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France - Photographie

«À Contre-Emploi», 20 photos sur l'impact du chômage en France

Accrochée le 13 mars dernier sur les grilles du Conseil économique, social et environnemental à Paris où elle va rester jusqu’au 10 avril, l’expo-photo À Contre-Emploi met en scène des chômeurs et chômeuses sous forme de portraits accompagnés d’un texte. C’est le fruit d’un travail de longue haleine entrepris par la photographe Mehrak Habibi et la journaliste Hélène Frouard.

La journaliste Hélène Frouard (g) et la photographe Mehrak Habibi (d) devant la photo de Zara, 55 ans, qui vit avec 470 euros par mois.
La journaliste Hélène Frouard (g) et la photographe Mehrak Habibi (d) devant la photo de Zara, 55 ans, qui vit avec 470 euros par mois. Christophe Carmarans / RFI
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Ils s’appellent Laurent, Agnès, Miléna, Xavier, Henia, Jamal, Aziz, Céline, Pierre ou Julien. Ils ont entre 21 et 61 ans et pour seul point commun d’être en recherche d’emploi, autrement dit d’être au chômage. Ils sont vingt-et-un en tout – dix hommes, onze femmes – à avoir posé devant l’objectif de la photographe Mehrak Habibi, vingt-et-une personnes pour vingt photos car Aziz (40 ans) et Céline (31 ans), qui se trouvent parmi les plus mal lotis car sans domicile fixe, sont en couple et ont tenu à poser ensemble devant l’appareil. Ces portraits de 1 m de haut sur 1,50 m de large sont exposés jusqu’au 10 avril sur les grilles qui se trouvent à l’arrière du Conseil économique, social et environnemental, avenue Albert de Mun, tout près du Trocadéro, dans le XVIe arrondissement de Paris.

À la fois réalistes sur le strict plan photographique et scénarisées sur le plan de la mise en forme, ces vingt photos, accompagnées d’un témoignage recueilli auprès des intéressés par la journaliste et historienne Hélène Frouard, atteignent pleinement leur but : montrer l’impact du chômage sur les personnes. Pour chacun, la perte d’emploi est une très dure épreuve dont l’impact va bien plus loin que l’aspect matériel. Les données communiquées par le CESE (Conseil économique, social et environnemental), organe dont un rapport rédigé par Jacqueline Farache il y a deux ans est à l’origine de ce projet, sont d’ailleurs éloquentes : en France, 14 000 décès seraient chaque année directement imputables au chômage. La situation d’inactif joue également un grand rôle dans la séparation des couples et elle a aussi un impact sur l’avenir de leurs enfants.

« À mon âge, retrouver du travail, c‘est difficile. Je ne suis même pas sûr d’avoir une retraite un jour. Mais je m’en moque. De toute façon, je vais crever un jour ou l’autre » admet, fataliste, Pierre dans le texte qui accompagne sa photo exposée. Âgé de 61 ans, cet ancien ouvrier est au chômage depuis 2015 et touche le RSA (Revenu de solidarité active ; ndlr), une aumône qu’il a beaucoup de mal à accepter. Pour autant, Pierre ne baisse pas les bras et milite dans le Comité des travailleurs privés d’emplois et précaires. Comme chacune des vingt autres personnes qui ont accepté de poser, il a décidé de se battre pour ne pas sombrer. C’est aussi le cas de Xavier, diplômé en expertise comptable qui dit sur l'affiche : « Moi, même au chômage, je me lève à 6 heures du matin ». La photo, le montre assis dans un café, l’air à la fois inquiet et déterminé, avec l’ombre dessinée de son épouse qui le protège.

Donner la parole aux gens

Jamal est en 2e année de BTS tourisme mais rêve d'autre chose.
Jamal est en 2e année de BTS tourisme mais rêve d'autre chose. © Mehrak Habibi

Car c’est l’une des spécificités de cette exposition : la photographe Mehrak Habibi a fait non seulement poser ses sujets dans un cadre qui leur est familier mais, après que la photo a été numérisée, elle y a apposé sa patte au moyen de dessins et de calques qui lui permettent, une fois scannés, d’ajouter des motifs en arrière-plan, ici une ombre, là des horloges ou des serpents, pour mieux illustrer le propos et la situation de ses interlocuteurs. Ou encore des barreaux de prison comme pour la photo d’Ahcène, 56 ans, qui a le sentiment d’être enfermé dans une situation inextricable. Victime d’un organisme de formation qui s’est avéré « être une arnaque », Ahcène peine à trouver du travail dans la restauration où il avait voulu se reconvertir après avoir travaillé 20 ans dans une entreprise de chauffage/climatisation.

Pour aller au fond des choses et bien cerner leurs modèles, Mehrak la photographe et Hélène la journaliste ont passé beaucoup de temps sur ce projet : un an et demi en tout. Et elles ont eu un entretien de six heures en moyenne avec chacun des personnages photographiés. «  Ensuite, indique Mehrak, j’avais également un entretien avec eux avant la prise de vue et je leur demandais de choisir un lieu pour la photo. Soit ça se faisait naturellement, soit je leur parlais de l’idée que j’avais. C’était un moment d’échange à deux, précise-t-elle. Il y a un peu de mise en scène mais c’est dans le respect total de ce qu’ils nous ont raconté ». « Notre but c’était de donner la parole à ces personnes. On n’avait pas d’idées préconçues, on est allé à leur rencontre », ajoute Hélène Frouard qui a fait appel à des associations bénévoles spécialisées dans l’accompagnement des personnes au chômage, comme SNC Solidarité ou ARC 75, pour trouver ces interlocuteurs.

« C’est très délicat, c’est l’intimité des gens et il faut qu’il y ait un rapport de confiance mais les demandeurs d’emploi s’y sont retrouvés. Chômeur, reprend-elle, c’est un job à temps plein, dans des conditions difficiles. On n’a jamais rencontré de profiteurs dans notre démarche. On a vu des gens qui se battent, pour qui c’est dur, qui sont parfois découragés mais qui font face non seulement au manque d’emploi et d’argent mais aussi à des pressions parce que c’est très difficile ». Parmi eux, les presque sexagénaires sont de plus en plus nombreux. Et leur recherche d’emploi est encore plus compliquée. C’est le cas notamment de Yamina, 59 ans. Secrétaire-comptable, elle a subi un licenciement économique en 2013. « À mon âge, reconnaît-elle, certains disent qu’ils ne retrouveront jamais de travail. Moi, j’essaie de ne pas y penser : si je veux une retraite suffisante, il faut que je continue à travailler le plus possible. Je ne dois pas lâcher prise ».

  • Exposition « À Contre-Emploi » : du 13 mars au 10 avril, 8 avenue Albert de Mun, 75116 Paris. Métro : Trocadéro ou Iéna.

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