Accéder au contenu principal
Littérature

Roald Amundsen, l'homme qui survola le pôle Nord en dirigeable

Le 22 septembre dernier, pour la première fois de l'Histoire, un porte-conteneur relie Vladivostok à Saint-Pétersbourg par la route du Nord-Est. Il met ainsi à profit le rétrécissement inquiétant de l'océan Arctique depuis un demi-siècle pour ouvrir une nouvelle route maritime de 5 000 kilomètres plus courte que le passage traditionnel par le canal de Suez. Alors que la conquête du Grand Nord se poursuit, le récit de l'expédition légendaire de Roald Amundsen est réédité en français.

Photo non datée de l'explorateur Roald Amundsen. Date possible: 1912 ou avant.
Photo non datée de l'explorateur Roald Amundsen. Date possible: 1912 ou avant. Wikimedia Commons/Public domain
Publicité

Dans la chaotique et meurtrière aventure de la conquête des pôles, la figure du Norvégien Roald Amundsen demeure sans doute la plus fascinante. Il n'a que 26 ans lorsqu'en 1898, il s'engage comme second lieutenant pour sa première expédition polaire, à bord d'un navire belge qui entreprend de passer l'hiver entier en Antarctique. Il restera 13 mois sur la banquise avec les 18 autres membres d'équipage. Parmi eux se trouve un certain Frederick Cook, médecin et photographe, qui tire de ce voyage nombre d'images exceptionnelles. Dix ans plus tard, celui-ci sera le premier à prétendre avoir atteint le pôle Nord. Son titre est contesté par son rival de toujours, Robert Peary, qui revendique à son tour cet exploit l’année suivante. En réalité, l’un et l’autre ne s’en seraient qu’approchés.

Du pôle Sud au pôle Nord, l'homme de tous les exploits

A cette époque, Roald Amundsen a déjà inscrit son nom dans l'histoire, en étant le premier, en 1905, à avoir franchi le passage du Nord-Ouest, reliant l'Atlantique au Pacifique par voie maritime à travers le Grand Nord canadien. En 1911, croyant que la conquête du pôle Nord est déjà réalisée, il ambitionne d'atteindre le pôle Sud. Son expédition y parvient en décembre, onze mois jour pour jour après son départ de la baie des Baleines. Sept ans plus tard, il part franchir le passage du Nord-Est au nord de la Russie, renouvelant l'exploit du baron finlandais Nordensköld, réalisé 40 ans plus tôt. Peu avant de partir, il a passé son brevet de pilote. Son obsession est dès lors d'atteindre le pôle Nord par les airs.

Ses premières tentatives confinent au désastre : si son premier avion s'écrase quelques jours avant le grand départ, une deuxième expédition, menée cette fois sur deux hydravions, manque de le voir disparaître à tout jamais après un double atterrissage forcé. Le retour miraculeux des six membres de l'expédition sur l'un des deux appareils transforme l'échec en légende. Un an plus tard, en 1926, il emmène deux des survivants de la précédente tentative, ainsi qu'Oscar Witting, l'homme qui a planté le drapeau norvégien au pôle Sud lors de l'expédition de 1911, dans une nouvelle aventure. Avec eux, il y a surtout un ingénieur aéronautique italien, Umberto Nobile, qui a conçu un dirigeable capable d’affronter le monde arctique. L'équipage complet s'élève à seize personnes. Tous les mécaniciens sont italiens.

C'est ce pari fou qui est retracé dans le livre réédité par les éditions Interfolio. Si l'on regrette l'absence de toute mention de l'édition originale - publiée en norvégien en 1926 - comme celle du traducteur et compilateur Charles Rabot qui avait établi la première édition française du livre en 1927, on saluera le beau travail iconographique réalisé en ouverture de l'ouvrage. L'introduction se limite à énumérer quelques événements importants de l'année 1926 sans contextualiser l'expédition ni donner d'éléments biographiques sur les protagonistes. Nous sommes donc en présence d'un document brut, dont l’approche pourra sembler ardue à un lecteur ignorant de l'histoire de la conquête des pôles.

Umberto Nobile, l'ingénieur italien oublié

Si Roald Amundsen est présenté en couverture comme l'auteur du livre, le chapitrage révèle en fait des contributions multiples de différents membres de l'expédition, à l'exception notable de l'ingénieur Umberto Nobile et de ses mécaniciens, pourtant largement responsables de la réussite de l'aventure. Le dirigeable Norge [1] est long de 106 mètres et large de 25. Sa force ascensionnelle totale est de 10 tonnes, dont 7 tonnes d'essence, son rayon d'action de 5 200 kilomètres à une vitesse de croisière de 80 km/heure. Son armature semi-rigide lui assure une meilleure résistance aux intempéries.

Le dirigeable s'envole de l'aérodrome de Ciampino, près de Rome, le 10 avril au matin. La veille, Mussolini en personne est venu porter ses encouragements. Le neveu d'Amundsen, membre de l'expédition, ne tarit pas d'éloges sur cet « homme d’action ». L’expédition arrive à Spitzberg le 7 mai, une île norvégienne au nord-est du Groenland, bordée au nord par l’océan Arctique. Il atterrit sur l’aérodrome que les ouvriers viennent d’achever, après six mois de travaux. La traversée de l’Arctique commence le 11 mai au matin. Elle s’achève deux jours plus tard, après que les drapeaux norvégiens, américains et italiens aient été lancés par-dessus bord à l’emplacement exact du pôle, le 12 mai 1926, à 1h26. Près de 4 000 kilomètres ont été parcourus entre Spitzberg et l’Alaska.

Deux ans plus tard, Umberto Nobile se lance dans une nouvelle expédition à bord du dirigeable l’Italia. Son projet n’est plus seulement de survoler, mais d’atterrir et d’être ainsi le premier homme à avoir posé pied sur le pôle Nord. L’expédition échoue et le dirigeable s’écrase sur le chemin du retour. Nobile et une partie de l’équipage sont projetés au sol avant que le dirigeable ne redécolle avec les autres membres, qui disparaissent à tout jamais. Nobile et les autres naufragés sont sauvés par un pilote suédois, tandis qu’Admunsen décède dans un hydravion venu leur porter secours. Accusé à tort d’avoir abandonné son équipage, Umberto Nobile tombe en disgrâce et passe aux Soviétiques en 1931. Il revient en Italie en 1943 et entame une carrière politique comme proche du Parti communiste italien. Il a écrit plusieurs ouvrages autour de ses deux expéditions polaires, dont deux ont été traduits en français.

Roald Amundsen et ses collaborateurs, Au-dessus du pôle Nord en dirigeable, Récit de l’expédition du Norge, 1926, Interfolio (parution octobre 2018)

Couverture du livre de Roald Amundsen et ses collaborateurs: «Au-dessus du Pôle Nord en dirigeable, Récit de l’expédition du Norge, 1926».
Couverture du livre de Roald Amundsen et ses collaborateurs: «Au-dessus du Pôle Nord en dirigeable, Récit de l’expédition du Norge, 1926». © Editions Interfolio

[1] Le nom de la Norvège en norvégien.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.