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France / Culture

Festival Cinélatino: Toulouse, une fenêtre aussi sur l'Espagne

Le festival Cinélatino, qui a déployé les ailes de sa 31e édition sur Toulouse, a rendu aussi hommage aux réfugiés et exilés de la guerre civile espagnole (1936-1939). En février 1939, ils étaient un demi-million à fuir l'avancée des troupes de Franco et à chercher refuge au nord des Pyrénées. Toulouse et sa région ont accueilli nombre de ces familles qui, la dictature de Franco s'éternisant, ont pris racine. En partenariat avec l'Institut Cervantès de Toulouse était organisée une soirée en hommage aux vaincus de la Retirada avec la projection du film En el balcón vacio de 1961, racontant l'exil, d'abord en France puis au Mexique d'une famille espagnole. Dans la salle, l'émotion, quatre-vingts ans plus tard, était palpable.

Cette anthologie du poète Antonio Machado a été éditée en 1948 à Toulouse par la maison d'édition La novela española. Elle appartient au Fonds de l'exil de l'Institut Cervantès de Toulouse et est actuellement exposée au musée des Abattoirs.
Cette anthologie du poète Antonio Machado a été éditée en 1948 à Toulouse par la maison d'édition La novela española. Elle appartient au Fonds de l'exil de l'Institut Cervantès de Toulouse et est actuellement exposée au musée des Abattoirs. RFI/Isabelle Le Gonidec
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De notre envoyée spéciale à Toulouse,

Film mexicain en noir et blanc, En el balcón vacio de Jomí García Ascot a été filmé entièrement à Mexico, y compris les séquences censées se dérouler à Madrid ou Paris. La petite Gabriela y raconte la fin de la guerre et l'exil avec sa mère et sa sœur, mêlant ses souvenirs, ses émotions et ses peurs. Très influencé dans l'esthétique et la narration par Cléo de 5 à 7 d'Agnès Varda et la Nouvelle Vague, le film est porté par la petite Nuri Pereña qui rappelle curieusement la jeune Ana Torrent dans L'esprit de la ruche, de Victor Erice (1977). Le centre culturel Cervantès possède une copie de ce film rarement diffusé.

De la communauté espagnole de Toulouse aux festivals Cinespaña et Cinélatino, les passerelles sont nombreuses, d'autant que c'est en partie grâce aux gènes hispaniques de Toulouse - l'Occitanie partage des siècles d'histoire avec l'Espagne - que ces deux rendez-vous existent. La cinémathèque de Toulouse, qui accueille nombre des projections du festival Cinélatino qui s'est ouvert ce week-end, fut d'ailleurs un centre d'accueil des réfugiés espagnols en 1939 et le siège du Parti socialiste ouvrier espagnol en exil, nous raconte Juan Pedro de Basterrechea, le directeur de l'Institut Cervantès. Et parmi les fondateurs de l'association à l'origine du festival Cinélatino, figurent des descendants d'Espagnols qui durent fuir l'Espagne franquiste. Aussi était-il naturel que le festival s'associe au travail de mémoire entrepris par l'Institut Cervantès de Toulouse autour de la Retirada.

« Les presses de la patrie perdue »

Edité à Toulouse en 1948, ce livre consacré à la liberté sexuelle des femmes a été écrit par l'éducateur et militant libertaire argentin Julio Barcos.
Edité à Toulouse en 1948, ce livre consacré à la liberté sexuelle des femmes a été écrit par l'éducateur et militant libertaire argentin Julio Barcos. RFI/Isabelle Le Gonidec

L'institut culturel organise tout au long de cette année expositions, rencontres et spectacles. Il y a eu un temps fort fin février, lors des journées commémoratives de l'exil des Espagnols après la chute de Barcelone en janvier 1939 - à cette occasion, le chef du gouvernement Pedro Sanchez est venu en France sur les sites des camps d'Argelès et de Collioure et sur les tombes de Manuel Azaña et du poète Antonio Machado - mais d'autres rendez-vous sont proposés comme l'exposition « Imprentas de la patria perdida » (« Presses de la patrie perdue ») qui propose de découvrir la foisonnante production éditoriale de l'exil à Toulouse. Journaux, romans, poésies, livres éducatifs y compris sur la sexualité féminine... tous ces documents constituent le Fonds de l'exil de l'Institut Cervantès de Toulouse. Ils racontent l'impérieux besoin de ces exilés de préserver leur langue, leur culture mais aussi leurs idéaux politiques comme en témoignent les nombreuses publications émanant par exemple des groupes anarchistes, au point que l'on a qualifié Toulouse de « capitale de l'exil libertaire ».

