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Photojournalisme

L’Afrique et le monde de Pascal Maitre à la Grande Arche du photojournalisme

« Mon prochain projet ? Je dois aller en Afghanistan. » Afghanistan, Colombie, Congo, Iran, Sibérie, Sierra Leone, Somalie… Depuis quarante ans, ses photos prises dans une quarantaine de pays nous plongent dans les guerres et les guérillas, nous font découvrir des révolutions et des routes, des activistes et des artistes. Pascal Maitre a une femme et deux enfants. Il a exploré la planète, avec une passion particulière pour le continent noir. Avec « Seulement humains », le « Grand Palais » du photojournalisme, sur la Grande Arche de La Défense à Paris, lui consacre une rétrospective avec 154 photos reflétant l’Histoire. Né en 1955 à Buzançais dans l’Indre, petit-fils d’un guérisseur, fils d’un forgeron, neveu d’un soldat américain qui lui a offert un Rolleiflex 4x4, l’un des meilleurs photojournalistes du monde nous explique son goût pour le travail bien fait.

Sierra Leone, 2010. Jusu Jarka a eu les mains coupées en janvier 1999 par les rebelles du groupe armé RUF (Revolutionary United Front) soutenu par Charles Taylor. Jarka a été le premier Sierra-Léonais autorisé à voter sans identification des empreintes.
Sierra Leone, 2010. Jusu Jarka a eu les mains coupées en janvier 1999 par les rebelles du groupe armé RUF (Revolutionary United Front) soutenu par Charles Taylor. Jarka a été le premier Sierra-Léonais autorisé à voter sans identification des empreintes. © Pascal Maitre / Cosmos
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RFI : Au milieu de l’exposition, sur une photo monumentale, on aperçoit une voiture et des hommes et des femmes dans une rue de Kinshasa. Que voit-on ?

Pascal Maitre : C’est un rond-point dans la ville de Kinshasa, une ville de dix millions d’habitants, une grande ville chaotique. Les photos de rue sont souvent difficiles à faire. A Kinshasa, c’est un peu compliqué, parce qu’il faut différentes autorisations. Après, ce qui est assez difficile, en tant que photographe, c’est de se faire oublier. Donc c’est une photo que j’aime bien, qui paraît anodine, mais qui est compliqué à faire.

Vous avez intitulé votre exposition Seulement humains. La signification du mot « humain » a-t-elle changé pendant votre carrière de photographe ?

Je ne suis pas sûr que cela ait changé, mais je pense fondamentalement que c’est la clé de tout rapport lorsqu’on est reporter. Les choses se font grâce aux personnes qui vous laissent travailler, grâce aux personnes qui vous aident, grâce aux fixeurs, grâce aussi à vos « employeurs » qui sont vos journaux. Donc, tout cela n’est qu’un rapport humain. Pour cela, j’avais envie d’appeler l’exposition Seulement humains, mais aussi, parce que l’humain a quand même cette force extraordinaire de pouvoir être plus fort que le reste.

Vous montrez la vie quotidienne, la guerre, des artistes, des paysages, des portraits… et vos photos sont toujours très colorées et avec beaucoup de chaleur. Est-ce votre fil rouge ?

Avant tout, je suis photojournaliste. Evidemment, dans le mot photojournaliste, il y a « photo » et « journaliste ». Je me sens profondément journaliste. La première chose qui me motive est de raconter des histoires et de faire un travail de journaliste. Mais, je suis passionné de peintures et de couleurs. Donc, quelquefois, cela se croise avec le travail de photojournaliste et puis j’ai essayé d’utiliser la couleur plus dans un rôle de création que dans un rôle d’illustration.

Pascal Maitre dans son exposition « Seulement humains » à la Grande Arche du photojournalisme.
Pascal Maitre dans son exposition « Seulement humains » à la Grande Arche du photojournalisme. Siegfried Forster / RFI

Pourquoi avez-vous intitulé la section sur les Grands Lacs africains, La poudrière magnifique ?

