais rencontrés auparavant. C’est là aussi que j’ai entendu parler du monde autrement, avec d’autres fenêtres et d’autres points de vue. Cela a été déterminant pour continuer mon travail dans l’art et la culture.
Les Francophonies ont changé de nom, mais aussi de statut. Dorénavant, c’est un pôle de référence nationale pour les artistes francophones en France. Quelle sorte de francophonie allez-vous défendre et créer ?
Ce qui nous intéresse ici, c’est de nous ouvrir à toute personne qui pense et crée à partir de la langue française et de la culture française. C’est aussi un endroit où l’on met en évidence les autres langues. On parle de francophonie, parce qu’on parle d’autres langues, pas seulement de la langue française. Il ne s’agit pas de tenir seulement compte des États qui sont membre de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ou des Etats qui ont un passé colonial avec la France, mais de mettre l’accent sur les êtres humains qui créent à partir de la langue française et la culture française.
Vous êtes vous-même un artiste multiforme : conteur, auteur, musicien, danseur, metteur en scène. Pour la première fois, on découvrira dans le festival du cinéma, mais toujours pas les arts numériques. Quelle est la forme artistique que vous allez mettre en avant dans les Zébrures d’automne ?
Le théâtre demeure notre cœur de métier. Le théâtre fait 60% du programmé, les autres disciplines 40%. Il était important pour nous de nous ouvrir au cinéma, parce que l’écriture du documentaire est une écriture en pleine mutation, en plein mouvement. Le numérique n’est pas non plus en reste du projet, cela va dépendre des propositions. Aujourd’hui, avec les ponts entre les différentes disciplines, il n’y a plus de dichotomie au niveau de la création. Dans beaucoup de créations, on trouve plusieurs types d’expression. Ce qui nous intéresse : quelles sont les expressions innovatrices et pertinentes pouvant apporter quelque chose aux débats culturel, artistique, philosophique, historique et politique.
En tant que fondateur de festivals, mais aussi en tant qu’acteur et metteur en scène, vous avez un pied en France, l’autre en Afrique. Dans la programmation, on trouve des artistes du Bénin, du Sénégal, du Burkina Faso, du Congo, du Gabon, du Cameroun... Quelle est votre vision pour la collaboration avec les pays et les artistes africains ?
J’ai eu la chance de connaître beaucoup d’artistes de plusieurs générations. Mon objectif est d’abord que cette francophonie ne soit pas exclusivement une francophonie africaine, puisqu’elle est plurielle. Avec l’Afrique, je vais travailler davantage avec les autres opérateurs culturels qui sont implantés sur les différents territoires africains et voir avec eux comment on peut développer des projets à court, moyen et long termes. Je ne cherche pas de projets feu de paille, mais je souhaite aider à l’émergence et à l’accompagnement de nouveaux artistes francophones.
Selon vous, la Saison Africa 2020, avec son intitulé en anglais, que va-t-elle apporter pour la francophonie ?
A Limoges, depuis la création des Francophonies, sous tous les directeurs et directrices du festival, l’Afrique a été toujours bien présente et souvent au cœur de la programmation. Donc, ce n’est pas quelque chose d’extraordinaire pour nous [de mettre l’accent sur la création africaine, ndlr], mais on doit faire en sorte qu’elle le soit. Qu’on amène encore l’éclairage sur la création contemporaine africaine. Qu’on mette un accent sur les nouveaux créateurs en Afrique, mais surtout sur les collaborations avec les structures et les opérateurs culturels en Afrique. Il faut que la Saison Africa 2020 serve aussi à éclairer les gens qui ne connaissent pas cette création.
On est 30 ans après Les Magiciens de la Terre, une exposition qui a changé la donne dans le domaine de l’art, en particulier pour la création en Afrique, mais aussi en Occident. Y a-t-il eu aussi des effets dans le domaine du théâtre suite aux Magiciens de la Terre ?
Selon moi, oui, mais pas assez à mon goût. J’espère que la Saison Africa 2020 soit le lieu où l’on découvrira des créations majeures qui vont marquer l’histoire du théâtre africain, mais aussi le théâtre partout dans le monde.
Cette semaine, tout le monde parle du changement climatique. Quel est le rôle du théâtre dans ce combat pour le climat ?
Je pense que le théâtre doit être une place publique où les questions qui nous concernent doivent être abordées. Donc, le théâtre ne peut pas faire fi aujourd’hui de ces questions essentielles pour notre survie.
► Les Francophonies – Des écritures à la scène, Les Zébrures d’automne, du 25 septembre au 6 octobre 2019, à Limoges, France
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