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Littérature

Les langues oubliées du Nobel

Par le passé, les jurés Nobel ont fait preuve d’audace en récompensant des langues peu répandues.
Par le passé, les jurés Nobel ont fait preuve d’audace en récompensant des langues peu répandues. Getty Images/Keith Levit / Design Pics
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Ces dernières décennies, l’Académie suédoise a décerné le prix Nobel de littérature à des écrivains représentants des langues largement parlées dans le monde : anglais, russe, français, mandarin, espagnol, allemand, pour ne citer que les plus récentes. Par le passé, les jurés Nobel ont fait preuve d’audace en récompensant des langues peu répandues : le yiddish avec Isaac Bashevis Singer en 1978, l’islandais grâce à Halldor Laxness en 1955, voire le provençal avec Frédéric Mistral en 1904. Ces trois langues comptent environ 300 000 locuteurs chacune.

Bien entendu, le prix couronne d’abord l’œuvre d’un homme ou d’une femme de lettres, mais sa dimension politique n’échappe à personne, sûrement pas au jury. Ainsi, il a choisi d’honorer Winston Churchill en 1953 et un opposant aux militaires guatémaltèques, Miguel Angel Asturias, en 1967. On se souvient des messages lancés vers l’Union soviétique en honorant deux critiques du régime, Boris Pasternak en 1958 et Alexandre Soljenitsyne en 1970, contrebalancés en 1965 par Mikhail Cholokov, membre du Soviet suprême. Nul doute qu’en attribuant le prix à Nadine Gordimer en 1991, les jurés tenaient à cœur de saluer aussi une militante anti-apartheid.

Les tableaux se concentrent sur la nationalité des lauréats. Il s’agit là d’une vision rapide. Elias Canetti était né en Bulgarie, a pris la nationalité britannique, résidait en Suisse et écrivait en allemand. Gao Xingjian est citoyen français, mais tout le monde a compris que l’Académie suédoise voulait honorer la littérature chinoise.

L’hommage à une langue me parait tout aussi important. A l’heure où la diversité linguistique tend à se rétrécir, il me parait judicieux d’encourager la richesse des littératures de par le monde. Déjà, ils sont nombreux les auteurs qui n’écrivent pas dans leur langue maternelle. C’est notamment le cas en Afrique (pensons à Soyinka) et dans le sous-continent indien. Il serait dommage que les académiciens suédois, parfaits anglophones, à l’aise dans une planète mondialisée, passent à côté de langues discrètes.

L’année dernière, dans ma toute première chronique, j’appelais de mes vœux l’attribution du prix au poète Breyten Breytenbach. Au-delà de l’homme, cela rendrait hommage à l’afrikaans, langue maternelle de six millions d’Africains, des métis en majorité.

D’autres langues dotées d’une littérature importante n’ont jamais été couronnées. En France, pays particulièrement dynamique en matière de traduction, le site d’une librairie recense 89 romans issus de l’albanais, 123 du roumain, 154 du coréen et 285 du néerlandais. On y trouve de grandes voix qui répondent aux critères fixés par Alfred Nobel : faire preuve d’un puissant idéal et de publications récentes. Nous passerons en revue au cours des semaines à venir les figures que sont Ko Un et Hwang Sok-yong, Cees Nooteboom, Ismail Kadaré et Norman Manea.

Le monde suédophone (les dix millions d’habitants du royaume et 300 000 citoyens finlandais), n’est pas oublié par le jury Nobel. Il a raison de souligner la vitalité de sa littérature. En 2012 il nous a fait apprécier le poète Tomas Tranströmer, dont les textes mélangent vie quotidienne et mysticisme. Comme il a su jadis saluer la langue hongroise (Kertész), tchèque (Seifert), grecque (Elytis), on ose espérer qu’il continuera de rappeler que la richesse d’une littérature n’est pas fonction du nombre de ses locuteurs.

Retrouvez chaque mardi le blog littéraire de Georges Lory

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