La double tragédie des réfugiés espagnols

Des activités qui ont remporté un succès public qui a même étonné les responsables de l'Institut Cervantès, nous confient Juan Pedro de Basterrechea et Marie-Laure Cazeaux, en charge des activités culturelles de l'Institut. Certes, la génération adulte au moment de ces événements n'est plus, mais leurs enfants et descendants ont besoin de conserver cette mémoire et répondent présents à ces hommages. « L'histoire des exilés est doublement tragique », nous explique Juan Pedro de Basterrechea. Ils ont quitté l'Espagne dans des circonstances très dures, puis en France ils ont été happés dans le tourbillon de la Seconde Guerre mondiale, d'autant qu'ils « étaient étiquetés rouges, communistes » et en tant que tels suspects aux yeux de Vichy et des autorités d'occupation allemandes. Des exilés qui, nombreux dans la région, s'engageront dans la résistance.

L'intégration de l'Espagne franquiste dans le concert des Nations à la faveur de la guerre froide puis la mise sous le couvercle des crimes de la guerre civile et de la dictature lors du retour à la démocratie, ont été un nouveau drame. Les exilés s'attendaient à une reconnaissance de leurs souffrances et cette reconnaissance semble, enfin, en marche. Le voyage de Pedro Sanchez en France en témoigne ainsi que plusieurs initiatives comme l'exhumation des restes de Franco du Valle de los Caidos, près de Madrid. Un débat sur la mémoire historique qui s'invite aussi dans la campagne électorale pour les prochaines législatives en Espagne.

A lire aussi : «Le silence des autres, la justice contre l'oubli»: l'Espagne en son miroir

Garder des traces de cette histoire

Le travail de collecte mémorielle est multiple de ce côté-ci des Pyrénées. Le département de Haute-Garonne y participe et a lancé un appel pour collecter et numériser toutes les traces de cette mémoire.

Le magnifique musée des Abattoirs, qui accueille l'exposition « Presses de la patrie perdue », propose aussi un focus sur les artistes espagnols en exil. « Picasso et l'exil » explore l'influence du drame de l'Espagne et du déchirement de l'exil chez Picasso, engagé aux côtés des exilés espagnols, et d'autres artistes contemporains. On y découvre des œuvres de Remedios Varos qui termina sa vie au Mexique, de Juan Jorda et de beaucoup d'autres et des créations très contemporaines comme celles du plasticien et poète Serge Pey, né à Toulouse, fils d'un républicain espagnol emprisonné à Argelès.

Comme l'écrivait le poète Antonio Machado, mort d'épuisement à Collioure en février 1939, « el camino se hace al andar », « le chemin se fait en cheminant » ; une histoire toujours en marche donc.

A écouter aussi : 80 ans après la Retirada, la mémoire du camp d’Argelès-sur-Mer

► L'université Jean-Jaurès, l'Institut Cervantès et le département organisent à la fin de l'année un colloque sur le thème : « De l'exil républicain à la transition démocratique : bilan historiographique »

Les lèvres cousues de Miguel Hernandez, oeuvre de Serge Pey exposée au musée des Abattoirs de Toulouse, mars 2019 (le poète a été exécuté en mars 1942 à la prison d'Alicante)
Les lèvres cousues de Miguel Hernandez, oeuvre de Serge Pey exposée au musée des Abattoirs de Toulouse, mars 2019 (le poète a été exécuté en mars 1942 à la prison d'Alicante) RFI/Isabelle Le Gonidec

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