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Littérature

La résistance selon Mandla Langa

Mandla Langa est écrivain et ancien directeur de l’Instance de régulation de la communication sud-africaine, l’ICASA (équivalent du CSA en France).
Mandla Langa est écrivain et ancien directeur de l’Instance de régulation de la communication sud-africaine, l’ICASA (équivalent du CSA en France). RFI/Tirthankar Chanda
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Enfin le roman sur la résistance que j’attendais*, avec ses héros en proie au doute, ses traîtres compliqués, ses profiteurs, ses règlements de compte en Angola. La guerre de l’ombre est rarement claire.

Dans les derniers jours de 1989, alors que la libération de Mandela se profile, quatre guérilleros de MK, la branche armée de l’African National Congress, s’infiltrent en Afrique du Sud. Ils transportent en toute discrétion une caisse vers un township de Durban. Elle contient des documents sur des affaires malsaines, des preuves de trahison peut-être. Afin de l’ouvrir devant toute l’équipe, les résistants attendent la présence d’une autorité morale, Nerissa Rodrigues, haute responsable de l’ANC à Johannesburg.

Mais ces dossiers intéressent aussi quatre autres groupes : le colonel Stander, spécialiste de la contre-insurrection, des voyous locaux, la police de l’apartheid et le cruel Nozishada, qui a jadis dirigé un camp de l’ANC en Angola. Aveuglée par son amour pour ce dernier, la belle Sonto s’apprête à poser une bombe dans la maison des guérilleros vers laquelle tout le monde converge. La bataille finale éclate le 2 janvier 1990, à l’aube d’une décennie nouvelle. Plusieurs protagonistes y laissent la vie. Il fallait cette naissance sanglante pour qu’émerge un pays nouveau.

Mandla Langa manie la montée du suspens dans un cadre historique précis. Ses personnages contrastés reflètent la réalité complexe de l’Afrique du Sud. Trois personnages sont particulièrement attachants : le guérillero Thabo Stone, Laura Mdunga amoureuse de deux résistants et Strella, un baroudeur qui se bat pour plusieurs causes. La plus surprenante demeure Nerissa Rodrigues, quinquagénaire, homosexuelle et bienveillante.

Toute guerre civile génère ses soldats perdus, ses flics ambivalents et ses hyènes. Les alliances internationales obligent parfois les résistants à se battre pour des causes qu’ils n’ont pas choisies. Le livre aborde un thème rare, la vie dans les camps de l’ANC en Angola au cours des années 1980, imprégnée de violence et de paranoïa.

De langue maternelle zouloue, Mandla Langa est né à Durban en 1950. Il a grandi dans le township voisin de KwaMashu. Diplômé en lettres de l’université pour Noirs de Fort Hare, il est emprisonné dans la foulée des émeutes de Soweto en 1976. Sitôt libéré, il s’exile. Il suit un entraînement militaire au sein de l’ANC en Afrique australe. Il est envoyé en Hongrie, puis au Royaume-Uni. Le mouvement le nomme attaché culturel pour l’Europe de l’Ouest.

Un frère de l’auteur a été exécuté dans une base de l’ANC en Angola, le Camp Quatro de triste mémoire. Cette tragédie explique l’intérêt de Langa pour cette page sombre de l’histoire. De nombreuses militantes en ont souffert. Mais les langues se délient difficilement, même chez celles qui occupent des postes importants, par souci de préserver l’image de la formation incarnée par Mandela.

Après l’avènement de la démocratie, Mandla Langa présidera l’ICASA, l’équivalent de notre Conseil supérieur de l’audiovisuel, de 2001 à 2005. Pour autant, il n’a pas accordé de fréquence FM à RFI à Johannesburg ! Son frère aîné, Pius, avocat des droits de l’homme, a présidé la Cour constitutionnelle avec beaucoup de dignité entre 2005 et 2009.

Auteur de poèmes et de nouvelles, Langa s’est déjà signalé comme romancier par deux livres de qualité. The Memory of Stones, sorti en 2000, dépeint une jeune fille de chef face aux traditionalistes et aux gangsters. The Lost Colour of the Chameleon se déroule dans une île fictive de l’océan Indien dont la population comprend plusieurs groupes ethniques. Les trois fils d’un autocrate se disputent le pouvoir. Le roman a reçu le Prix du Commonwealth pour l’Afrique en 2009.

Saluons un romancier qui chasse intelligemment les ombres du passé.

* Mandla Langa, The Texture of the Shadows, Picador Africa, 2014

Retrouvez chaque mardi le blog littéraire de Georges Lory.
 

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