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Culture / Femmes

«Women House», le féminisme explore la maison

C’est une exposition résolument féminine et féministe. « Women House » est à voir à la Monnaie de Paris qui ambitionne de devenir un lieu de réflexion sur l'histoire oubliée des femmes dans l'art.

« Katlego Mashiloane et Nosipho Lavuta, ext. 2, Lakeside, Johannesburg » (2007), photographie de Zanele Muholi exposée dans « Women House » à la Monnaie de Paris.
« Katlego Mashiloane et Nosipho Lavuta, ext. 2, Lakeside, Johannesburg » (2007), photographie de Zanele Muholi exposée dans « Women House » à la Monnaie de Paris. Siegfried Forster / RFI
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La Monnaie de Paris accueillera tous les deux ans une exposition collective d'artistes femmes. C'est une façon de renouer avec l'histoire de cette institution dont le premier directeur, Nicolas de Condorcet, a été un des premiers hommes féministes. Même si au XVIIIe siècle le mot n'existait pas encore, il a théorisé l'égalité entre les femmes et les hommes et l'a appelé de ses vœux.

Le combat contre l'enfermement domestique

Women House est une exposition qui retrace le combat contre l'enfermement domestique qui fut un des moteurs des révoltes des femmes au début des années 1970. Le parcours montre comment le thème de la maison a traversé l'œuvre des artistes femmes jusqu’à nos jours. Depuis l'auteure anglaise Virginia Woolf qui, dans Une chambre à soi, en 1929, encourageait les femmes à trouver une pièce qu'elles puissent fermer à clé, pour créer sans être dérangées par la vie domestique.

La maison prison

Dans l’exposition, deux thèmes cohabitent : la maison prison et la maison refuge, les deux thèmes cohabitent. La maison prison se trouve par exemple dans les œuvres de l'Autrichienne Birgit Jürgenssen montrant une femme repassant son mari, ou encore les photographies de Claude Cahun qui se met en scène allongée sur l'étagère d'une grande armoire, bien rangée comme n'importe quel accessoire. Il y a aussi le thème de La maison refuge comme dans les photographies de la Sud-Africaine Zanele Muholi, contrainte de vivre son homosexualité à l'intérieur de la maison, sous peine de persécutions ou de mort.. Deux artistes françaises emblématiques du XXe siècle, Louise Bourgeois et Niki de Saint Phalle, ont marqué leur époque.

La femme maison

« Le point de départ est la série de dessins que Louise Bourgeois a faits dans les années 1940 sur la femme maison, explique Lucia Pesapane, une des commissaires de l'exposition. Il s’agit d’une thématique qu’elle a reprise pendant toute sa carrière, parce que, là encore, dans les années 1990, elle fait des sculptures Femme Maison. Et dans les années 1960, Niki reprend la même thématique, mais avec un point de vue complètement différent. Pour Louise Bourgeois, la femme maison est encore quelque chose de lourd qu’elle doit porter sur elle. Donc le poids de la maison, les enfants, quelque chose qu’elle doit porter toute seule, alors que pour Niki de Saint Phalle, les Femmes maisons, ce sont des femmes puissantes qui ont gagné en hauteur. Des sculptures énormes, très grandes, libérées. C’est quelque chose de joyeux. Donc, ça, c’est notre point de départ pour décliner cette thématique de la femme maison à travers plusieurs continents, plusieurs pays, plusieurs générations d’artistes. Je pense à l’artiste iranienne Nazgol Ansarinia ou l’artiste chinoise Shen Yuan. Mais, il y a encore beaucoup à faire pour arriver à l’égalité. »

« Nana-Maison II » (1966-1987), polyester peint. Sculpture exposée dans le cadre de « Women House » à la Monnaie de Paris.
« Nana-Maison II » (1966-1987), polyester peint. Sculpture exposée dans le cadre de « Women House » à la Monnaie de Paris. Siegfried Forster / RFI

Dans les trois cours de la Monnaie de Paris, ouvertes au public, on découvre trois œuvres monumentales. L'immense théière en fer forgé signée Joana Vasconcelos, créée en 2010, le salon de coiffure Hair Saloon de la Chinoise Shen Yuan ou encore une des célèbres Nana maison colorées de Niki de Saint Phalle.

Une architecture féminine

Qui dit maison, dit aussi architecture, or l'architecture s'écrit jusqu'à une période récente essentiellement au masculin. Il a fallu 2004 pour qu’une architecte femme reçoive le prestigieux prix Pritzker d’architecture, l'Anglo-Irakienne Zaha Hadid. Dans l’exposition, on peut voir des propositions artistiques comme des architectures légères, des architectures vêtements, des architectures nomades…

Dans une autre salle consacrée à un jouet typique des petites filles, la maison de poupée, l'objet est détourné, l'univers rose devient inquiétant, fantasmé, parfois morbide, mais toujours drôle.

Des grottes et des araignées

En total, les œuvres de 39 artistes venues des quatre continents peuplent cette exposition. Et parmi la jeune génération française, les maisons de feutres de Laure Tixier ou les grottes en céramiques noires brillantes d'Elsa Sahal nous guident jusque dans le grand salon doré ou trône une gigantesque araignée signée Louise Bourgeois.

« Il y a cette tension entre l’inquiétant et le triomphant qu’on trouve assez souvent dans le parcours, explique la commissaire Camille Morineau qui a beaucoup œuvré pour cette exposition. Dans le cas de Sahal, elle parle de la grotte qui fait effectivement un peu peur, de l’espace du ventre féminin accueillant un enfant, parce qu’elle fait ces céramiques au moment où elle attend un enfant. Et dans le cas de Louise Bourgeois, je pense que cette tension est aussi à l’œuvre dans son travail. L’Araignée fait peur, mais c’est aussi un animal qui peut aussi être considéré comme extraordinaire, beaucoup plus fort qu’il n’est paraît, beaucoup plus habile qu’il n’est paraît, l’araignée tisse une très très grande toile. Elle fait tout à la fois, elle est artiste, architecte et mère. Je pense, de toute évidence, la métaphore de l’araignée a un contenu biographique, et elle a aussi un contenu plus large sur l’histoire des femmes, des femmes artistes et des femmes architectes. »

La domestication forcée des femmes

À l'entrée de l'exposition, un film daté de 1972 fait revivre un épisode radical et drôle des luttes féministes américaines. Deux artistes, Miriam Schapiro et Judy Chicago, avaient proposé à 25 artistes femmes de s'installer plusieurs semaines dans une maison pour travailler et réaliser des performances autour de la domestication forcée des femmes. Le témoignage d'une époque à ne pas rater.

► Lire aussi : Les femmes photographes, toute une histoire, rfi, 31/12/2015
► Lire aussi : À Beaubourg, les femmes entre elles, rfi, 3/6/2009

Women House, exposition à la Monnaie de Paris, jusqu’au 28 janvier. Et à partir du 8 mars, l'exposition partira à Washington dans un musée unique au monde, le National Museum Women in the Arts, consacré uniquement à des œuvres d'artistes femmes, du XVIIe siècle à nos jours.

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