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Bande dessinée / Cinéma / Culture

Mathieu Sapin: «Depardieu est l’homme des superlatifs et des paradoxes»

Le dessinateur Mathieu Sapin nous raconte « Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu ». Un portrait inédit, drôle et tendre de l'acteur aux centaines de rôles, homme d'affaires, amateur d'art, à la fois ogre et candide... Pour sa bande dessinée, Sapin l'a suivi pendant cinq ans, de sa maison musée de Saint-Germain-des-Prés à sa suite de l'hôtel Metropol de Moscou en passant par l'Azerbaïdjan. Entretien.

Détail d'une planche de la bande dessinée de Mathieu Sapin: « Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu ».
Détail d'une planche de la bande dessinée de Mathieu Sapin: « Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu ». Editions Dargaud
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RFI : Après avoir croqué le quotidien du journal Libération, puis celui de l’Élysée dans Le Château, une année dans les coulisses de l'Élysée, vous vous attaquez à une autre « institution nationale », Gérard Depardieu, mais au départ cette rencontre est plutôt fortuite ?

Mathieu Sapin : Oui, complètement. C’était en 2012, j’ai été contacté par une société de production qui cherchait un dessinateur pour accompagner Gérard Depardieu en Azerbaïdjan. L’idée de cette démarche était un documentaire où on devait aller sur les traces d’Alexandre Dumas qui avait fait un voyage dans la région. À l’époque, il était parti avec un ami peintre. Il avait ramené un carnet de voyage. L’idée était que Depardieu, qui a un lien assez naturel avec Dumas, refasse le même parcours pour comparer l’Azerbaïdjan d’aujourd’hui et le Caucase d’hier. Et pour qu’il y ait des interactions, il cherchait un dessinateur. Ce n’était pas évident parce qu’il fallait être à l’écran. Il fallait à la fois dessiner, mais aussi converser avec Depardieu. On m’a contacté quelques jours avant le départ. C’était vraiment un peu sans filet.

Vous ne le connaissiez pas ?

Non, bien entendu. Je ne le connaissais pas. Comme tout le monde, je connaissais sa carrière. Je l’avais même un peu perdu de vue, parce que je n’avais pas vu ses films récents. Du coup, j’ai eu très peu de temps pour me préparer. Je l’ai rencontré très brièvement à Paris quelques jours avant le départ. C’est vraiment sur place, le premier jour de tournage, que je me retrouve avec lui. Et c’était parti.

C’est ainsi que vous avez eu donc l’idée de faire une BD sur lui ?

J’ai passé dix jours avec lui qui étaient inoubliables. En dix jours là-bas, en Azerbaïdjan, c’était intense, parce qu’on se déplaçait en permanence. On a fait du 4x4, on a fait du side-car, de l’hélicoptère… On n’a pas fait de cheval, mais on aurait presque pu. Dix jours complètement dingues. En sortant de là, j’étais un peu étourdi. Je me suis dit, c’est dommage de ne pas raconter cela. J’étais pris dans d’autres projets. Et c’est surtout quelques mois plus tard quand a éclaté l’affaire des passeports belges et russes de Depardieu qui a enflammé la sphère médiatique française et même internationale…

Parce que Gérard Depardieu avait dit qu’il voulait quitter la France ?

Depardieu a dit qu’il voulait quitter la France. Il y a eu des réactions de Jean-Marc Ayrault qui l’ont blessé, où Jean-Ayrault disait de lui qu’il était « minable ». Il y a des gens qui ont pris position pour défendre Depardieu, des gens qui l’ont accusé. Et il y a eu à un moment où ça a vraiment fait les gros titres. C’était un évènement national. Il y a plein d’autres personnalités françaises connues qui ont fait cette démarche d’aller à l’étranger. Ça a été mentionné, mais ça n’a pas déclenché une telle passionaria. Donc je me suis dit, il y a vraiment un truc avec lui qui est unique, j’ai eu l’occasion de le côtoyer, d’avoir une relation assez proche avec lui, c’est dommage d’en rester là. Donc j’ai repris contact avec lui et j’ai essayé de le convaincre que ça pourrait être une bonne idée de faire une bande dessinée pour le raconter, raconter Depardieu.

Il est incroyable ! C’est vraiment un personnage très fidèle à celui qu’on connaît. Vous montrez qu’il grogne vraiment, par exemple, comme on l’entend dans les films. Il est en même temps très attachant et à la fois proche et différent ?

J’avais sous les yeux un sujet complètement hors-norme, qu’on ne peut absolument pas inventer. Parfois, je me demande : que penserait quelqu’un qui lirait cette bande dessinée si on lui présentait comme une espèce d’œuvre de fiction, un personnage imaginaire. Il n’est pas crédible. Il est tellement énorme dans tous les sens du terme que quelque part on n’y croit pas. C’est vraiment en essayant de le montrer tel qu’il est… Souvent on a l’impression que j’exagère alors que pas du tout. Je suis même parfois en dessous de la réalité. C’est vraiment l’homme des superlatifs et aussi des paradoxes. C’est quelqu’un qui peut être très emporté et en même temps il peut être très doux, très avisé. Il a une acuité incroyable et puis il peut être parfois très injuste. Ce n’est pas du tout un ange, il a vraiment des parts d’ombre. C’est quelqu’un qui peut être très drôle, puis il y a des moments dans la BD plus graves parce que lui-même, il a des failles importantes. On passe comme ça d’une émotion à une autre.


Vous vous représentez dans cet album au côté de Gérard Depardieu. Vous jouez aussi beaucoup sur le duo, un duo comique entre vous, déjà une différence de taille, de gabarit, d’âge. On se retrouve dans une sorte de tandem comique.

Je n’ai pas eu à chercher très loin parce que dans le documentaire qui a servi de préalable en Azerbaïdjan, à l’écran, il y avait un truc qui marchait. Je le sentais pendant le tournage, mais même après au montage. Dans ce documentaire, il y a plein d’aspects assez comiques de duo, entre lui et moi. Si bien qu’au bout d’un moment, je commence à prendre de l’assurance, à aussi le mettre en boite, parce que c’est quelqu’un qui aime bien bousculer l’autre, mais ce n’est jamais méchant. En revanche, c’est plus intéressant quand il y a du répondant. Il y avait une espèce de relation assez comique.

Désormais vous êtes devenus amis avec Gérard Depardieu ?

Oui, c’est quelqu’un qui est tellement atypique que ce n’est pas une amitié commune, comme une autre. Oui, c’est quelqu’un que j’aime beaucoup.

Écoutez l’interview avec Mathieu Sapin sur « Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu ».
► Mathieu Sapin participera le 10 et 11 juin au 12e Lyon BD Festival.
Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu, éditions Dargaud.

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