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Chine / Hong Kong

Joshua Wong: à Hong Kong, «nous faisons face à l’empereur Xi»

À Hong Kong, les manifestations durent depuis plus de deux mois. Il s’agissait d’abord d’obtenir le retrait par la cheffe de l’exécutif Carrie Lam d’un projet de loi d’extradition qui aurait permis que soient jugées en Chine continentale des personnes arrêtées à Hong Kong. Le projet a rapidement été suspendu, mais les manifestants veulent son retrait total. Avec désormais d’autres revendications, comme une enquête indépendante sur les violences policières, et des réformes démocratiques.Justement ce que demandait, il y a cinq ans, le mouvement étudiant des parapluies. Ses dirigeants en ont payé le prix, malgré leur jeunesse. Ceux qui font aujourd’hui figures d’anciens ne sont pas au premier plan de ce nouveau mouvement sans leader, pour autant, ils restent toujours aussi actifs et décidés, comme Joshua Wong, 22 ans, que RFI a rencontré.

Joshua Wong, 22 ans, ancien leader du mouvement des parapluies de l'automne 2014, et figure de la colère à Hong Kong, photographié le 7 août 2019.
Joshua Wong, 22 ans, ancien leader du mouvement des parapluies de l'automne 2014, et figure de la colère à Hong Kong, photographié le 7 août 2019. © Christophe Paget / RFI
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De notre envoyé spécial à Hong Kong,

RFI : Vous êtes sorti de prison il y a deux mois, les manifestations avaient déjà commencé. Quel est votre investissement dans le mouvement ?

Joshua Wong : J’ai participé à la majeure partie des manifestations. Avec mon parti Demosisto nous organisons un support juridique en nous coordonnant avec les lycéens, nous mettons en place des campagnes de crowdfunding, et nous avons organisé le rassemblement lors de la grève générale de lundi, la plus importante depuis la rétrocession, qui a montré la passion et la détermination des gens. Mais ce ne sera pas la dernière, je pense qu’il y en aura une autre d’ici un ou deux mois.

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RFI : Quelles sont les différences entre ce mouvement et le vôtre, il y a cinq ans ?

Il y a cinq ans nous avons demandé des élections libres et nous faisions face au président Xi Jinping. Aujourd’hui, nous demandons des élections libres et nous faisons face à l’empereur Xi. Nous sommes parfaitement conscients de la politique très dure que le président chinois mène, et que nous vivons. Par ailleurs ce mouvement n’a pas de chefs, et c’est un point positif : les autorités pékinoises ne peuvent viser personne, ils ne peuvent pas stopper le mouvement en traînant en justice un ou une cheffe C’est grâce à cela que le mouvement dure depuis deux mois, pour devenir « l’été du mécontentement ». Benny Tai, Ivan Long et moi avions été mis en prison, en tant que leaders politiques, là le fait que le mouvement n’ait pas de chefs mais uniquement des facilitateurs nous permet de continuer.

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RFI : Votre mouvement était principalement constitué d’étudiants, là on a l’impression que toutes les couches de la société participent. Pour quelle raison ?

Cela va de la génération des baby-boomers à celle des millennials. Nous avons une conscience aiguë de l’importance de notre combat pour la démocratie. Sur les 500 personnes arrêtées ces deux derniers mois, le plus jeune a 13 ans et le plus vieux en a 63. Le fait que cela traverse les générations, c’est important, cela montre la diversité et l’unité du peuple hongkongais. Ils n’ont pas confiance en un Pékin dirigé par Xi Jinping. Ils ont tout à fait conscience de l’importance pour nous d’avoir des élections libres.

RFI : Les gens ont-ils perdu leur confiance en Pékin en cinq ans ?

