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Festival de Cannes / Allemagne

Cannes: «Aus dem Nichts», un Fatih Akin très politique

Mine de rien, « Aus dem Nichts » de Fatih Akin est le film le plus politique de cette compétition du Festival de Cannes qui s’achève samedi, avant l’annonce du palmarès dimanche 28 mai. L’Allemand Fatih Akin raconte sobrement les manquements de l’Etat, de la justice et de la société allemande concernant les attentats perpétrés par les membres du groupuscule néo-nazi NSU entre 2000 et 2011 tuant 8 immigrés turcs, un immigré grec et une policière.

Diane Kruger dans « Aus dem Nichts », de Fatih Akin.
Diane Kruger dans « Aus dem Nichts », de Fatih Akin. Warner Bros. Ent.
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On est loin des grandes déclarations « anticapitalistes » d’Okja, produit par Neflix, et loin des images oniriques de l’oppression en Russie dans Une Femme douce de Sergei Loznitsa. Et pourtant, Aus dem Nichts est un cinéma politique par excellence en mettant des images sur un silence et un aveuglement coupables. Il y a très peu de films dans le cinéma allemand parlant des néo-nazis allemands, et cela dans une République fédérale allemande fondée sur le combat démocratique contre l’idéologie du nazisme.

« Le vrai scandale »

Le réalisateur s’est inspiré librement des faits qui ont secoué l’Allemagne. « Le vrai scandale n’était pas que des néonazies ont tué neuf immigrants et une policière, a affirmé Fatih Akin lors de la conférence de presse à Cannes. Le vrai scandale était que pendant dix ans, la police, la société allemande et les médias allemands pensaient que les meurtres étaient des Turcs ou des Kurdes. Donc, ces gens ont été tués deux fois. On ne leur a pas accordé le droit d’être des victimes. Comme ils étaient des Turcs, on a laissé penser qu’ils devaient forcément avoir des liens avec la mafia ou autre chose. »

Diane Kruger en langue maternelle

Pour raconter cette faillite, Akin ne cherche pas des images spectaculaires. Il fait confiance à un style très direct et simple, à l’instar du personnage principal incarné par Diane Kruger. La Marie-Antoinette dans Les Adieux à la reine de Benoît Jacquot a tourné pour Fatih Akin pour la première fois dans sa langue maternelle et sans maquillage pour incarner avec subtilité une femme heureuse qui sera frappée par le malheur. Le bonheur familial de Katja, Nuri et de Rocco sera détruit par une bombe artisanale. Quand Katja arrive sur place, il n’y a plus de corps, son mari et son fils de 6 ans ont été déchiquetés en mille morceaux par la déflagration de la bombe.

Quand la police allemande enquête sur les victimes turques

Malgré le choc, les premières questions de l’inspecteur sont : « est-ce que votre mari était pratiquant ? » « Est-ce qu’il a fait de la politique ? » Bref, la police ne s’occupe pas des coupables, mais enquête sur la victime. L’origine turque du mari intrigue les enquêteurs plus que les faits. Juste avant l’attentat, Katja avait vu une femme blonde déposer un vélo neuf avec un top case sur le porte-bagages devant l’agence de traduction et de voyage de son mari dans le quartier turc de Hambourg.

C’est l’histoire d’une tragédie surgissant de nulle part, d'où le titre Aus dem Nichts. Après « Famille », la deuxième partie du film est consacrée à la « Justice ». Un face à face entre deux blondes au tribunal : d’un côté Katja, femme anéantie, de l’autre côté l’accusée Edda Möller, originaire de la même région en Allemagne, mais introvertie et mutique, jusqu’à l’acquittement au tribunal, faute de preuves irréfutables. Pour Katja, la vengeance semble alors de plus en plus inévitable, guidée par le samouraï tatoué sur son corps.

Le refoulé traité par Fatih Akin

Fatih Akin, né en 1973, à Hambourg, de parents turcs, excelle avec un traitement très sobre d’une histoire explosive à plusieurs égards. La famille du réalisateur avait personnellement connu l’une des victimes. Dans le film, la mort du père et du fils provoque des réactions ayant été visiblement refoulées depuis longtemps. Ainsi le réalisateur germano-turc met à mal la façade de l’intégration parfaite des Turcs en Allemagne. La mère de Katja se plaint tout d’un coup de la mauvaise influence de Nuri sur sa fille. A l’enterrement, les parents de Nuri accusent Katja d’avoir été une mauvaise mère et responsable de la mort des bien-aimés, parce qu’elle avait laissé son fils à l’agence de Nuri pour aller au hammam avec une amie. Et après l’attentat, ces immigrés décident de retourner en Turquie et souhaitent « rapatrier » leur fils et petit-fils dans leur pays.

Pour la « bonne » cause

Fatih Akin ne rend pas facile le dénouement de l’histoire. Il adore semer des doutes dans ce thriller mis en musique par Joshua Homme, le leader du groupe Queen of the Stone Age. Par exemple, Katja et Nuri se sont rencontrés quand Katja lui avait acheté de l’herbe. Et ils se sont mariés quand Nuri était en prison, condamné à quatre ans de prison pour détention de drogues. Sans parler du père du néonazi. Il savait que son fils « adulait Hitler », mais l’avait dénoncé quand c’était déjà trop tard…

La fin du film ne laissera personne indifférent. Pour assoiffer sa vengeance, Katja utilisera pour sa « bonne » cause les mêmes méthodes que les jihadistes aujourd’hui. Le film est tout sauf manichéen, les problèmes ne seront pas résolus et la question de la justice restera entière.

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