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Fipa 2018: «La télévision a encore de beaux jours devant elle»

Ce mardi 23 janvier ouvre le Festival de la création audiovisuelle internationale (Fipa) à Biarritz, dans le sud-ouest de la France, avec 114 films de 30 pays. Le pays invité de cette 31e édition est Israël avec sa production audiovisuelle particulièrement riche et ses séries cultes couronnées de succès comme « Fauda », dont un épisode inédit sera projeté ce soir à la cérémonie d’ouverture. Pour la première fois, les créations en réalité virtuelle (VR) concourent pour les Fipa d’or dans les catégories traditionnelles de la compétition officielle : fictions, séries, documentaires, musique et spectacle, jeune création et prix du Public. Entretien avec François Sauvagnargues, délégué général du Fipa.

Scène de «Fauda», un épisode inédit de la série israélienne à succès est projeté lors de la cérémonie d’ouverture du Festival de la création audiovisuelle internationale (FIPA) à Biarritz.
Scène de «Fauda», un épisode inédit de la série israélienne à succès est projeté lors de la cérémonie d’ouverture du Festival de la création audiovisuelle internationale (FIPA) à Biarritz. FIPA 2018
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RFI : Que se cache-t-il derrière la promesse d’un « nouvel esprit » pour la 31e édition du Fipa ?

François Sauvagnargues : Ça veut dire toujours montrer des films, mais montrer des films différemment. Dans la sélection, nous avons de nouvelles sections, notamment la catégorie du documentaire français et la volonté de montrer des films d’à peu près tous les pays. 114 films de 30 pays seront montrés cette année dont 40 films de réalisatrices.

Gardez-vous toujours cette ambition d’être un panorama mondial de la création audiovisuelle ?

C’est la logline du Fipa, c’est le Fipa de la création internationale. C’est ce qu’on veut être. Je pense qu’on y arrive. Regardez la variété et la qualité de ces films, produits par le service public, mais pas seulement. Il y en a aussi qui viennent de toutes petites chaînes ou qui sont autoproduits par leurs créateurs.

Actuellement, on a parfois l’impression qu’un vent de panique règne dans le milieu de l’audiovisuel face à la révolution numérique. Comment cette inquiétude se reflète-t-elle au Fipa ?

Il y a effectivement une inquiétude, mais elle est quand même diffuse, parce qu’on voit quand même que la télévision a encore de beaux jours devant elle. La question au Fipa, ce sont les nouvelles écritures. La technologie, les nouveaux usages, comment changent-ils la manière de raconter les histoires, avec la réalité virtuelle (VR), la réalité augmentée (AR), le transmédia, les webdocs, les webséries… Il y a beaucoup de choses qui sont en train de se produire, mais la télévision finira par s’en emparer. Au Fipa, ces nouvelles écritures seront montrées de la même manière que les programmes classiques. Dans chaque section, on mélange films « classiques  » et films « nouvelles expressions ».

Dans la catégorie des fictions en compétition se trouve par exemple La Camera insabbiata, de Laurie Anderson & Hsin-Chien (USA/Taïwan), en réalité virtuelle. La réponse de la télévision face à la révolution numérique est-ce d’intégrer la révolution numérique à la télévision ?

C’est déjà le cas avec tout ce qu’il y a de déclinaisons de programmes classiques des télévisions qui sont traités sous forme de la VR notamment. Mais il y a aussi la manière de voir comment ces nouveaux outils, ces nouvelles formes d’expressions peuvent enrichir l’expression de la télévision. L’évolution technologique aboutira à un nouveau mode de consommation des images, que ce soit à la télévision, sur les tablettes ou ailleurs, avec tout ce qui va avec : l’Intelligence artificielle (AI), les robots, les hologrammes, les 360 degrés… Le défi consiste à représenter une image non pas pour un écran plat, mais pour une vision sphérique qui correspond à l’œil humain. Car on est soi-même entouré par une réalité qui n’est pas plate, mais circulaire. Comment cela contribuera-t-il à changer la perception des histoires qu’on nous raconte ?

Scène de « Altérations », fiction en réalité virtuelle de Jérôme Blanquet, présentée au Festival de la création audiovisuelle internationale à Biarritz.
Scène de « Altérations », fiction en réalité virtuelle de Jérôme Blanquet, présentée au Festival de la création audiovisuelle internationale à Biarritz. Fipa 2018

La fiction française Altération, de Jérôme Blanquet, réalisée en VR, raconte l’histoire d’Alexandro dont une intelligence artificielle s’empare de son cerveau. Dans combien d’années, l’intelligence artificielle va-t-elle réellement entrer dans les films en tant qu’acteur ?

Pour la télévision, c’est déjà en cours. Tous ces nouveaux programmes existent et vont se multiplier. Ce qui me frappe, c’est que les grands réalisateurs du cinéma s’y intéressent aussi. Ils ont bien compris que c’est un nouveau mode d’expression qui permet de changer leur cinéma, leur approche du monde. Et une fois qu’on y a goûté, c’est difficile de revenir en arrière.

Côté innovation, quelle est la nouvelle tendance que vous allez présenter au Fipa ?

Ce sont tous ces films en VR, où les spectateurs sont plongés au cœur de l’histoire. Dans la partie documentaire, c’est la manière dont ces nouvelles présentations permettent de ressentir une empathie beaucoup plus forte pour ce qui se passe, pour les personnages. C’est aussi en lien avec la thématique générale du Fipa, avec des films autour des thèmes comme la violence faite aux femmes, les migrants et toutes les questions politiques. C’est une nouvelle manière d’aborder ces sujets et de les rendre plus percutants auprès du public.

