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«Être multiple-s», Salia Sanou aux Francophonies en Limousin

Ses yeux brillent quand il parle de ces deux femmes. Le chorégraphe Salia Sanou les admire et il avait beaucoup envie de partager avec elles une expérience sur scène autour des identités multiples. Déjà avant « Multiple-s », créée aux Francophonies en Limousin, son œuvre était intensément imprégnée de l’art littéraire de l’écrivaine franco-canadienne Nancy Huston (« aujourd’hui, j’ai cinq ou six identités ») et de la danse de la Franco-Sénégalaise (« et allemande par mariage ») Germaine Acogny, 74 ans. Une icône de la danse contemporaine que Salia Sanou nomme tout simplement sa « maman Germaine ». Une transmission artistique profonde et poétique, subtile et émouvante. Entretien avec le danseur et chorégraphe burkinabè travaillant entre Ouagadougou et Montpellier, entre la France et le Burkina Faso, entre l’Afrique et l’Europe.

Le danseur et chorégraphe Salia Sanou dans « Multiple-s », pièce présentée aux Francophonies en Limousin.
Le danseur et chorégraphe Salia Sanou dans « Multiple-s », pièce présentée aux Francophonies en Limousin. Marc Coudrais
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RFI : Vous avez créé Multiple-s. Quel sont vos « multiples » ?

Salia Sanou : Mes multiples, ce sont tout ce qu’on traverse et tout ce qu’on reçoit quand on part d’un territoire à un autre, quand on se déplace, voyage, découvre. On part de quelque chose et on arrive aussi avec quelque chose. On est multiple. On est riche de tout cela, des couleurs, odeurs et visions. C’est ce que j’appelle être « multiple-s ».

Dans votre pièce, on entend cette phrase : « quand on arrive quelque part on ne raconte pas ce qu’on est et quand on retourne au pays, on ne raconte pas ce qu’on fait ». Est-ce votre vécu ?

C’est mon expérience : partir. Cela veut dire aussi partir avec ce qu’on a. Quand on arrive quelque part, c’est aussi d’accepter de vivre où l’on dépose sa valise et qu’on reçoit quelque chose de là-bas. En partant, on arrive toujours avec une richesse. Je crois vraiment à cette rencontre, à cet échange, à ce croisement, à cette multiple identité qui est finalement en nous. On part d’une identité et on s’enrichit toujours d’une autre identité et on devient multiple.

Le spectacle commence avec des mouvements des mains, sortant d’une sorte d’espalier de gym mobile lumineux. Pour vous, tout commence par la main ?

Oui, le geste de la main est très important. Il y a des moments quand on n’a plus la parole, quand le mot ne peut plus sortir, il y a les mains qui peuvent dire, raconter, décrire des gestes. La main nous montre où aller. Moi, je pense que c’est très signifiant. Donc, ce spectacle commence avec ce jeu de mains qui appelle l’Autre, qui a envie de voir l’Autre, de rencontrer l’Autre. Et ce sont aussi ces gestes de mains qui disent à l’Autre : je suis là. Donc, comme on dit : donnons-nous la main.

Salia Sanou et Germaine Acogny dans « Multiple-s ».
Salia Sanou et Germaine Acogny dans « Multiple-s ». Laurent Philippe

On est seulement réellement libre dans nos désirs ». C’est cela qui vous a poussé de travailler avec Nancy Huston et Germaine Acogny ?

C’était vraiment une forte envie de pouvoir inviter ces deux personnalités, ces deux grandes dames, ces deux grands artistes. Nancy Huston, j’ai connu ses œuvres, ses écrits, dans mon spectacle précédant, Du désir d’horizons, j’utilisais ses mots, ses écrits sur l’exil, sur le déplacement des populations, sur ces sujets très d’actualité aujourd’hui.

J’avais envie de continuer ce dialogue avec elle en lui proposant d’être physiquement présente avec moi sur la scène où elle lira ses textes et moi je partirai sur mes mouvements ressentis à travers le mot qui me traverse. Un dialogue entre texte et mouvements du corps. Et c’est très important qu’elle soit là physiquement pour porter ses textes. Moi, je peux me laisser glisser dans ses mots, parfois aussi l’emmener dans cette glissade. Parfois, c’est aussi elle qui m’emmène dans ses mots.

Avec Germaine, c’est ça aussi. Je l’appelle « maman Germaine », parce qu’elle m’a formé et elle m’a transmis les gestes, le mouvement, la danse. Qu’elle accepte de partager la scène avec son fils, pour moi, c’est très, très… [il lui manque les mots, alors il fait un geste vers le cœur…] Donc, je suis vraiment ravi.

Là aussi, il est question de la mémoire du corps, des gestes, de la transmission, comment le corps mémorise le mouvement, les gestes, pour les reproduire vingt ou quarante années plus tard. Elle est de cette génération, moi, d’une autre génération, on va porter [ces mouvements, ndlr] et laisser des traces. Dans 50 ans ou 100 ans, on verra ces gestes continuer, ce qui est très beau. C’est ce message-là qu’on avait vraiment envie de porter dans ce spectacle avec Germaine Acogny qui s’appelle De vous beaucoup de vous. Cela veut dire qu’elle m’a beaucoup donné, et, à mon tour, j’ai aussi envie de donner.

On découvre également un pas de deux entre vous et Germaine Acogny. D’où est venue cette idée de ce « pas de canne » où la canne devient à la fois outil, instrument de musique, parloir et prolongement du corps ?

La canne, la sagesse, ce matériel qui rentre dans le jeu, est très symbolique et important. Germaine dit  : "avant, c’était mon troisième bras, aujourd’hui, c’est mon troisième pied". Cela veut dire que dans ce message il est question de sagesse, d’équilibre et de montrer la voie. Voilà. Et moi, je n’ai fait que suivre cette voie. On fait une belle promenade avec cette canne. Et qui dit promenade, dit découverte, dit : on reçoit et on donne.

Salia Sanou et Nancy Huston dans « Multiple-s ».
Salia Sanou et Nancy Huston dans « Multiple-s ». Laurent Philippe

Multiple-s, chorégraphie de Salia Sanou en deux parties : De vous à moi, avec Salia Sanou et Nancy Huston et De vous beaucoup de vous, avec Salia Sanou et Germaine Acogny. Musique : Bab-x. Création aux Francophonies en Limousin, jeudi 27 et vendredi 28 septembre, ensuite tournée en France, Burkina Faso et Belgique.

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