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Photographie / Afrique du Sud / Apartheid

Mort du photographe sud-africain David Goldblatt

C’était un monstre sacré de la photographie sud-africaine et un homme engagé contre l’apartheid. Avec ses images, il était un témoin extraordinaire de la vie et de l’injustice sous le système de l’apartheid. David Goldblatt est décédé ce lundi 25 juin, à l’âge de 87 ans, selon un communiqué publié par le Centre Pompidou qui vient de lui consacrer une grande rétrospective.

David Goldblatt : “Jeunes homes montrant le dompas, pièce d’identité que tout Africain âgé de plus de 16 ans devait porter sur soi. White City, Jabavu, Soweto, Johannesburg, novembre 1972. Légende => 6) en bas de l’article.
David Goldblatt : “Jeunes homes montrant le dompas, pièce d’identité que tout Africain âgé de plus de 16 ans devait porter sur soi. White City, Jabavu, Soweto, Johannesburg, novembre 1972. Légende => 6) en bas de l’article. David Goldblatt
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Quand les étudiants sud-africains manifestaient en 2015 contre le maintien d’un monument célébrant le colonisateur britannique Cecil Rhodes, il était là. « Déboulonnage de la statue de Cecil Rhodes, après qu’elle a été maculée d’excréments humains et que l’université a accédé aux demandes des étudiants de la retirer. » C’est le titre d’une image prise le 9 avril 2015 à l’Université du Cap par David Goldblatt. Jusqu’au bout, le photographe est resté fidèle à son engagement pour la justice et un témoin sans faille des soubresauts de son pays, l’Afrique du Sud.

Né le 29 novembre 1930, à Randfontein, dans le Transvaal en Afrique du Sud, David Goldblatt est le fils de deux parents d’ascendance juive allemande, une réalité certainement pas étrangère au fait qu’il sera très sensible au racisme. Aujourd'hui, David Goldblatt reste un modèle pour la jeune génération de photographes comme Zanele Muholi, une des artistes sud-africaines contemporaines les plus percutantes de nos jours. « Goldblatt est un mentor pour moi et j’admire son travail. C’est quelqu’un qui nous a donné le droit de nous exprimer. Grâce à lui nous pouvons parler avec des voix différentes à partir du même espace. »

Le photographe sud-africain David Goldblatt pose le 11 janvier 2011 à la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris.
Le photographe sud-africain David Goldblatt pose le 11 janvier 2011 à la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris. AFP PHOTO FRANCOIS GUILLOT

Des constats et des combats contre l'apartheid en Afrique du Sud

Goldblatt avait une sensibilité et un talent sans pareil de se promener entre les lignes, entre le noir et le blanc, pour en extraire une vérité minant les injustices d’un système politique ou moral. Pour ses premières photos, il était obligé de se contenter de faire des constats. Devenu photographe de presse en 1948, il observe avec sa caméra l’apparition des panneaux de ségrégation raciale, manifestation de la politique d’apartheid. Ensuite il documente avec une persistance incroyable pendant des décennies la vie quotidienne des Blancs et des Noirs en Afrique du Sud.

Ses dernières photos résonnent comme un appel : « plus jamais ça ». Par exemple, en 2016, quand il prend en photo une simple passerelle et la transforme en mémorial anti-apartheid. Le double escalier conçu pour séparer les « Blancs » des « Non-Blancs » devient un monument de la honte rappelant la loi n° 49 sur les équipements publics séparés (Reservation of Separate Amenities Act) de 1953.

Et il insiste aussi pour nous dire que si les panneaux indiquant les files séparées ont bien été retirés après la victoire et la libération de Nelson Mandela, les traces et certaines pensées restent ancrées dans le territoire, les corps et les esprits jusqu’à aujourd’hui.

« David Goldblatt était l’une des figures majeures de la photographie de notre époque, une conscience éthique et morale du rôle de l’artiste dans nos sociétés » a réagi Bernard Blistène, directeur du musée national d’art moderne. La grande rétrospective dédiée à David Goldblatt au Centre Pompidou-Paris a fermé ses portes début mai, mais son testament photographique restera pour toujours.

Archive sonore RFI

Je devais prendre des photos, non seulement de Johannesburg mais de toute l’Afrique du Sud. Je dirais que je voulais explorer la société dans laquelle je vivais, voir à quoi elle ressemblait. Je vais citer un grand photographe du nom de Garry Winogrand. On prend des photos pour voir à quoi ressemble le monde en photos. Si je devais me définir, je ne suis certainement pas un journaliste. Si j’avais été journaliste, j’aurais été viré tout de suite. Pourquoi ? Mais parce que je suis si mauvais. J’oublie des choses, je suis incapable de prendre des notes correctement. Donc, je ne suis pas un journaliste. Je ne suis pas un sociologue. Je ne suis pas un criminologue. Je ne suis pas un psychiatre. Je suis juste un observateur, un observateur critique de la société dans laquelle je vis.