Des députés ont été chassés de leur poste, des activistes mis en prison, des éditeurs kidnappés, un journaliste correspondant étranger a été expulsé de Hong Kong : nous avons parfaitement conscience qu’ « un pays deux systèmes » s’est érodé pour devenir « un pays un système ». Xi Jinping a transformé le système pour devenir l’empereur. Avec l’amendement constitutionnel qu’il a fait adopter pour supprimer le nombre des mandats présidentiels, il restera le chef de la Chine les prochaines cinq, dix, quinze ou vingt années. C’est pour cela que nous avons parfaitement conscience de la situation, que nous avons peur, et que le gouvernement de Hong Kong doit être élu par des gens de Hong Kong impartiaux, et pas par des gens manipulés par Pékin.

RFI : Ce mouvement est plus violent que le vôtre, qui ne l’était pas. On voit des choses qui auraient été inimaginables à l’époque.

La police de Hong Kong a procédé à 1 800 tirs de gaz lacrymogènes ces deux derniers mois, lors du mouvement des parapluies ils en avaient tiré 18. Aujourd’hui c’est totalement différent. La police de Hong Kong a utilisé des armes létales. La police anti-émeutes se poste sur les toits des hautes tours dans le centre de Hong Kong et tire des lacrymogènes et des balles du 14e étage pour stopper les manifestations. Ils déploient vraiment une force excessive et potentiellement mortelle. Ils font ça sur ordre de Pékin, pour décourager les gens. Mais l’élan est toujours là, et le mouvement continue.

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RFI : Le mouvement des parapluies avait duré plus de deux mois sans violence, là des manifestants ont attaqué et dégradé le Parlement, les commissariats de police sont aussi visés.

Les gens subissent des tirs de balles en caoutchouc. Nous, manifestants pacifiques... Et on fait comme si c’était normal. C’est complètement fou, c’est terrible, et les gens sont en colère, et ils espèrent récupérer leurs droits de choisir leur propre gouvernement. Le 16 juin, deux millions de personnes sur sept millions et demi ont participé à une marche : cela a montré notre implication pour obtenir des élections libres. Mais le gouvernement ignore complètement nos marches. Personne n’a envie de manifester tous les week-ends, mais c’est ce qui arrive. Des manifestants ont visé des commissariats de police et des bâtiments du gouvernement pour montrer que ce ne sont pas des endroits qui représentent la voix des gens. La porte de sortie, elle ne dépend pas des militants, la porte de sortie, c’est que le gouvernement arrête de rester derrière les forces anti-émeutes et de ne rien faire.

RFI : Pourquoi Carrie Lam ne retire-t-elle pas une fois pour toutes le projet de loi sur l’extradition ?

Carrie Lam n’est que la marionnette de Pékin et du régime communiste, quelle que soit la décision qu’elle a à l’esprit cela dépend en fait du Conseil des affaires de l’État. C’est pour cela que nous devons avoir des élections libres. La personne qui nous dirige ne doit pas être la marionnette de Pékin.

RFI : La grande question, c’est « est-ce que Pékin va envoyer l’armée ? »

Ils ne peuvent pas envoyer l’Armée de libération du peuple à Hong Kong. S’ils le font, l’économie et le développement s’effondreraient. Et le prix que paieraient les leaders financiers pro-Beijing de Hong Kong serait gigantesque, c’est pour cela qu’ils ne le feront jamais.

RFI : Alors, quelle serait la porte de sortie pour Pékin ?

Supprimer le projet de loi sur l’extradition, accepter une commission indépendante sur les violences policières et laisser les Hongkongais avoir des élections libres. Et le gouvernement français doit reprendre sa Légion d’honneur à Carrie Lam. Nous venons de mettre en place une pétition sur Twitter à ce sujet. Les gens en France doivent agir. Carrie Lam ne mérite pas cet honneur, quand elle lance la police anti-émeute sur les manifestants et ignore notre souhait d’avoir des élections libres. Ce que nous demandons, c’est un droit dont les gens en Europe profitent depuis le siècle dernier. Nous, nous nous battons encore pour l’obtenir.

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