Parce que, géographiquement, c’est splendide. C’est une région de montagne magnifique, des montagnes avec des cultures vertes, avec des lacs incroyables. Donc, c’est vraiment un jardin d’Eden, et au milieu de tout cela, il y a eu toute cette violence qui ne cesse pas.

Vous avez exploré beaucoup de pays. Vos expériences, vous les avez résumées après dans des titres comme L’Iran, pays des martyres, Somalie, entre tragédie et espoir ou Sahel, une bombe à retardement. A partir de quel moment avez-vous le sentiment de capter un pays ou une région ?

Cela s’est finalement fait au hasard. Souvent, j’y suis allé pour un premier reportage, pour une commande de journaux – j’ai eu cette chance d’avoir de grands journaux qui m’ont suivi, comme National Geographic, Paris Match, Stern ou Figaro Magazine – donc, je suis allé une première fois dans un pays et quelque chose m’a touché et j’ai pu, grâce à ces journaux, retourner faire d’autres histoires. Très doucement, je me suis aperçu qu’il y a certains pays que j’ai couverts pendant une trentaine d’années. J’espère que mon travail permet de donner certaines clés de certaines situations de ces pays actuellement, mais aussi de tout le cheminement qui s’est fait pendant ces trente années.

Vous avez fait beaucoup de Unes des magazines, des expositions dans le monde entier, reçu des prix prestigieux comme le World Press Photo ou un Visa d’or d’honneur. Qu’est-ce que cela vous fait de voir vos images en tirage géant ici dans la Grande Arche du photojournalisme ?

C’est un magnifique cadeau. C’est un écrin incroyable et c’est vrai, quand Jean-François Leroy et Delphine Lelu, les deux directeurs artistiques, m’ont proposé de faire cette exposition, cela m’a donné un peu le vertige, parce que l’espace est immense. Je n’aurais sans doute jamais un autre espace dans ma vie pour pouvoir ainsi exposer mes images.

Dans l’exposition « Seulement humains » de Pascal Maitre.
Dans l’exposition « Seulement humains » de Pascal Maitre. Siegfried Forster / RFI

Aujourd’hui, en Afrique, vos photos ont-elles un autre statut dans cette époque où règnent Instagram, Facebook, WhatsApp et d’autres réseaux sociaux diffusant des millions de photos ? Est-ce que cela change le statut de vos photos qui ont été longtemps un témoignage unique ?

Non, je ne pense pas. Je suis assez peu sur les réseaux sociaux. Je pense que les gens qui vivent en Afrique ne pensent pas toujours aux mêmes choses que moi je peux voir. Et puis, c’est ma vision, il y a la place pour tout le monde. Non, je ne pense pas du tout que cela ait changé quelque chose.

Quel est votre prochain projet ?

Mon prochain projet ? Je dois aller en Afghanistan. Je dois aller à Kaboul, en août.

Pour renouer avec votre légendaire portrait du commandant Massoud ?

[Sourire] Non, là, ce que j’espère pouvoir faire, c’est plus ce mélange dans ce pays ancré dans des racines très traditionnelles, mais, en même temps, qui se tourne quand même vers un monde actuel et qui est en même temps en souffrance. En Afghanistan, cette année, cela fait 40 ans que les problèmes ont commencé. C’est un pays qui a subi tout ce qui s’est passé dans le monde entier. Tout ce qui s’est passé dans le monde s’est passé aussi en Afghanistan : ils ont eu un roi, un parti communiste, une invasion russe, après des groupes de guérillas qui se sont entretués, l’arrivée des talibans, Ben Laden, les Américains et les forces étrangères… Donc, tous les grands courants qui se sont passés sur la terre, on les a retrouvés en Afghanistan.

► Lire aussi : Pascal Maitre expose ses «Afrique(s)»: «la photo, c’est la surprise», rfi, 11/9/2014
► Lire aussi : Le nouveau Grand Palais du photojournalisme sur la Grande Arche de la Défense, rfi, 16/6/2017
Seulement humains, exposition de Pascal Maitre sur la Grande Arche du photojournalisme, du 7 juillet au 11 octobre.

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