Accéder au contenu principal
Cinéma / Russie

«Faute d’amour», un couple russe chez Andrey Zvyagintsev

C’est une œuvre glaçante, parfaitement maîtrisée, auscultant à la fois l'intimité d'un couple qui se déchire et l'effondrement des liens dans une société moderne, en l'occurrence la Russie. Faute d’amour, du réalisateur Andrey Zvyagintsev, sort ce mercredi 20 septembre sur les écrans français après avoir obtenu le prix du jury au dernier Festival de Cannes quand beaucoup lui auraient décerné la Palme d'or.

Matvey Novikov joue le rôle d’Alyosha dans «Faute d’amour» d'Andrey Zvyagintsev.
Matvey Novikov joue le rôle d’Alyosha dans «Faute d’amour» d'Andrey Zvyagintsev. Pyramide Distribution
Publicité

Nous sommes en lisière de Moscou, dans une cité moderne en bordure de forêt. Un jeune garçon de 12 ans quitte le collège et passe à travers le bois pour rejoindre l'appartement confortable dans lequel vivent ses parents.Chevelure blonde, mais regard sombre, Alyosha est le témoin impuissant des disputes de ses géniteurs, Boris et Zhelya.

De Zvyagintsev à Bergman

Dans Faute d'amour, ce couple russe se déchire. Andrey Zvyagintsev confie d'ailleurs qu'il avait pour modèle le classique d'Ingmar Bergman, Scènes de la vie conjugale.Mais, contrairement à ce que l'on peut imaginer, aucun des deux parents ne veut garder l'enfant. Ce garçon, né par accident, entrave l'épanouissement de Boris et Zhelya. Chacun a refait sa vie de son côté.

Pauvre Alyosha, petit garçon aux yeux expressifs. On garde longtemps en mémoire un plan déchirant, où on le découvre, caché derrière une porte, pleurant en silence.Le lendemain, l'enfant disparaît. Et les parents vont mettre du temps à s'en apercevoir.

La fugue

Dans le film, on suit leurs recherches, car la fugue intervient très vite. Tout ce film écrit et réalisé au cordeau va nous montrer la quête de ces parents et leurs vies respectives. Andrey Zvyagintsev montre la police impuissante ou totalement démobilisée. Un policier un peu plus compatissant va conseiller aux parents de se tourner vers une association de bénévoles, Liza Alerte.

Andrey Zvyagintsev : « C’est une association d’une efficacité incroyable. Par exemple, 6 600 personnages ont disparu en Russie, l’an dernier. Cette association, qui existe dans tout le pays, a réussi à retrouver 80 % des disparus. C’est extraordinaire. »

L’âme russe

Avec ce cinquième film, Andrey Zvyagintsev s'impose comme l'un des grands réalisateurs tourmenteurs de l'âme russe. Il y a trois ans, ce cinéaste de 53 ans faisait sensation à Cannes avec Leviathan, reparti avec le prix du scénario. Il y brossait le portrait peu reluisant d'une classe politique russe corrompue.

Avec Faute d'amour, il dissèque l'égoïsme exacerbé de ses contemporains qui cèdent au consumérisme dans une société moderne submergée d'informations. Et il situe volontairement l'action de son film pendant la guerre russe en Ukraine, entre octobre 2012 et février 2015. On le sait, car les personnages évoluent avec le bruit de fond des informations télévisées ou radio. Comme si cette guerre de la Russie avec un voisin russe faisait écho au drame personnel de ce couple qui se délite.

La réalité et la propagande

Voilà ce que répondait Andrey Zvyagintsev à Cannes à un journaliste ukrainien s'indignant de la propagande russe entendue à cette occasion : « Si vous avez vu Leviathan, mon film précédent, vous savez comment je me situe par rapport au pouvoir. On ne peut pas dire que je fasse de la propagande. Je montre simplement la réalité dans laquelle vivent mes personnages. »

C'est vrai qu'on ne peut guère soupçonner Andrey Zvyagintsev d'être au service du pouvoir russe. Son producteur Alexander Rodnyansky en sait quelque chose, lui qui a essuyé les foudres du pouvoir après Leviathan, financé en partie par l'Etat. Pour Faute d'amour, il a décidé de se passer des fonds publics. Mais il insiste sur la dimension universelle de ce film.

L’angoisse russe et l’accusation de russophobie

« Ce film montre le mode de vie russe actuel, la société russe, l’angoisse russe, affirme Alexander Rodnyansky, mais tout cela n’est pas spécifiquement russe. Je pense même que le film est très universel. Andrey Zvyagintsev explore les méandres de l’âme humaine, sans exclusivité, sans frontières. Un peu partout, vous pouvez trouver des gens qui vivent comme dans ce film. Zvyagintsev ne regarde pas la réalité par le petit bout de la lorgnette, il s’intéresse aux gens, pas à la politique. D’ailleurs, pour cela, les politiciens n’aiment pas ses films. »

Sorti en mai dernier en Russie, le film a rapporté 100 millions de roubles de recettes quand le précédent, Leviathan, en avait fait 93 millions. C'est visiblement un très bon résultat pour un film d'auteur en Russie. Néanmoins, Andrey Zvyagintsev est accusé de russophobie. Le film divise, mais ses partisans, comme le réalisateur Alexandre Sokourov, grand nom du cinéma russe, a déclaré à l'Agence France-Presse que les Russes sont fascinés de voir un film montrant leur propre dureté.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.