Le Fipa va parler aussi du marché africain francophone lors d’une table ronde, le mercredi 24 janvier. Quelle est aujourd’hui la réalité de ce marché ?

C’est un marché qui se développe. Avec TV5 Monde et d’autres intervenants, on va examiner comment les choses évoluent. Comment le VOD se développe aussi sur le marché. Comment les acteurs européens et internationaux y sont présents et comment les choses s’y passent, notamment pour la fiction et les séries de fiction… En Amérique latine, on a vu que, en quelques années, les pays sont arrivés à maîtriser notamment la série de fiction, à faire de programmes qui rivalisent sans problème avec le meilleur de la production européenne ou même nord-américaine. Côté africain, il y a sûrement des choses qui se produiront dans les années qui viennent.

Vous avez reçu 1 600 films et sélectionné 114, mais aucun film ne vient d’Afrique. La seule production en lien avec l’Afrique est Mareyeurs, de Matteo Raffaelli (Sénégal/Italie). Dans la catégorie Documentaire international, il parle de l’épuisement de l’océan et de la tentation de l’émigration. Pourquoi l’Afrique est-elle pratiquement absente de votre programmation ?

C’est une absence que l’on constate pratiquement chaque année. Sans doute, nos réseaux ne sont pas suffisamment pointus pour aller trouver des films là où ils sont, parce qu’il y a bien des films qui doivent exister. Pour l’instant, les télévisions africaines produisent des choses qui ne sont pas encore d’un niveau suffisant pour être en compétition avec les programmes qu’on présente au Fipa.

Scène de « Norilsk, l’étreinte de glace », documentaire de François-Xavier Destors sur une cité polaire.
Scène de « Norilsk, l’étreinte de glace », documentaire de François-Xavier Destors sur une cité polaire. Fipa 2018

La cérémonie d’ouverture du Fipa est consacrée à un épisode inédit de Fauda chaos » en arabe), interprété par des acteurs israéliens juifs et arabes. L’histoire raconte la lutte sans pitié entre des agents antiterroristes israéliens et un chef militaire du Hamas en fuit. Quelle est la recette miracle de cette série israélienne à succès  ?

C’est un peu la caractéristique de la production israélienne en matière de séries, c’est-à-dire une incarnation extrêmement forte de personnages extrêmement crédibles et réalistes. Une partie de la série est tournée en arabe. On parle de cette unité d’élite de Tsahal qui est infiltrée dans les réseaux palestiniens pour traquer les gens de l’Hamas. On est dans quelque chose qui est absolument crédible et qui correspond à la réalité de ce pays.

Israël, un pays plutôt petit, mais avec une production audiovisuelle extraordinaire qui a réussi à vendre ces derniers dix ans une quinzaine de séries dans le monde entier et même aux États-Unis. Dans ce domaine, pourquoi Israël est-il en avance ?

Au fond, il y a cette capacité à parler de l’identité. C’est une question qui taraude les Israéliens : entre les laïques et les orthodoxes, les Juifs et les Arabes. Cette question de savoir : qui on est ? C’est aussi une question fondamentale pour les Européens. On le voit avec le débat sur l’immigration en France ou ailleurs. Donc, la force d’Israël est de faire de choses très audacieuses et assez innovantes avec de petits moyens. Et d’être capable d’avoir une résonance internationale, puisque la plupart de ses programmes sont vendus au niveau international, et pour certains même vendus sur le marché nord-américain qui est vraiment un exploit, puisque les Européens n’y sont jamais parvenus.

L’audiovisuel public est de plus en plus discuté et attaqué en Europe. Quelle sera la discussion au Fipa autour de cette question-là ?

Cela animera un peu tous les débats. C’est vrai qu’il y a un grand débat franco-français sur la question du service public, mais aussi européen. On voit bien que la Suisse s’interroge sur la question de la redevance. Il y aura un référendum en mars qui tranchera sur la question s’il faut continuer ou pas à payer la redevance. Du coup, le service public est menacé de disparaître. C’est aussi le cas en Belgique. Cela dit, le Fipa est là pour montrer que le service public a encore de beaux jours devant lui. Quand on regarde dans tous les pays du Nord, en Allemagne, en France, en Italie et aussi en Espagne, les productions du service public restent quand même – comparées aux chaînes de télévision commerciales – une source de production extraordinaire, en volume et en qualité.

FIPA, « Séries Mania Lille », « Cannes de séries », « Série Series – de Ouaga à Fontainebleau »…

La 31e édition du Fipa sera une année charnière pour le plus grand festival audiovisuel de ce genre. Au-delà de la concurrence du Festival de la fiction TV à la Rochelle et du Festival des créations télévisuelles de Luchon, sans parler de Séries Mania, créé en 2009 au Forum des images à Paris, et Série Series, lancé en 2012 à Fontainebleau et décliné cette année pour la première fois aussi à Ouagadougou et à Oslo, d’autres festivals consacrés uniquement aux séries ouvrent en 2018 leurs portes en France. Du 25 avril au 5 mai 2018, le festival Série Mania Lille verra le jour, doté d’une ambition forte avec l’annonce d’un sommet Europe-Amérique à vocation de débattre sur l’évolution de l’audiovisuel et du numérique. En plus, il y aura un Cannes des séries, du 7 au 11 avril, présidé par l’ancienne ministre de la Culture Fleur Pellerin.

► Le programme du 31e Festival de création audiovisuelle internationale (FIPA) à Biarritz, du 23 au 28 janvier 2018

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