Accéder au contenu principal
Festival de Cannes / France

[Entretien] Le coup de cœur de Cannes: «Jeune femme» de Léonor Serraille

Avec un premier long métrage sur une femme singulière, elle a enthousiasmé le public cannois en sélection officielle dans la prestigieuse section Un certain regard. « Jeune femme », de la réalisatrice Léonor Serraille, 31 ans, est le coup de cœur de cette 70e édition du Festival de Cannes. Entretien.

Léonor Serraille, la réalisatrice de «Jeune femme» au Festival de Cannes 2017.
Léonor Serraille, la réalisatrice de «Jeune femme» au Festival de Cannes 2017. Siegfried Forster / RFI
Publicité

RFI : Est-ce que vous êtes surpris du succès phénoménal de votre film Jeune femme au Festival de Cannes ?

Léonor Serraille : En fait, je suis même toujours surpris d’être en sélection officielle. On ne s’y attendait vraiment pas. C’était un cadeau magnifique. Pour beaucoup entre nous, c’était un premier long métrage. On l’a fait avec peu d’argent et on ne s’attendait pas une seconde à la sélection. L’accueil chaleureux lors de la première était encore plus fort.

Votre « Jeune femme » rentre à Paris, après une longue absence au Mexique. Elle vient d’être quitté par son petit ami et devient un peu instable comme la vie et errant comme un chat sur les toits de Paris. Comment décriviez-vous Paula ?

Au début du film, elle est cassée, en morceaux, rejetée. Mais c’est quelqu’un qui prend petit à petit conscience qu’elle a beaucoup de ressources. Avec très peu de choses, un peu d’élan, un peu d’humour, quand on arrête un peu le temps, on peut quand même avoir des forces, malgré des difficultés et galères. C’est quelqu’un qui est très inventif, très curieux, aussi un peu naïf. Et ce sont des qualités importantes pour des personnes en difficulté.

Vous êtes la réalisatrice et la scénariste du film, mais sans votre rôle principal Laetitia Dosch, cela ne serait pas le même film. Avez-vous créé ce personnage à deux ?

J’ai écrit le scénario toute seule, en ne pensant à aucune comédienne en particulier. C’est un scénario très détaillé, très écrit, très dialogué. En fait, je n’arrivais pas du tout à me dire qui va jouer le rôle. Et puis, j’ai été impressionnée sur internet par des petites vidéos de Laetitia dans des spectacles où l’on a l’impression que ce n’est jamais la même personne. Elle change beaucoup.

Pour le personnage, j’avais besoin d’un personnage comme ça, qui puisse avoir plein de couleurs différentes. On ne sait pas quel âge exact elle a, dans quel registre elle joue… Après, je savais que c’est une comédienne qui a une énergie bouillonnante, donc j’avais envie de la rencontrer. D’abord, j’ai écrit une petite lettre et ensuite j’ai été assez frappée par cette énergie. J’avais l’impression qu’elle ressemblait beaucoup, en féminin, à Patrick Dewaere, le comédien. Cela m’a émue, j’avais l’impression qu’ils avaient beaucoup de choses en commun. Et c’est devenu une évidence.

Après, on a beaucoup travaillé, pendant un mois et demi, avant le tournage. J’ai écrit des petites choses, elle a fait des propositions, par exemple cette coiffure à la Amy Winehouse, on a beaucoup repris le scénario… j’étais très heureuse de faire cela avec elle.

Laetitia Dosch incarne Paula, la «Jeune femme» de Léonor Serraille.
Laetitia Dosch incarne Paula, la «Jeune femme» de Léonor Serraille. Festival de Cannes

Votre traitement visuel de Paris est très originel. Vous filmez beaucoup de lieux de passage, de transition, comme une gare, un pont, une chambre d’hôpital, un magasin Cash converter et même un « bar à culottes ». Quelle sorte de portrait avez-vous voulu dresser de cette Paris qui « a trop d’argent pour l’imagination ».

C’est une ville qui est à la fois fascinante, parce qu’il y a un mélange et beaucoup de choses très différentes, mais c’est aussi une ville très violente, parce qu’on se sent vite écartelé, entre les espaces, les codes et oui, il y a beaucoup d’argent dans certains quartiers, il y en a moins dans d’autres. Après, on avait envie de malmener un peu le personnage dans des espaces très contrastés et de voir comment elle s’en sortait dans ce Paris-là. Il y a aussi le métro qui est très important. C’est un décor intermédiaire où tout est possible ou alors rien du tout. C’est là où Paula cherche et attend et cela devient un peu son terrier.

J’avais envie de montrer un Paris très d’en ce moment, sans que ce soit carte postale. Au début, Paris est une ville que Paula n’aime pas. Petit à petit, elle s’y attache. La question derrière est : comment s’attacher à une ville ? Mon rapport à Paris est d’avoir travaillé dans des lieux que je trouvais à la fois plein de vie, parce qu’il y avait plein de filles comme moi qui y travaillaient. En même temps, ces lieux étaient durs, parce qu’on devait prendre des uniformes, se transformer pour des petits boulots, pour gagner très peu d’argent.

Dans ce rayon du bar de petites culottes, Paula rencontre Ousmane, le vigile du magasin. C’est le seul qui dure dans ce métier et le seul qui assure et gère sa vie à Paris, grâce à ses traditions et sa sagesse. Que peut-on apprendre d’Ousmane ?

Déjà sa sagesse. Il sait observer. C’est quelqu’un qui sait penser, se transporter. Il est là, dans l’attente. C’est un métier de l’attente. C’est très difficile, passer des heures dans un lieu. En fait, c’est quelqu’un qui sait rêver. Contrairement à Paula, il est moins dans le langage, il est dans l’observation. C’est un personnage qui m’est inspiré par des rencontres de vigiles dans des endroits où j’ai travaillé : des gens très bons, extrêmement lumineux, malgré, parfois des couloirs où ils passaient des journées à attendre. Ce sont aussi des gens parfois très diplômés, qui ont fait beaucoup d’études et qui attendent et qui le font avec modestie et classe. Je pensais que le personnage ait une certaine classe dans sa simplicité.

Paula est d’abord une femme larguée, puis paumée avant de partir à la conquête de sa propre vie et essayer de s’en sortir. Ce film, est-il maintenant aussi pour vous un nouveau départ ?

Cela donne de la confiance pour continuer. Cela donne envie de passer du temps avec d’autres personnages… C’est un tremplin pour la suite. Ça donne envie de reprendre l’écriture, d’y retourner, avec la même équipe.

RFI au Festival de Cannes 2017 : nos articles, éditions, émissions, photos et vidéos

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.