Accéder au contenu principal
Culture / Islam

«La nuit», vue à travers l’œil de la culture musulmane

« L’Œil et la nuit », l’exposition à titre prometteur s’ouvre ce jeudi 19 septembre à l’Institut des cultures d’islam (ICI), à Paris. « La nuit, avant d'être un motif, est une expérience réelle, corporelle, sensorielle », clame Géraldine Bloch, la commissaire de ce tour d'horizon. Elle propose des œuvres de dix-huit artistes de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique. Avec leur œil de peintre, de photographe, de sculpteur ou de poète, ils éclaircissent nos esprits autour des expériences nocturnes. Entretien.

Avec «Bouraq», l’artiste tunisien Mourad Salem revisite l’Isra, le voyage visionnaire et merveilleux entre La Mecque et Jérusalem. « L’œil et la nuit », à l’Institut des cultures d’islam.
Avec «Bouraq», l’artiste tunisien Mourad Salem revisite l’Isra, le voyage visionnaire et merveilleux entre La Mecque et Jérusalem. « L’œil et la nuit », à l’Institut des cultures d’islam. Siegfried Forster / RFI
Publicité

RFI : Quelle est la particularité dans cette relation entre l’islam et la nuit ?

Géraldine Bloch : On pourrait commencer par une chose toute simple, le prénom féminin Leïla. C’est un des prénoms qu’on entend le plus souvent dans le monde arabe et dans les autres pays musulmans. Et Leïla signifie « la nuit ». En France, personne s’appelle « la nuit ». Donc, l’idée est partie de là. Puis, il y avait la question de la place de la nuit dans le Coran. Un épisode absolument majeur du Coran, c’est la révélation du message divin au prophète qui s’est réalisée dans une nuit absolument incroyable, merveilleuse, lors d’un voyage nocturne et céleste, l’Isra. L’idée était d’ancrer L’œil et la nuit dans cette question : qu’est-ce qu’on voit la nuit quand il n’y a rien à voir ?

Vue de la photographie « Je voudrais te parler de la peur », issue de la série de l’artiste française Mouna Saboni qui parle des blessures infligées aux femmes rencontrées en Egypte. Dans l'exposition « L’œil et la nuit », à l’Institut des cultures d’islam
Vue de la photographie « Je voudrais te parler de la peur », issue de la série de l’artiste française Mouna Saboni qui parle des blessures infligées aux femmes rencontrées en Egypte. Dans l'exposition « L’œil et la nuit », à l’Institut des cultures d’islam © Siegfried Forster / RFI

En quoi le regard de ces artistes d’origine musulmane exposés ici est-il différent du regard d’autres artistes ?

Dans l’exposition, il y a certains artistes qui n’ont aucune connexion directe avec l’islam, ils ne sont pas musulmans, mais – en tant qu’artiste et au-delà de l’Islam – tous ont un rapport particulier à la nuit. Ensuite, il y a un background culturel musulman sur la question, qu’on soit musulman ou pas. Cette importance de la lune dans l’islam, de ce qu’on appelle « la nuit des doutes ». C’est une des nuits fondatrices où chaque croyant est invité à trouver lui-même l’apparition du croissant de lune montante pour savoir si c’est le début du ramadan ou la clôture du ramadan.

Ce sont aussi des civilisations où l’on vit la nuit. La nuit, avant d'être un motif, est une expérience réelle, corporelle, sensorielle, une synesthésie. Cela me semble encore plus fort dans l’islam que dans les autres civilisations, parce que c’est vraiment une expérience collective.

« Sufic Triptych II » de l’artiste égyptien Armen Agop et « It’s always night or we wouldn’t need light 33°37’90N, 44°31’74E (Ibn Muqla) de l’artiste allemand Timo Nasseri dans l’exposition « L’œil et la nuit », à l’Institut des cultures d’islam.
« Sufic Triptych II » de l’artiste égyptien Armen Agop et « It’s always night or we wouldn’t need light 33°37’90N, 44°31’74E (Ibn Muqla) de l’artiste allemand Timo Nasseri dans l’exposition « L’œil et la nuit », à l’Institut des cultures d’islam. © Siegfried Forster / RFI

Côté Orient, on connaît Les Mille et Une Nuits, côté Occident, on connaît le clair-obscur de Rembrandt. Dans les cultures d’islam, quelle est pour vous l’invention artistique majeure en relation avec la nuit ?

Pour moi, elle serait plutôt d’ordre littéraire. Quand on pense, par exemple, à la poésie et la langue arabe, le champ sémantique de la nuit est absolument incroyable, beaucoup plus large que chez nous. On a aussi l’exemple avec la vidéo d’Anri Sala, Lak Kat (« la langue maternelle »), qui ne parle pas de la nuit, mais de la manière dont on dit [en wolof, NDLR] le mot « noir », ou comment on décrit l’obscurité et ces phénomènes visuels du sombre et du clair. Donc, c’est intéressant de voir comment la nuit est traversée, à chaque instant, par un champ politique, un champ historique... Je voulais un rapport très physique aux choses, un peu intime, qu’on puisse à travers cette expo se souvenir de tous ces petits sentiments intérieurs que crée la nuit. Du pire au meilleur.

Dans sa série « Moongold », l’artiste libanaise Stéphanie Saadé capte la Lune avec son téléphone portable et cache et rehausse la Lune dans ses images avec des feuilles d’or.
Dans sa série « Moongold », l’artiste libanaise Stéphanie Saadé capte la Lune avec son téléphone portable et cache et rehausse la Lune dans ses images avec des feuilles d’or. © Siegfried Forster / RFI

► L’Œil et la nuit, exposition à l’Institut des cultures d’islam (ICI), Paris, du 19 septembre 2019 au 9 février 2020.

► L’ICI accompagne l’exposition avec une programmation très riche explorant la nuit en croisant les disciplines : concerts, conférences, littérature, poésie, cinéma, ateliers…

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.