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Danse / France / Algérie

La chorégraphe Nacera Belaza: «J’ai cherché les passages souterrains»

Sa nouvelle pièce La Procession & Solo(s) a été créée au Panthéon. Actuellement en tournée, elle est présentée ce 29 juin au Festival de Marseille. Née en Algérie, la chorégraphe Nacera Belaza vit depuis ses cinq ans en France et sa création prend sa source dans un cheminement intérieur. Entretien.

«La Procession et solo(s)», chorégraphie de Nacera Belaza au Festival de Marseille 2017.
«La Procession et solo(s)», chorégraphie de Nacera Belaza au Festival de Marseille 2017. © Antonin Pons Braley 1
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RFI : Votre pièce La Procession & Solo(s) démarre avec une procession d’amateurs qui emmènent derrière eux le public. De quelle manière, le Panthéon a-t-il influé sur cette création ?

Nacera Belaza : Quand on m’a proposé cet espace du Panthéon, j’ai une partie de moi qui, tout de suite, s’est mise en alerte. Je me suis dit : « Ça semble facile, mais c’est extrêmement complexe d’interroger un tel espace ». L’interroger, ça veut dire ne pas aller dans son sens, le sens de son imaginaire, de ce qu’il véhicule, de ce qu’on a envie d’y faire… C’est grand, donc on va faire grand. C’est solennel, donc on va faire solennel, etc.Comment cet espace avec l’imaginaire qu’il draine n’allait-il pas aussi être encombrant pour nous ? Dans le travail j’arrive à une certaine épure, à vider plutôt qu’à remplir… Ce statut, ce décorum autour de nous c’était : comment embrasser cet espace ? Tout en estompant un petit peu cette histoire lourde qu’est ce monument et qui ne sert à rien dans mon travail. Je ne suis pas une historienne, je n’allais pas faire un travail qui tenait compte de ça.

Votre pièce est en tournée. Comment transportez-vous ce monument ailleurs ?

Chaque fois, une partie de cette création va se faire différemment. Par exemple, à Marseille, on est dans un parc en pleine nature. Donc la communion sera de même nature que pour le Panthéon, sauf que la résonnance sera différente, puisqu’on a cette fois-ci des éléments naturels autour de nous.Il y a cette partie de la pièce qui va s’adapter et prendre corps dans chaque espace. Puis il y a quand même les solos qui vont se jouer, tout en sachant que les solos, donc la partie écrite de la procession, ont aussi une part qui doit s’adapter à l’espace dans lequel on joue.

Pourquoi choisissez-vous de danser en solo ?

Ce n’est pas du hasard. C’est parce que, en 2012, il y a eu l’envie de créer deux solos – Dalila [sa sœur, ndlr] de son côté et moi du mien – pour un petit peu sortir des duos. Ça s’est posé à ce moment-là. J’ai senti que c’était une expérience assez périlleuse pour moi puisqu’en réalité, on me pose la question de pourquoi je ne travaille pas avec plus de danseurs. Alors que la question la plus pertinente à me poser aurait été de me dire : « Mais pourquoi vous ne travaillez pas sans votre sœur ? » Puisque c’est un solo…

Mais j’allais vous la poser ! Pourquoi votre sœur, justement ?

C’est le solo qui était plus un défi pour moi que de travailler avec le groupe. J’ai commencé la danse coude à coude avec ma sœur à mes côtés. La danse m’a permis de m’extraire de mon milieu, etc. Je pense que ça a créé une sorte de noyau dur dès l’enfance qui a fonctionné de cette manière-là et que je n’avais jamais été seule.

« La Procession et solo(s) », chorégraphie de Nacera Belaza au Festival de Marseille 2017.
« La Procession et solo(s) », chorégraphie de Nacera Belaza au Festival de Marseille 2017. © Antonin Pons Braley 5

Nacera, justement on vient à votre culture. Vous êtes d’origine algérienne. Vous parliez de votre milieu tout à l’heure. La culture algérienne nourrit-elle encore votre travail ?

Oui, forcément. D’abord je suis toujours en relation avec l’Algérie où je vais régulièrement…

Vous y travaillez ?

Où j’y travaille, bien sûr. J’ai évidemment les liens à la famille. En fait, on a fait partie de ces familles qui ont reproduit un mode de vie vraiment littéral de peur de s’ouvrir. On a vécu à la maison comme si on était un petit peu en Algérie. Donc ça vous poursuit…

Vous parliez en français ?

Oui, c’est-à-dire que je parle en arabe avec mes parents. Ils ont gardé leur… même s’ils sont maintenant entre l’Algérie et la France. Donc je suis très imprégnée de cette culture. Et puis, il y a aussi ma vie ici en France, mais aussi un peu partout dans le monde.

Alors cette culture - la danse - quelque part vous a permis de vous libérer de la famille, de la tradition...

Oui, ça a été le cas.

En même temps, cette culture aujourd’hui nourrit aussi votre travail ?

Oui, bien sûr. Mais je n’ai pas cloisonné les choses. Je ne les ai pas opposées. Mon parcours n’a pas été évident parce que j’ai choisi de faire de la danse, mais il était évident pour moi – comme je vous le disais tout à l’heure par rapport à la procession – qu’il fallait que je trouve l’unité dans ça et non pas que j’oppose les deux cultures. Ça a vraiment été un instinct de survie, ce besoin d’unifier et pas d’opposer.

J’aurais pu – et je pense que beaucoup l’ont fait – me dire : je mets un terme à cette vie qui ne me convient pas, pour devenir artiste, etc., puisque ma culture refuse que… Non, j’ai cherché les passages souterrains tout le temps, en me disant : Comment est-ce possible ? Je respecte la culture qui m’a fondée. En même temps, je chemine d’une certaine manière dans mon travail, mais ça ne s’oppose pas.

► « La Procession & Solo(s) », chorégraphie de Nacera Belaza, le 29 juin au Festival de Marseille,
les 4 et 6 octobre à Tunis (Dream City), 24-25 février 2018 à Lyon (Musée des Confluences – Festival Sens Dessus Dessous).

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