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David Glodblatt en 2011 sur RFI: «Je suis un observateur critique de la société dans laquelle je vis»

Elisabeth Lequeret

David Goldblatt, son regard sur l'Afrique du Sud

Légendes des photos de David Goldblatt

1) David Goldblatt : « Passerelle enjambant la voie ferrée, Leeu Gamka, province du Cap-Est, 30 août 2016. Passerelle enjambant la voie ferré Le Cap-Johannesburg, avec double escalier séparé pour « blancs » et « « non blancs », conformément à la loi n° 49 sur les équipements publics séparés (Reservation of Separate Amenities Act) de 1953. Aujourd’hui, l’apartheid n’existe plus. Les panneaux indiquant les files séparées ont été retirés vers 1992, mais le pont demeure, au service d’une population d’environ 1 500 personnes.
Epreuve jet d’encre, diabon, 98 x 122 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town.

2) (A.g.) David Goldblatt : "Femme avec l’oreille percée, Joubert Park, Johannesbourg 1975." Epreuve gélatino-argentique, 40 x 40 cm. Collection Centre Pompidou, Paris. © David Goldblatt © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP / Philippe Migeat ; [photo à droite] David Goldblatt : « Femme en train de fumer, Fordsburg, Johannesbourg 1972. Epreuve gélatino-argentique, 40 x 40 cm. Collection Centre Pompidou, Paris. © David Goldblatt © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP / Philippe Migeat

3) David Goldblatt : « Pelles "à fouetter" extraites du sous-sol, Central Salvage Yard, Randfontein Estates, Randfontein, 1966. » Epreuve numérique sur papier baryté, 43,5 x 53,5 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town.
© David Goldblatt

4) David Goldblatt : « Petit propriétaire avec sa femme et leur fils aîné, à l’heure du déjeuner, Wheatlets, environs de Randfontein, Gauteng, septembre 1962. » Epreuve numérique sur papier baryté, 33 x 48,5 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town.
© David Goldblatt

5) David Goldblatt : « Commando de sympathisants du National Party ayant escorté Hendrik Verwoerd, principal architecte de l’apartheid, aux fêtes du 50e anniversaire du parti. De Wildt, province du Nord-Ouest, 31 octobre 1964. » Epreuve numérique sur papier baryté, 33 x 48,5 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town.
© David Goldblatt

6) David Goldblatt : “Jeunes hommes montrant le dompas, pièce d’identité que tout Africain âgé de plus de 16 ans devait porter sur soi. White City, Jabavu, Soweto, Johannesburg, novembre 1972."
Epreuve numérique sur papier baryté, 28 x 28 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town.
© David Goldblatt

7) David Goldblatt : « Lawrence Matjee, 15 ans, après son agression et sa détention par la police de sécurité, Khotso House, rue de Villiers, Johannesbourg, 1985. » Epreuve gelatino-argentique, 38 x 37,5 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town.
© David Goldblatt

8) David Goldblatt : « 21h00, voyage de retour : car Marabastad-Waterval. Pour la plupart des passagers, le cycle recommencera demain entre 2 et 3 heures du matin. 1984. » Epreuve numérique sur papier baryté, 33 x 47 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town.
© David Goldblatt

9) David Goldblatt : « Schubart Park, Pretoria, 23 février 2016 ». Sept immeubles d’habitation devaient abriter quelque 10 000 fonctionnaires blancs, dans le cadre de mesures du gouvernement d’apartheid pour que Pretoria reste une ville blanche. Cinq immeubles avaient été déjà construits quet l’argent manqua et que les banques refusèrent de reconduire leurs prêts (1985-1986). Après la fin de l’apartheid, des personnes de toutes origines s’installèrent dans ces immeubles mal gérés. Peu à peu, tout ce qui pouvait être retiré – portes, fenêtres, plomberie, accessoires – fut volé. Ne subsiste plus que cinq coquilles vides dans le secteur ouest de la ville. Cette photographie en montre quatre.
Impression jet d’encre, dibond, 98 x 122 cm.
Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town.
© David Goldblatt

10) David Goldblatt : “Régugiés venant du Zimbabwe s’abritant dans l’église méthodiste central sur Pritchard Street, 22 mars 2009." Epreuve numérique sur papier baryté, 49,5 x 61,5 cm.
Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town.
© David Goldblatt

11) David Goldblatt : “Déboulonnage de la statue de Cecil Rhodes, après qu’elle a été maculée d’excréments humains et que l’université a accédé aux demandes des étudiants de la retirer. Université du Cap, 9 avril 2015."
Epreuve jet d’encre, dibond, 98 x 122 cm. Courtesy David Goldblatt et Goodman Gallery Johannesburg et Cape Town.
© David Goldblatt

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