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Cinéma/Espagne

Festival de cinéma de San Sebastián: «Entre dos aguas», le temps des gitans

Entre dos aguas, « Entre deux eaux », c'est le titre du dernier long-métrage du Catalan Isaki Lacuesta, filmé dans le quartier gitan de San Vicente, à Cadix. Entre documentaire et fiction, on retrouve deux frères que le réalisateur avait déjà filmés en 2006, alors adolescents, dans La leyenda del tiempo. Entre dos aguas est présenté en compétition officielle au Festival international du film de San Sebastián.

Cheito et Israël: les retrouvailles dans la vraie vie et à l'écran des deux frères filmés par le Catalan Isaki Lacuesta, déjà primé à San Sebastián en 2011 pour «Los pasos dobles».
Cheito et Israël: les retrouvailles dans la vraie vie et à l'écran des deux frères filmés par le Catalan Isaki Lacuesta, déjà primé à San Sebastián en 2011 pour «Los pasos dobles». www.sansebastianfestival.com
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De notre envoyée spéciale à San Sebastián,

Nous sommes au cœur du monde gitan, de sa langue, de sa culture et bien sûr de sa musique. Au cœur d'un monde où la famille est tout, où l'on porte gravées sur la peau ses peines et ses joies, où les galères d'argent et de boulot sont plus pressantes que dans les autres mondes. On (re)trouve deux frères : Cheito, marin à bord d'un navire de guerre, en permission, et Israël, qui sort de quelques années de prison pour trafic de drogue. Tous deux sont pères de famille mais Israël a du mal à retrouver sa place au sein de la sienne. Il doit d'abord faire la preuve qu'il rentre dans le droit chemin et pouvoir subvenir aux besoins de ses trois petites filles.

Filmer le temps qui passe

La caméra suit de façon documentaire les retrouvailles des deux frères, leurs jeux et leurs bains, leurs virées avec les potes, leurs discussions. Sur le fil ténu entre fiction et documentaire, un va-et-vient constant entre un scénario (puisque nous avons deux personnages principaux et des personnages secondaires et un fil narratif) et la part d'improvisation que suppose de filmer la vie quotidienne de non comédiens, avec leurs enfants, leur langue aussi, dans leur univers.

Il s'agit de filmer le moment présent mais aussi de raconter le temps qui passe. Les séquences du film antérieur, de 2006 - dans lequel les garçons sont adolescents -, viennent éclairer certains choix ou partis pris du présent comme la tragique mort du père qui continue à hanter les deux frères au point que le plus jeune, Israël, se fait graver sur le dos une tête du mort. Quand la peau devient le parchemin de sa propre histoire. Ou encore quand on revoit Israël enfant répondre à la question « que veux-tu faire plus tard ? » ; « policier », répond la gamin. Mais a-t-on vu un gitan devenir policier ? se moque son interlocuteur.

Caméra invisible

Le réalisateur Isaki Lacuesta avec Israël pendant le tournage du film "Entre dos aguas" présenté en compétition officielle au festival de San Sebastian.
Le réalisateur Isaki Lacuesta avec Israël pendant le tournage du film "Entre dos aguas" présenté en compétition officielle au festival de San Sebastian. www.sansebastianfestival.com

La caméra se fait complètement oublier, fruit sans doute de son empathie, des liens que le cinéaste a noué avec cette famille. Dès le premier film, La Leyenda del tiempo, le seul d'Isaki Lacuesta qui soit sorti en France, le réalisateur avait le projet de travailler avec cette famille sur la durée. Une familiarité qui lui permet d'être présent, aux côtés d'Israël, dans la salle d'accouchement où sa compagne met au monde leur troisième petite fille. Manuela que l'on retrouve lors de ses retrouvailles avec son père tout juste sorti de prison. La caméra filme aussi les doutes et les larmes d'Israël qui ne sait comment revenir dans le droit chemin et nourrir sa famille et cherche refuge dans la foi. Elle ne craint pas les redites et les répétitions, parce que la vie aussi parfois bégaie.

Entre dos aguas, c'est aussi une rumba flamenca composée par Paco de Lucia dans les années 1970. Un de ses plus grands succès. La musique flamenca, composée pour le film par Kiko Veneno, ponctue superbement les moments forts du film, leur donnant une dimension non pas folklorique mais tragique. Le chant, les guitares donnent une profondeur à la lumière crue de l'été, une force aux jeux des enfants dans l'eau, une couleur à la vase de l'estuaire où des malheureux s'échinent à ramasser des coques et petits crabes verts pour nourrir leur famille.

C'est un monde pauvre et dur où, malgré le large horizon, le futur se dérobe à moins de s'engager dans l'armée comme Cheito pour parcourir les mers, des Seychelles à Dubaï, à pourchasser au large de la Somalie des pirates qui sont des « pauvres crève-la-faim » comme eux. Entre deux eaux comme l'île de San Vicente et la topographie si particulière de Cadix, entre ciel et mer, entre deux frères, entre deux choix de vie, entre fiction et documentaire : on espère retrouver Isra et Cheito dans un nouveau temps des gitans.

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