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Cinéma / Femmes

Alice Guy, la pionnière du septième art

Peu de monde la connaît et pourtant elle est pionnière dans son domaine. La Française Alice Guy est en 1896 la première femme réalisatrice de cinéma au monde. Ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, est l’occasion de revenir sur le parcours original à plus d’un titre de cette femme qui a évolué dans un monde essentiellement masculin.

Alice Guy.
Alice Guy. wikipedia.org
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S’il est difficile pour une femme de se faire une place au XXIe siècle dans le milieu cinématographique, imaginons ce que ce fut à la fin du XIXe siècle. Alice Guy est de celles qui, par volonté, courage mais aussi par passion, a marqué l’histoire du cinéma.

Une multiple pionnière

Les frères Lumière ont inventé le cinéma dit « documentaire », mais c’est Alice Guy qui a réalisé le premier film de fiction au monde, en 1896, La fée aux choux. Elle a alors 23 ans. Cette fiction d’une minute, tournée devant une toile peinte par un éventailliste, raconte l’histoire d’une jeune femme qui danse tout en attrapant des bébés dans un champ planté d’énormes choux.

Alice Guy est également la pionnière du cinéma parlant dès 1902 lorsqu’elle associe images animées et phonographe. Pour parvenir à ce succès, Alice Guy s’est battue à plus d’un titre. Entrée en tant que secrétaire au Comptoir général de la photographie, où Léon Gaumont (futur créateur des studios du même nom) est employé, elle est autorisée à travailler à sa passion de la photographie animée « à condition que ce soit en dehors de ses heures de travail ».

« Fille d’un éditeur, j’avais beaucoup lu, pas mal retenu. J’avais fait un peu de théâtre d’amateur, et je pensais qu’on pouvait faire mieux. M’armant de courage, je proposai timidement à Gaumont d’écrire une ou deux saynètes et de les faire jouer par des amis. Si on avait prévu le développement que prendrait l’affaire, je n’aurais jamais obtenu ce consentement. Ma jeunesse, mon inexpérience, mon sexe, tout conspirait contre moi », écrit-elle dans Autobiographie d’une pionnière du cinéma, 1873-1968 (éditions Denoël-Gonthier, 1976).

A coups de persévérance et d’endurance, la jeune femme originaire de Saint-Mandé en région parisienne, va enchaîner les succès dans tous les genres du cinéma.

Elle sera la première au monde à réaliser un péplum, La vie de Jésus Christ, un film de 38 minutes (une durée exceptionnelle à l’époque) où jouent plus de 300 figurants. Elle sera l’auteur de plus de 1 000 films, en France d’abord puis aux Etats-Unis où elle s’installe en 1907. Pionnière dans l’âme, bien avant l’explosion des studios hollywoodiens, Alice Guy crée la société de production Solax Film près de New York. Outre-Atlantique, elle s’attaque au genre du western et est la première à faire tourner des acteurs afro-américains (A fool and his money, 1912).

Une figure historique tombée dans l'oubli

Alice Guy est une pionnière à l’instar des frères Lumière ou de George Méliès et pourtant elle a été, selon ses propres mots, « effacée » du cinéma (d’autant que sa carrière a été bien plus longue que celle de ses confrères). « C’est assez incompréhensible, explique Jackie Buet, fondatrice et directrice du Festival international de films de femmes, sauf à l’analyser de façon politique et sociologique […] C’est même assez insupportable. »

En effet, pourquoi une femme qui a produit près d’un millier de films et qui a connu une carrière extraordinaire des deux côtés de l’Atlantique a été si vite oubliée ? En France, son pays natal, les hommages sont quasi-inexistants jusqu’en 1957 où elle est honorée à la Cinémathèque française. Aux Etats-Unis, un hommage lui est rendu grâce au film Be Naturel en 2018 (co-produit par Robert Redford). « Etre naturel », tel était le crédo d’Alice Guy envers ses acteurs à qui elle demandait de ne pas se maquiller ni d’apprendre leur texte par cœur.

La cinéaste hors pair est ainsi oubliée dans le milieu du cinéma contemporain et rares sont ceux qui connaissent son nom. Nombre de ses films produits en France sont même attribués à d’autres cinéastes, masculins.

Le cinéma, définitivement machiste ?

Pour que cette femme ne tombe définitivement pas dans l’oubli, un prix Alice Guy a été créé en 2018 à l’initiative de la journaliste Véronique Le Bris. Cette dernière a eu envie, par rapport aux Césars français où les femmes sont très rarement honorées en termes de réalisation, de mettre les femmes sur le devant de la scène. Au Festival de Cannes, une femme seulement a décroché la Palme d’or en soixante-dix ans…

Si le milieu du cinéma est aujourd’hui plus féminin qu’autrefois, c’est un milieu « qui reste très macho, qui est très patriarcal », estime Jackie Buet. « Les hommes ne sont prêts ni à partager l’espace, ni à partager les budgets, ni à être concurrents sur les projets […] Les hommes ne veulent pas perdre leurs privilèges. »

Et en matière de sexe et de partage des rôles, Alice Guy ne semble pourtant pas défendre les idées féministes, bien au contraire. En 1906, elle réalise un film au titre évocateur : Les résultats du féminisme, une histoire hilarante dans laquelle les hommes prennent la place des femmes et inversement. Les mâles sont efféminés, parsèment leurs cheveux avec des fleurs, font le ménage, etc. pendant que dans un bar, les femmes boivent, fument et séduisent. Il faut attendre la fin du film avant que chacun « retrouve » sa place.

Alice Guy, surnommée « la charmante petite dame française » aux Etats-Unis, rentrera en France après la faillite de sa société de production en 1922. Elle ne parviendra pas à renouer avec le succès cinématographique. En 1958, la multiple pionnière du cinéma reçoit de la Légion d’honneur, dix ans avant son décès en 1968 dans le New Jersey.

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