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Cinéma/festival de San Sebastián

Cinéma: «Cargo», des hommes et un bateau, au festival de San Sebastián

Le Festival international du film de San Sebastián suit son cours, entre tapis rouge déroulé pour les stars au bel hôtel Maria Cristina, lieu de villégiature de l'aristocratie européenne, et les salles des ruelles du quartier de San Telmo, dans la vieille ville où se presse le public. L'offre est variée entre les différentes compétitions, il est même parfois difficile de s'y retrouver et de donner suite à toutes ses envies, mais il semble qu'il en soit ainsi dans tous les festivals de cette catégorie. En faisant confiance à sa bonne étoile, on peut avoir de vrais coups de cœur et il en fut ainsi pour le film Cargo, du Belge Gilles Coulier, présenté dans la section Nouveaux réalisateurs.

Affiche du film «Cargo» du Belge Gilles Coulier, présenté en compétition à San Sebastián dans la section Nouveaux réalisateurs
Affiche du film «Cargo» du Belge Gilles Coulier, présenté en compétition à San Sebastián dans la section Nouveaux réalisateurs www.filmtotaal.nl
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Avec notre envoyée spéciale au Pays basque espagnol,

Le réalisateur Gilles Coulier, à prononcer à la Flamande et non pas à la Française en avalant le « e » final de Gilles, est déjà l'auteur de plusieurs courts métrages dont Mont-Blanc, présenté à Cannes en 2013. Ce dernier film, il a mis plusieurs années à l'écrire, à le réaliser, donnant de sa personne au point d'embarquer pour des pêches qui lui vaudront quelques cuisants souvenirs de mal de mer.

Filmé à Ostende, port flamand du nord de la Belgique sur la mer du Nord, Cargo met en scène des hommes, des pêcheurs, des tatoués - parce que les tatouages permettent de reconnaître le corps d'un noyé -, des barbus, des taiseux et des durs à cuire. La scène de pêche qui ouvre le film plante le cadre et les hommes, elle est impressionnante, on est dans le bain...

Magnifiquement filmé, avec des couleurs fondues en demi-teintes, « jamais de couleurs primaires parce que la mer, ça change tout le temps la lumière », nous explique Gilles Coulier, tant sur l'eau que dans le décor très minimaliste de la maison familiale, dans le scintillement des lumières du port la nuit, ou les lignes de fuite grises de l'horizon, le film raconte l'histoire d'une dynastie familiale de pêcheurs.

Trois générations d'hommes

Plusieurs générations vivent sous un même toit : le grand-père (interprété par un guitariste de blues renommé en Belgique, Roland Van Campenhout), deux de ses fils et un enfant, un jeune garçon qui a un rôle central dans le film. Acteur non professionnel, le petit Vico a été repéré au terme d'un long casting dans une école d'apprentissage au métier de pêcheur d'Ostende. « On a vu quelque 160 enfants mais quand j'ai vu ce petit gars, ça fait 'clic' parce qu'il est un vrai pêcheur et qu'il parle le dialecte » flamand des pêcheurs d'Ostende.

Gilles Coulier, qui s'inscrit lui-même dans une fratrie d'hommes, voulait raconter la difficulté à communiquer entre frères. Ils sont en fait trois : Jean, l'aîné, qui pêche avec le père sur un fileyeur (pêche côtière de poissons plats et autres seiches et poissons scorpions) et est destiné à prendre la succession sur le bateau, Francis, le fils du milieu qui lui ne pêche pas mais gère le foyer et veille à ce que le jeune garçon dorme et mange normalement - comme un enfant -, et un troisième larron, William, qui fut pêcheur mais a mal tourné et n'a pas rompu avec de troubles relations.

Pas de place pour la parole

Entre ces trois hommes et même le petit garçon - fils de l'aîné -, la communication est laconique, réduite à moins que l'essentiel puisque même la tentative de suicide du père, acculé par la mévente du produit de leur pêche, est tue. Les comédiens sont eux-mêmes dans la vraie vie « rough », rugueux, nous explique le réalisateur. Entre les comédiens professionnels, l'enfant et réalisateur, dans ce contexte très physique, il a fallu beaucoup discuter, parler, paradoxalement. « Hitchcock dit qu'au cinéma, la règle numéro un, c'est l'empathie », nous explique Gilles Coulier. Mais là, c'était difficile parce que les comédiens ne pouvaient pas montrer leurs émotions. Un pêcheur, ça ne pleure pas et ça parle peu.

Physiquement, ce sont des costauds et leur jeu passe par le regard, les non-dits, leurs gestes pour occuper l'espace comme la scène de la toilette du grand-père ou le rituel du petit crucifix ôté dans la couchette du bateau puis dans celle du camion. Des couchettes, des univers clos et solitaires. Mais dans cet univers délibérément masculin - Gilles Coulier reconnaît avoir essayé de mettre sans succès des personnages féminins dans le film -, au fil de la narration et des intrigues qui se mêlent, la parole va peu à peu se dénouer, les relations entre les frères et avec le père mourant se construire. Le scénario de ce film noir où se mêlent des thématiques sociales comme la crise de la pêche et les migations, ainsi que des drames plus intimes, est habile.

L'un pourra avouer au vieil homme son homosexualité avant de tout plaquer pour aller retrouver l'homme qu'il aime outre-Manche. Un autre apprendra à vivre peu à peu sa paternité et à prendre son fils dans ses bras pour le consoler de la mort de son grand-père. Et le dernier à faire le sacrifice de sa liberté pour peut-être permettre à la dynastie de maintenir la tradition. Le film pose aussi des questions morales importantes pour le réalisateur, nous explique-t-il, et sa fin est ouverte, comme l'horizon sur lequel se pose le regard du spectateur dans les dernières images du film.

"Cargo", c'est l'histoire d'une dynastie de pêcheurs, de la difficulté à communiquer entre frères et de la découverte de la paternité.
"Cargo", c'est l'histoire d'une dynastie de pêcheurs, de la difficulté à communiquer entre frères et de la découverte de la paternité. www.sansebastianfestival.com

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